Entre flexibilité et rémunération, les principales attentes des métiers de terrain
Restauration, transports et hôpitaux : ces secteurs, « en tension », confrontés à une pénurie de compétences et de profils, déplorent un manque d'envie et une crise des vocations. Le webinaire de RH Matin « Métiers de terrain : les vraies attentes de vos candidats et employés selon votre secteur d’activité » a mis en exergue les leviers sur lesquels peuvent s’appuyer les employeurs pour attirer et fidéliser candidats et collaborateurs.
« C’est « juste un boulot » », « je m’ennuie et j’ai besoin de changer », « j’ai d’autres passions en dehors du travail », « je veux une alternative à la routine du 9h-17h », « je cherche un sens dans mon activité »… Les raisons de vouloir changer de travail sont légion, l’état d’esprit des salariés sur comment, où et quand travailler « sont en train de changer comme jamais auparavant », tout comme « les fondements de notre rapport au travail, à la carrière et aux priorités de vie, souligne Eric Gras, expert du marché du travail au sein d’Indeed France. Les Français ne veulent plus travailler de n’importe quelle manière ».
Ainsi, leurs priorités changent, avec, en tête, « la flexibilité et la liberté », « soi-même et la famille », « les projets et passions » et « des entreprises où il fait bon travailler ». Ils ne semblent ainsi plus intéressés par un salaire unique et stable, de l’ancienneté et la sécurité de l’emploi et deviennent plus pragmatiques dans leur approche, recherchant « davantage un travail qu’une carrière » et souhaitant « une organisation personnelle et professionnelle plus pratique ». En cause ? Une plus grande importance du « moi », une évolution de la perception du travail et de nouvelles visions de la réussite », liste Indeed. « Les salariés ont le pouvoir. Ils décident où travailler en fonction de la marque employeur, de l’intégration, des horaires proposés, etc », confirme Eric Gras. Pour l’expert, les entreprises qui s’en sortent sont celles qui ont anticipé des stratégies efficaces en termes d’attractivité des talents et de rétention de leurs collaborateurs. « Les entreprises doivent comprendre, s’adapter et répondre aux changements de mentalité des collaborateurs et des candidats ».
Prendre soin des professionnels de santé
Cela passe par une valorisation des métiers de ces secteurs en tension que sont la santé, la logistique, l’hôtellerie restauration et le retail et une meilleure reconnaissance de ces salariés de première ligne. Pour renforcer leur attractivité, les employeurs disposent de plusieurs leviers : ils doivent, dans un premier temps, favoriser la flexibilité lorsque cela est possible, développer leur marque employeur et leur culture, soit mettre en avant ce qu’ils font pour leurs collaborateurs, et le faire savoir ; assurer un management transparent et honnête, soit aller à la rencontre de leurs collaborateurs, les écouter et faire preuve d’empathie. Et, enfin, récompenser la fidélité de leurs collaborateurs, via par exemple des primes de rétention ou des RTT liés à l’ancienneté.
Secteur par secteur, Indeed a recensé les principales attentes des candidats*. Au 17 février 2023, la plateforme a enregistré dans le domaine de la santé, une hausse de 295% d’offres d’emploi sur les métiers des soins personnels médicaux à domicile, de 237% sur ceux des soins infirmiers, +160% dans la pharmacie et +155% pour la médecine et la chirurgie, par rapport au 1er février 2020. En parallèle, l’intérêt des candidats pour ces métiers décroît : Indeed relève une baisse des taux de clics par annonce de 37% pour les métiers des soins à domicile, par exemple, et de 27% pour ceux de la pharmacie.« Entre épuisement et désillusion, les salariés de la santé veulent souffler », estime Eric Gras. Ce qu’ils recherchent dans un nouvel emploi ? Des plannings de travail plus flexibles et des conditions de travail mieux adaptées à leur propre santé (pour 40% d’entre eux). Pour la moitié d’entre eux (48%), plus de congés payés ou des possibilités de formation constituent deux leviers qui pourraient les convaincre de rester. L’objectif des employeurs du secteur doit être d’« aider les professionnels de santé à prendre soin d’eux et de leur carrière ». Les avantages concurrentiels à promouvoir pour recruter ces professionnels : la rémunération, la flexibilité et la formation.
Reconnaître les salariés « volatils » de la logistique
A l’instar du secteur de la santé, Indeed enregistre une hausse des offres d’emploi sur les métiers de la logistique et de l’entreposage : +81% dans le soutien logistique, +79% dans la conduite et +67% dans le chargement et le stockage ; et dans une moindre mesure, une désaffection des candidats pour ces offres, avec 10% en moins de clics sur les annonces relatives aux métiers du magasinage et de l’entreposage, par exemple. Si les métiers de la logistique et du transport routier enregistrent, a contrario, un regain d’intérêt, cela reste insuffisant par rapport au nombre grandissant d’offres d’emploi. Chiffre alarmant, 70% des salariés du secteur déclarent vouloir partir « immédiatement ». La raison : pour obtenir plus d’avantages (pour 33%) et, en priorité, une meilleure rémunération pour près de la moitié des salariés, à l’instar des 48 % de personnes interrogées en France, tous secteurs confondus. Pour Eric Gras, ces salariés sont « volatils et peu entendus » dans un secteur avec des saisonnalités très fortes : « il s’agit de métiers pénibles et très court-termismes, avec beaucoup de CDD et d’intérim. De fait, c’est un des secteurs d’activité où il y a le plus de turnover », explique-t-il. Ce qui pourrait les convaincre de rester : davantage de congés payés (40%), des possibilités de formation pour évoluer dans leur carrière (33%), ou encore des repas pris en charge (28%), s’agissant, essentiellement, « de métiers à contrainte dans des zones industrielles éloignées de leur domicile », juge Eric Gras.
La polyvalence de la restauration
Sur les métiers de l’hôtellerie et restauration, déjà pénuriques, Indeed observe un accroissement fort de la demande (+108% pour la restauration au 17 février 2023 ; +106% pour l’hôtellerie tourisme), et qui devrait s’accentuer avec la perspective des JO 2024. En parallèle, la plateforme enregistre un moindre intérêt des candidats (« la restauration, c’est compliqué »), qui ne veulent plus travailler à la fois le soir et le week-end, mais passer du temps en famille. Outre cet équilibre de vie mis en péril par des horaires atypiques, les métiers de l’hôtellerie-restauration requièrent une certaine polyvalence, pointe Indeed : « Je suis serveuse, mais je fais l’inventaire, je fais des desserts, et beaucoup de choses que je ne suis pas censée faire ». De fait, le secteur connaîtrait le taux de turnover le plus élevé de l’ensemble des secteurs d’activité et 71% de ses salariés déclarent vouloir partir « immédiatement », mettant notamment en cause le manque de plannings de travail flexibles (32%).
*Etude Indeed et Curious Industry base France
Charlotte DE SAINTIGNON