Bureaux fermés, flexibilité et télétravail : les tendances de demain
La conférence de presse digitale « Où et comment travaillerons-nous demain dans les grandes métropoles ? » a dévoilé les résultats d’une enquête internationale sur le travail dans cinq grandes métropoles. Celle-ci met en avant la nécessité de repenser l’expérience de travail dans sa globalité, en intégrant à la fois les bureaux, la maison et les tiers lieux.
« Les locaux d’entreprise ont encore de l’avenir », affirme Frédérique Miriel, directrice département conseil en environnement de travail & accompagnement au changement au sein de la société de conseil immobilier d'entreprise Colliers. Que ce soit à Paris, Londres, Amsterdam-Rotterdam-La Haye, Singapour ou San Francisco-Seattle, le bureau fermé fait de la résistance, notamment en Californie où il est surreprésenté (57%). Ainsi 49% des salariés déclarent travailler dans un bureau fermé lorsqu’ils sont dans les locaux de leur entreprise. Par ailleurs, l’enquête internationale menée par Sociovision pour Actineo et réalisée en partenariat avec l'Ameublement français, Maison&Objet et Colliers* montre que 62% des répondants très satisfaits de leur qualité de vie au travail travaillent dans un bureau fermé. Un résultat que tempère néanmoins Odile Duchenne, directrice d'Actineo, Observatoire de la qualité de vie au bureau, expliquant que « cette satisfaction au travail n’est pas uniquement liée à leur espace de travail ».
Temps de transport et porosité entre vie privée et professionnelle
La majorité des employés sont assez satisfaits de leur environnement de travail avec des lieux de travail bien adaptés à leurs besoins et des employeurs préoccupés par leur bien-être. Là où le bât blesse, c’est sur le temps de trajet domicile/travail. Un problème décrié dans les cinq grandes métropoles. Ainsi, 85% considèrent passer trop de temps dans les transports. Autre résultat tangible : la plupart travaillent après les heures de bureau ou pendant leurs congés (83%). « C’est un peu moins le cas pour les Parisiens qui arrivent à mieux maîtriser la séparation de leur vie privée et professionnelle », annonce Odile Duchenne.
Sur les notions clés de confiance et d’autonomie, les salariés semblent assez satisfaits : 83% déclarent que le management a une grande confiance dans ses collaborateurs et 71% qu’ils ont la liberté de s’organiser comme ils le souhaitent pour atteindre les objectifs fixés –que ce soit en termes d’horaires de travail ou de présence au bureau. « C’est moins le cas à Paris et à Singapour. On peut faire un lien avec le modèle de management de contrôle qui domine en France », démontre Odile Duchenne. En atteste également les résultats concernant les prises de décisions en commun : 80% des répondants estiment que c’est réellement le cas contre seulement 69% des Parisiens. Alain D’Iribarne, sociologue du travail, directeur de recherche au CNRS et président du conseil scientifique d'Actineo, pointe justement du doigt le problème du management. « Les managers les plus contrôleurs, laissant le moins de libertés sont les Français et les Singapouriens. L’enjeu majeur est d’aller vers un modèle qui donne plus de responsabilités et de liberté aux collaborateurs. Cela suppose un management par la confiance et par les résultats, soit l’inverse du modèle dominant du management en France ».
Flexibilité, autonomie et écoresponsabilité
Sans surprise, le travail à domicile est monté en flèche avec la crise. Si seulement 21% des salariés télétravaillaient pendant au moins une journée complète par semaine avant la crise, le chiffre est grimpé à 83% pendant la pandémie, en moyenne un jour de plus qu’avant. L’étude révèle également leur degré de nomadisme : un tiers des employés travaillent déjà en dehors du bureau, que ce soit à leur domicile ou dans des tiers lieux –espaces de travail collaboratifs, espaces publics… Interrogés sur le futur du travail, ils estiment à 56% que lorsque cette crise sera passée, les lieux et les façons de travailler seront un peu différents, voire radicalement différents pour 20% d’entre eux.
L’utopie serait de croire que tout le monde sera en télétravail ou dans des espaces de coworking. Le plus probable serait finalement que les entreprises se concentreront dans les centres-villes, tandis que les travailleurs se réfugieront en périphérie, permettant une déconnexion travail-espace, avec un essor du travail indépendant et des contrats multiples favorisant une meilleure autonomie.
Autre aspiration, la flexibilité, avec des heures de travail modulables, y compris le week-end, et des espaces de travail orientés sur le bien-être et l’écoresponsabilité. « Les sujets liés à l’écologie et au bien-être prennent de plus en plus d’importance. La réflexion à mener sur les environnements de travail doit se faire dans une démarche écoresponsable, plus orientée vers l’équilibre entre vie privée et professionnelle, l’autonomie et l’ergonomie », note Frédérique Miriel.
Des bureaux qui favorisent le travail collaboratif
L’espace de travail idéal comprendrait des espaces ou des équipements pour se concentrer, être au calme (42% des répondants), des aménagements pour faciliter le travail d’équipe et la collaboration avec les autres (32 %). En termes de bien-être, une conception permettant une hygiène parfaite pour 33% des répondants, la présence de nature (30%) et des espaces ou équipements pour se reposer (22%). En termes environnementaux, 26% aspirent à une conception écologique et 21% à des solutions encourageant les comportements éthiques et écologiques des utilisateurs. La grande majorité d’entre eux aimeraient travailler à domicile (au moins une journée complète) et idéalement deux à trois jours par semaine.
Plusieurs freins demeurent, au premier rang desquels des employeurs qui ne sont pas favorables au télétravail à 29% –un avis qui monte à 36% pour les Parisiens–, ou la nécessité de faire des adaptations par rapport à son travail. D’un point de vue plus personnel, 22% des collaborateurs ne souhaitent pas faire entrer le travail dans leur sphère privée et 19% considèrent ne pas avoir l’équipement ou l’espace nécessaire chez eux. Odile Duchenne relève également l’attachement des collaborateurs pour leur bureau. Interrogés sur la nécessité de continuer à s’y rendre, les collaborateurs plébiscitent à 41% (dont 45% à Paris) des moments d’échanges informels et de convivialité avec leurs collègues et à 39% un espace réservé au travail qu’ils peuvent clairement séparer de leur vie privée.
Autres raisons évoquées plaidant pour un retour au bureau, des échanges professionnels plus efficaces, un espace parfaitement adapté au travail, des échanges informels avec le management, des informations « non officielles » sur ce qui se passe dans l’entreprise ou encore l’organisation et l’accès à des services sur le lieu de travail.
*Etude menée en janvier et février 2021, auprès d’un échantillon de 2 600 salariés et indépendants travaillant dans un bureau ou au moins occasionnellement dans 5 grandes régions métropolitaines : Amsterdam-Rotterdam-La Haye, Londres, Paris, Singapour et San Francisco-Seattle
Charlotte DE SAINTIGNON