450 000 postes à pourvoir dans l'artisanat
Soutien à l'emploi, facilitation des transmissions d'entreprises ….La Chambre des métiers et de l’artisanat a présenté ses propositions pour une « politique en pointe sur l'artisanat et l'économie de proximité ». Un quart des artisans prévoient d'embaucher, d'après un sondage réalisé avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Le sujet de l'impact de la guerre en Ukraine s'est imposé, le 10 mars, à Paris, lors de la conférence de presse organisée par la CMA, Chambre des métiers et de l'artisanat. Celle-ci présentait ses « dix propositions pour une politique en pointe sur l'artisanat et l'économie de proximité », dans le cadre de la campagne présidentielle.
Aujourd'hui, en France, l'artisanat représente 12% du PIB, 3,1 millions d'actifs et plus de 300 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Concernant la crise internationale, mis à part des cas spécifiques, l'activité du secteur n'a pas encore été directement impactée par la guerre en Ukraine. Toutefois, « la situation inquiète les artisans. Les entreprises constatent que l'on rentre dans une période difficile. On se dit que les choses peuvent changer en quelques jours », explique Joël Fourny, président de la CMA. Au delà de l'état des lieux de ce contexte brutal, la CMA présente donc une dizaine de « propositions » pour son secteur, concernant notamment la fiscalité, la régulation de la concurrence, l'emploi et la formation. Le financement de celle-ci constitue « l'une des priorités », pointe Joël Fourny. A ce titre, la CMA plaide pour le maintien de la prime de 5 000 et 8 000 euros mise en place par l’État pour soutenir les employeurs d'apprentis, et qui devrait s'arrêter cet été. « Ces aides ont montré leur efficacité », argumente Julien Gondard, directeur général de la CMA.
Autre sujet phare avancé, la facilitation des processus de transmission des entreprises. Celles qui se déroulent dans le cadre familial pourraient être exonérées totalement d'impôts de succession. Quant à celles qui sont à l'initiative de salariés, elles pourraient être encouragées par l’extension du dispositif d'accompagnement à la création ou la reprise d'entreprise (Nacre) aux situations où l'entreprise ne se trouve pas en difficulté financière. En outre, un fonds pour l'accompagnement des repreneurs d'entreprise pourrait être mis en place, afin d'octroyer avances remboursables pour le financement du projet et subventions destinées à prendre en charge la rémunération du cédant, pendant six mois.
Par ailleurs, la CMA plaide pour la création d'un fonds national de modernisation de l'artisanat dédié à la transformation des outils de production. Il pourrait être nourri par la Tascom, Taxe sur les surfaces commerciales, à laquelle le commerce électronique devrait être soumis. Ces mesures répondraient aux enjeux qui sont ceux de l'artisanat aujourd'hui, d'après la CMA. Laquelle dresse le panorama d'un secteur où les entrepreneurs font preuve de dynamisme, mais se trouvent face à un fort enjeu de recrutement, sur fond de vieillissement des dirigeants. Une étude menée pour la CMA auprès d'un panel d'artisans durant la vague Omicron, avant le début de la guerre en Ukraine, par Qualitest, illustre ces tendances.
Un artisanat qui change, numérique compris
Mais le contexte plus large, rappelle Joël Fourny, est aussi de celui de tendances sociétales marquées par un intérêt pour le Made in France et la consommation de proximité qui « confortent le positionnement de l'artisanat ». Ce dernier n'en est pas moins soumis à un impératif de changement. « Nous voyons apparaître des besoins nouveaux et cela demande aux entreprises de s'adapter. Les artisans ont pris conscience du fait qu'il fallait travailler ces volets », poursuit Joël Fourny. En particulier, la communication, la présentation des produits, le marketing, les méthodes de commercialisation nouvelles et le digital.
Dans ce cadre général, « 2021 a été une année record » sur deux plans, note Joël Fourny. La période est en effet marquée par un solde net de 90 000 entreprises supplémentaires. L' autre « record » concerne la formation initiale, avec 110 000 jeunes dans les CFA, centres de formation d’apprentis, soit dix points de plus que l'année précédente. Par ailleurs, l'évolution de l'activité des entreprises -sondée dans l'étude- signale également une forme de dynamisme et d'adaptation : 62,7% des artisans déclarent avoir poursuivi leur activité ces six derniers mois, 9,1% décidé d'une cession ou de l'arrêt de l'entreprise, et 28,2% avoir choisi d'apporter des changements dans le développement de leur activité. Un chiffre que Julien Gondard rapproche de celui -quasi identique- des chefs d’entreprises qui se sont formés en 2020 et en 2021, dans les domaines des services ou de la fabrication.
Et ce dynamisme est également confirmé par la manière dont les artisans se projettent dans l'avenir. Près de la moitié d'entre eux entendent poursuivre leur activité comme avant, mais 40% environ souhaitent changer ou poursuivre les changements déjà amorcés dans les six mois écoulés. Dans le même sens, 44% des chefs d'entreprise expriment des besoins de formation : ils sont 48,3% à vouloir se perfectionner dans leur métier, 36,3% à opter pour le numérique, et 24,7% les matières réglementaires. Autre signe positif encore, les intentions d'embauche : un quart des artisans se déclarent prêts à recruter dans l'année à venir, ce qui représente quelque 450 000 emplois à pourvoir. Déjà, certains secteurs ont du mal à trouver de la main d’œuvre (alimentation, bâtiment), mais les besoins sont partout : par exemple, 7 600 postes dans la boulangerie ou 16 000 dans la coiffure.
Autre phénomène constaté par l'étude, la perspective de l'augmentation du nombre de cessions : près de 14% des chefs d’entreprises l'envisagent, un chiffre en croissance. « 300 000 entreprises vont être à céder dans les cinq à 10 années à venir », souligne Julien Gondard. Pour lui, cette tendance tient certes aux difficultés conjoncturelles, mais aussi à la structure de la pyramide des âges. De fait, 30,4% des sondés qui ont un projet de cession invoquent le départ à la retraite comme motivation, contre 16,7% les difficultés qu'ils rencontrent. Désir de retourner au salariat, de changer d'activité ou opportunité de vendre constituent d'autres motifs cités (13% environ chacun ).
La bourse des entreprises à reprendre
130 000 euros : c'est le prix d'une poissonnerie à vendre dans les Côtes d'Armor (pour un CA de 384 800 euros et trois salariés). En tout, le site https://entreprendre.artisanat.fr/ , mis en place par la CMA, recense 4 413 offres dans toute la France.