Cadres de plus de 55 ans en entreprise : quelle réalité ? Quelles attentes ?
L’étude récente de l’Apec « Regards croisés sur les cadres seniors en emploi » montre que les seniors constituent des piliers d’équipes attachés à leur travail, mais qu’ils s’interrogent sur leur avenir et sont en attente d’un accompagnement spécifique. Focus sur les principaux résultats.
Les cadres seniors de 55 ans ou plus qui sont en poste se sentent globalement bien dans leur travail. 83% d’entre eux sont satisfaits de leur situation professionnelle, notamment des relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues et de la stabilité de leur emploi. Ayant traversé de nombreux changements auxquels ils ont dû s’adapter, ils estiment être parvenus à une période apaisée de leur parcours professionnel. Ils maîtrisent les rouages de leur fonction et subissent moins de pression. S’estimant utiles à leur entreprise (90 %), considérés (70 %), assez largement valorisés dans leurs compétences (68%) et leur expérience (66%), ils se disent majoritairement engagés (79%) et motivés (69%).
Profils à forte valeur ajoutée
Leurs relations avec leur environnement professionnel sont bonnes. Leurs managers, leurs collègues et les responsables RH saluent leur apport dans l’entreprise : leurs qualités relationnelles et leur expérience, leur expertise et connaissance des rouages internes, des clients partenaires et de l’organisation. Ils sont perçus à la fois comme compétents d’un point de vue technique et facilitateurs au sein des équipes. Au-delà de leurs qualités techniques –rigueur, fiabilité–, les RH mettent en avant leur loyauté et leur engagement à l’égard de l’entreprise, ainsi que leur rôle rassurant durant la crise.
Ainsi, les managers savent pouvoir compter sur eux pour transmettre leurs savoirs, prendre sous leur aile les jeunes recrues et jouer un rôle de relais d’information et de communication. Tandis que leurs collègues leur reconnaissent un rôle de mentor, pour les avoir formés et aidés à s’intégrer. Ils les perçoivent comme bienveillants et capables d’écoute, hors de tout jugement ou attitude compétitive, et sont donc fréquemment plus à l’aise avec eux qu’avec leurs managers ou leurs pairs.
En grande majorité, les seniors ne se sentent pas en concurrence avec leurs collègues (74%), et ils signalent peu de difficultés avec leur supérieur hiérarchique ou leurs collègues plus jeunes. Ce que confirme une DRH : « On les sollicite beaucoup pour la formation, pour faire des réponses à appel d’offres, parce que ce sont les meilleures personnes pour les faire […]. On s’appuie énormément sur eux pour le partage et la transmission du savoir et de l’expérience, ce qu’ils font avec grand plaisir ». Leur influence bénéfique sur les relations humaines au sein du collectif de travail est reconnue par les managers : 47% d’entre eux les jugent plus aptes que les cadres plus jeunes à désamorcer un conflit. Pour une autre DRH interrogée, « Ce sont des gens beaucoup plus posés, ils sont en réflexion beaucoup plus qu’en réaction et ça, ça apaise énormément les situations ». Et ils savent « bien mieux gérer leur stress, ils dépendent moins de leurs émotions que des plus jeunes qui peuvent vite se laisser déborder. »
Enfin, les managers estiment qu’ils sont plutôt plus faciles à manager que les cadres plus jeunes (45%). Un manager de 80 personnes dans l’ingénierie le confirme : « Les seniors n’ont pas besoin d’être encadrés. Je suis là pour donner des lignes directrices ou pour prendre des décisions, mais pas pour leur dire ce qu’ils ont à faire. Ils savent et font mieux que moi ». Un bémol toutefois, il leur est parfois reproché d’être moins à l’aise avec les évolutions technologiques, le numérique et les nouvelles organisations du travail, et une minorité les jugent plus conservateurs.
Usure et inquiétudes
Malgré cette bonne image et ces bonnes relations, bon nombre de cadres seniors expriment un certain sentiment d’usure et des inquiétudes pour l’avenir, ressentis aiguisés par la crise : 58 % se disent « inquiets » et 66% « fatigués ». En interne, ils déplorent un manque de reconnaissance à leur égard, surtout concernant leur évolution salariale : ils ont ainsi le sentiment de passer après les jeunes cadres, qui seraient « davantage pris en compte dans l’élaboration des politiques RH » de leur entreprise. Une proportion significative d’entre eux – surtout parmi les plus âgés et ceux travaillant dans les grandes entreprises – signalent un stress en hausse ces dernières années (38 %), une dégradation de leur qualité de vie au travail (37 %) et de leur bien-être (33%).
Les efforts à consentir pour s’adapter aux changements leur paraissent parfois lourds. Etonnamment, ce qui leur pose le plus de difficultés n’est pas tant lié aux nouveaux outils numériques (34%) qu’aux modes de management (46%) et à l’organisation du travail (43%). In fine, si certains craignent de perdre leur emploi (32%), ils sont encore plus nombreux à être préoccupés par le maintien de leur rémunération (58%), une éventuelle augmentation de leur charge de travail (51%), ou encore leurs perspectives d’évolution (45%). Conscients des préjugés à leur égard, et assez attentistes vis-à-vis de leur fin de carrière, les cadres seniors préfèrent souvent capitaliser sur leur expérience et rester prudents plutôt que de viser des changements de poste, de périmètre ou de missions.
Autre sujet qui suscite des inquiétudes pour 39% d’entre eux, le départ à la retraite. Ils sont ainsi 80% à souhaiter avant tout rester dans leur entreprise jusqu’à celle-ci et conserver leurs responsabilités (71 %) et, dans une moindre mesure, leur temps de travail. Ils sont néanmoins deux sur trois à vouloir l’alléger. Pour conforter leur position, trois sur 10 ont des souhaits de formation. Néanmoins, beaucoup sont ouverts aux possibilités de départ qu’offrirait un éventuel plan de départ volontaire dans leur entreprise (61 %) ou une rupture conventionnelle (49%) ; et particulièrement les 60 ans et plus (53%). Enfin, 66% se disent intéressés par un accompagnement pour préparer leur fin de carrière et la transition vers la retraite.
Parallèlement, ils sont nombreux à souhaiter effectuer un diagnostic de leurs compétences (38 %) et établir un plan de formation, afin d’améliorer leur employabilité (31 %). D’autant que, malgré leurs atouts reconnus, il n’y a que peu de politiques de recrutement spécifiques en leur direction, les RH ne recherchant généralement pas de cadres seniors de 55 ans ou plus, conclut l’étude.
Source : Apec, Regards croisés sur les cadres seniors 2021, octobre 2021 sur la base de cadres seniors de 55 ans ou plus en poste.
Charlotte DE SAINTIGNON