Economie

Budget 2025 : un coup de frein de 60 milliards d’euros !

Le projet de budget 2025, porté par le gouvernement Barnier, prévoit 40 milliards d’euros de coupes dans les dépenses publiques et 20 milliards d’augmentation des prélèvements obligatoires... Ce sont surtout les entreprises qui devront mettre la main à la poche.

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La potion amère de 60 milliards d’euros infligée à l’économie française, constituée pour deux tiers de coupes dans les dépenses publiques et d’un tiers d’augmentation des prélèvements obligatoires, a suscité, après sa présentation, d’innombrables réactions dans le monde politique : Jean-Luc Mélenchon voit dans ce budget « une calamité », Éric Ciotti le qualifiant même de « socialiste », tandis que Marine Le Pen le juge « absolument pas acceptable ». Au sein de la Macronie, Gérald Darmanin s’élève contre les hausses d’impôts, tout comme le député Sylvain Maillard, ce dernier annonçant même une inéluctable adoption du budget avec l’article 49-3.

Des coupes partout et nulle part

La volonté affichée par le gouvernement est de couper dans les dépenses : -16,5 milliards d’euros pour l’État et ses opérateurs, -5 milliards pour les collectivités territoriales et -14,8 milliards pour la Sécurité sociale. Il resterait alors 5 milliards d’euros de coupes non documentées et renvoyées à de prochains amendements parlementaires…

Dans le détail, cela donne l’impression d’un grand méli-mélo de mesures à la cohérence discutable. Pour l’État, cela va de la réduction des aides écologiques (véhicules électriques, recalibrage de « MaPrimeRénov »…) à la réduction de certaines aides aux entreprises (réforme des allègements de cotisations, suspension de la baisse de la CVAE, Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, moindre soutien aux contrats aidés et à l’apprentissage…), en passant par de nébuleux « efforts d’optimisation des dépenses publiques ».

Pour les administrations de Sécurité sociale, les mesures principales consistent à décaler l’indexation des pensions de retraite, à augmenter le ticket modérateur, à limiter le prix des produits de santé et à rehausser le taux des cotisations patronales de retraite sur les salaires versés par les collectivités territoriales et les hôpitaux. Les collectivités, quant à elles, subiront une réduction du fonds de compensation pour la TVA et une étrange « mise en réserve de fonds », afin de « renforcer à terme les mécanismes locaux de précaution et de péréquation » (sic).

Un effort concentré sur les entreprises

Sur le versant des recettes, la clarté n’est pas non plus de mise, puisque la « contribution temporaire et exceptionnelle », qui devait concerner les 65 000 ménages les plus riches pendant trois ans, n’en toucherait en réalité plus que 24 300, officiellement, pour ne cibler que ceux susceptibles de pratiquer l’optimisation fiscale. Les ménages devraient subir également la hausse de la taxe sur les tarifs d’électricité (3 milliards de recettes anticipées) et diverses réductions de niches fiscales, dont celle portant sur la location de logements meublés.

Mais ce sont surtout les entreprises qui devront mettre la main à la poche, à hauteur de 13,6 milliards d’euros. Huit milliards d’euros viendraient d’une « contribution exceptionnelle et temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises », instaurée pour deux ans sur celles réalisant un chiffre d’affaires dépassant 1 milliard d’euros. Une « taxe exceptionnelle » touchera les grandes sociétés du transport maritime et EDF devra verser un dividende exceptionnel de 2 milliards d’euros. Enfin, une taxe sur les rachats d’actions verrait le jour, ainsi que des mesures de « verdissement de la fiscalité ». La pilule est bien sûr dure à avaler pour les organisations patronales, la CPME redoutant à l’instar du Medef « des licenciements et des défaillances d’entreprises », l’U2P soulignant même que l’on « est en contradiction avec ce qui avait été annoncé ».



Des doutes sur le diagnostic et les solutions

Dans son avis, rendu le 10 octobre, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) déclare que « cet effort repose à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires (30 Md€, soit un point de PIB) et à 30 % sur les dépenses (12 Md€, soit 0,4 point de PIB) ». Loin de ce qui avait été annoncé par Michel Barnier et en contradiction avec les propos de son ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, affirmant que « c’est par la hausse de la dépense que les finances publiques se sont dégradées, donc ce sera par la baisse des dépenses publiques » que la situation doit s’améliorer. Il est vrai que le gouvernement considère la réduction des exonérations de cotisations sociales comme une hausse des recettes, alors que le HCFP y voit une réduction des dépenses.

Mais, en tout état de cause, le diagnostic de Laurent Saint-Martin est erroné, puisque la dégradation récente des finances publiques résulte avant tout d’une moindre rentrée des différents prélèvements, ce qu’a bien mis en évidence Bruno Le Maire avant de quitter son ministère. Mauvais diagnostic donc, qui conduit à soigner par tous les moyens la fièvre plutôt que le mal. Dans ces conditions, avec la récession qui découlera inévitablement de cette cure d’austérité, le déficit public pourra difficilement repasser en deçà de 5 % du PIB en 2025, doutes partagés entre autres par le HCPF. Et pendant ce temps, nos voisins européens s’impatientent, la Commission européenne s’alarme et les agences de notation restent en embuscade…