Entreprises
Cadres au travail : les inégalités femmes / hommes persistent
Les inégalités en matière de rémunération et de parcours professionnel entre les femmes et les hommes cadres et les obstacles à la progression de carrière des femmes cadres demeurent. C’est ce que montre l’Apec dans sa dernière étude, publiée le 8 octobre. Ce traitement inégalitaire impacte le quotidien comme la carrière à long terme des femmes cadres. Néanmoins, se développent dans les entreprises des initiatives de sensibilisation et des actions en faveur de l’égalité.
Une femme cadre sur deux estime ne pas être rémunérée équitablement, soit neuf points de plus que les hommes : ces inégalités génèrent un sentiment d’injustice chez les femmes. Les hommes cadres gagnent en moyenne 12% de plus que leurs homologues féminins, et encore 6,9% de plus à « postes et profils identiques » (en neutralisant par conséquent l’effet des différences de métiers, de secteurs et d’âge). L’Association pour l'emploi des cadres observe, dans son étude*, des écarts significatifs en termes de rémunération, premier marqueur des inégalités femmes/hommes. Fait aggravant, cet écart ne se résorbe quasiment pas depuis 2015, date de la première enquête de l’Apec, sur le sujet. Il est simplement passé de 8,5 % en 2015 à 7,1 % en 2019 et 6,9 % en 2024.
Obstacles et inégalités « régressent beaucoup trop lentement », observe Gilles Gateau, directeur général de l’Apec. Interrogées sur la mise en place d’un budget spécifique pour réduire les inégalités de rémunération entre hommes et femmes, seulement 14% des grandes entreprises, 5% des PME et 2% des TPE déclarent en avoir alloué un.
A noter que l’écart entre les femmes et les hommes se creuse avec l’âge. Il atteint 11 % chez les cadres de plus de 55 ans, contre 3 % chez les moins de 35 ans. Autre résultat significatif, chaque année, les femmes cadres bénéficient de moins d’augmentations individuelles que leurs homologues masculins (54 % des femmes vs 59 % des hommes, en 2024).
Plafond de verre
Malgré l’augmentation progressive au fil du temps de la part des femmes parmi les cadres (38 % aujourd’hui, contre 30 % il y a 20 ans), seuls 20 % des cadres de direction générale sont des femmes. Et seulement un tiers des femmes cadres sont managers, contre 46% des hommes cadres. Ce, alors même qu’elles ont plus souvent que les hommes l'impression de travailler « trop dur en durée et en intensité », par rapport à leur niveau de poste et leur rémunération.
Gilles Gateau appelle « toutes les parties prenantes et au premier chef les managers, RH, recruteurs » à agir par des mesures concrètes pour « parvenir enfin à une véritable égalité ». En cause notamment, les obstacles que peuvent rencontrer les femmes dans leur progression professionnelle. Un tiers d’entre elles déclarent ainsi avoir déjà eu le sentiment d’être freinées dans leur vie professionnelle du simple fait d’être une femme.
Inégalités de l’équilibre vie pro/vie perso
Autre obstacle de taille, la difficulté pour les femmes cadres à concilier vie personnelle et professionnelle (59 % l’évoquent, vs 49 % des hommes), surtout lorsqu'elles ont de jeunes enfants ou occupent des postes de management. Cela s’explique notamment par la prégnance d’inégalités dans la répartition des tâches domestiques : par exemple, dans les couples de cadres avec enfants, les mères sont presque systématiquement sollicitées pour s'occuper d'un enfant malade. Une conciliation vie pro/ vie perso difficile qui a davantage d’impact sur la santé psychologique des femmes cadres : 85 % d’entre elles (vs 77 % d’hommes) disent que ce difficile équilibre impacte leur santé psychologique. Autres inégalités affectant la santé, le bien-être, les femmes cadres ressentent plus souvent que les hommes cadres du stress ou de l’épuisement professionnel et sont plus souvent confrontées à une fatigue intense ou des troubles du sommeil en raison, de leur environnement professionnel.
Comportements sexistes
Dernier fait éloquent rapporté par l’étude : quatre femmes cadres sur 10 affirment être témoins de comportements sexistes, en gestes ou en paroles, dans leur entreprise, au moins de temps en temps. Heureusement, de plus en plus d’entre elles mettent en place des actions pour essayer de changer la donne. Bien que de nombreux cadres, recruteurs et manageurs ont déjà été sensibilisés à la question du sexisme au travail par leur employeur, particulièrement au sein des grandes entreprises, et en dépit de la vague #Meetoo, ce fléau –qui alimente les discriminations envers les femmes– persiste.
* Etude issue de deux enquêtes menées en ligne auprès d’un échantillon de 2 000 cadres, en décembre 2023, mars 2024 et juin 2024 et par téléphone auprès de 1 000 recruteurs, en mars 2024 et du Baromètre sur la rémunération des cadres, réalisé chaque année auprès d’un échantillon de 14 000 cadres représentatif des cadres en emploi dans le secteur privé.
Charlotte DE SAINTIGNON