Economie
Finances publiques : 12 pistes pour faire participer les collectivités au redressement
À la demande du gouvernement, la Cour des comptes propose une douzaine de mesures qui visent à faire contribuer les collectivités locales à l’objectif de redressement des finances publiques.
Après une année 2022 très favorable, l’année 2023 a été marquée par une nette détérioration de la situation financière des collectivités territoriales. Tel est le constat qu’a dressé la Cour des comptes, en juillet dernier, dans le premier fascicule de son rapport annuel sur les finances publiques locales*. Dans le second fascicule, publié début octobre, les magistrats financiers observent que ce déficit global des collectivités continue de s’accroître en 2024 et que les objectifs de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ne seront donc pas atteints cette année. Le rapport présente ensuite, en réponse à la demande que le précédent Premier ministre, Gabriel Attal, avait adressée à la Cour en mars dernier, un ensemble de mesures, afin que les collectivités territoriales contribuent au redressement des finances publiques.
Hausse des dépenses de fonctionnement et d’investissement
La détérioration de la situation financière des collectivités locales en 2024 est due à l’augmentation de leurs dépenses et, en particulier, à l’impact de l’inflation sur leurs dépenses de fonctionnement. Rémunération des agents, achats de biens et de services, prestations et aides sociales…. Les dépenses de fonctionnement des collectivités ont augmenté de 5,4% au cours des huit premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2023. À ce rythme, elles devraient croître de 2,9% sur l’ensemble de l’année 2024, après déduction de l’inflation anticipée, « alors que la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 fixe l’objectif d’une baisse de 0,5 point par an, hors inflation entre 2024 et 2027 », rappelle la Cour dans son rapport.
Les dépenses d’investissement des collectivités ont également augmenté de 13,1% sur les huit premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2023. « En particulier, les communes et les intercommunalités s’attachent à réaliser leurs projets avant les élections de 2026 », pointe le rapport. À ce rythme, après déduction de l’inflation anticipée, les dépenses d’investissement des collectivités devraient augmenter de 10,6% en 2024 (contre 1,7% en 2023).
Côté recettes, des dynamiques très variables selon les collectivités
Les recettes engrangées par les différents blocs de collectivités – communes et intercommunalités, départements et régions – ne leur permettent pas de faire face à cette accélération des dépenses dans les mêmes conditions. Pour les communes, la hausse des recettes des impôts fonciers vient compenser l’augmentation des dépenses et devrait leur permettre de conserver une situation financière solide en 2024. A contrario, le ralentissement du marché immobilier et la forte chute des droits de mutation à titre onéreux, qui constituent une des principales ressources du budget des départements, va entraîner une dégradation de leur situation financière. Et du côté des régions, le ralentissement économique et la faible progression des recettes de TVA vont contribuer à une nouvelle dégradation de leur situation financière. Au global, « le besoin en financement des collectivités va connaître une hausse considérable par rapport à 2023 » et « l’objectif de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 d’un fort excédent des collectivités en 2027 (17 milliards d’euros ou 0,5% du PIB) est compromis », conclut le rapport.
Une contribution « justifiée » des collectivités au redressement des finances publiques
Les dépenses des collectivités territoriales ont représenté 17,8% des dépenses publiques en 2023 (9,9 % du PIB). C’est pourquoi « les collectivités ont un rôle important à jouer dans le redressement des finances publiques », estime la Cour des comptes, qui souligne que « la qualité des dépenses locales conserve d’importantes marges d’amélioration ». En réponse à la demande émise par le gouvernement concernant leur contribution au redressement des finances publiques, les magistrats proposent tout d’abord aux collectivités deux mesures d’économies : ramener, d’ici 2030, le niveau de leurs effectifs à celui du début des années 2010, par le non remplacement d’une part minoritaire des départs en retraite, correspondant à une baisse de 100 000 emplois ou 5,5% en six ans, ( soit 4,1 milliards d’euros d’économies par an, à partir de 2030) et généraliser des pratiques d’achats de biens et de services « les plus optimales ».
La Cour préconise ensuite un lot de cinq mesures structurelles : mieux associer les collectivités aux décisions relatives à la fonction publique territoriale ; les faire contribuer au retour à l’équilibre financier du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; rendre obligatoires les schémas de mutualisation des services administratifs et des équipements des intercommunalités ; rationaliser les contributions de l’État aux investissements des collectivités, pour privilégier les projets en lien avec la transition écologique ; répartir les transferts financiers de l’État aux collectivités sur la base de données plus actuelles en termes de population et de richesse (et non plus de situations passées).
Enfin, les magistrats financiers suggèrent cinq autres pistes destinées à inciter les collectivités à faire des économies : ralentir l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement « par une modération accrue de leurs recettes » ; mettre fin à l’indexation automatique sur l’inflation de la valeur des locaux d’habitation assujettie à la taxe foncière ; étendre l’objectif pluriannuel d’évolution des transferts de l’État à la totalité d’entre eux ; écrêter la hausse des recettes de TVA et de taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour en réaffecter une partie à l’ État ; affecter une partie de la hausse des recettes de TVA à des fonds de résilience nationaux par catégorie de collectivités.
*Finances publiques locales : une situation moins favorable en 2023 qu’en 2022 / DSI 30/07 2024 24.303 A