Inégalités salariales : les femmes toujours à la peine
La réduction des inégalités salariales entre les femmes et les hommes constatée ces dernières années s’est poursuivi en 2022. Néanmoins, des disparités significatives persistent, accentuées par la parentalité et l’âge.
Selon l’étude annuelle de l’Insee, publiée le 5 mars, les femmes continuent de percevoir des salaires nettement inférieurs à ceux des hommes, même pour un travail équivalent. En 2022, les femmes du secteur privé gagnent, en moyenne, 23,5% de moins que leurs homologues masculins, avec un écart de plus de 6 000 euros de revenu annuel moyen (19 980 euros, contre 26 110 euros pour les hommes). Cet écart se réduit à 4% à temps de travail égal et poste comparable. Toutefois, l’institut de statistique souligne que cette différence ne peut être directement attribuée à la discrimination salariale, d’autres facteurs, non mesurés, pouvant influencer la rémunération, comme l’expérience, l’ancienneté dans l’entreprise ou le diplôme.
Les progrès restent lents
L’écart de revenu salarial femmes/hommes en équivalent temps plein (EQTP) s’est atténué, passant de de 22,1% en 1995 à 14,9% en 2022, soit une baisse de 7,2 points sur la période. Cependant, ces progrès semblent ralentir ces dernières années. Cette disparité découle de plusieurs facteurs, dont le temps partiel et les périodes d’inactivité. Les femmes occupent, en effet, plus fréquemment des emplois à temps partiel, choisi ou subi, ce qui affecte leur niveau de revenu. De plus, elles sont moins représentées dans les postes à plein temps du secteur privé, soit 41,8% des postes. Et elles occupent moins d’emplois fortement rémunérateurs : les femmes représentent 30% des salariés gagnant au moins 4 160 euros net par mois. Ce chiffre tombe à 22,8% pour les 1% des salariés les mieux payés, percevant au moins 9 970 euros net mensuellement.
La ségrégation professionnelle, frein à l’égalité
La «ségrégation professionnelle» persiste, les femmes exerçent des métiers peu mixtes et faiblement rémunérateurs. Par exemple, les métiers d’aide à domicile, aides ménagères et travailleuses familiales sont occupés à 95% par des femmes, tout comme les postes de secrétaires. Les femmes sont également majoritaires dans les professions d’infirmières, aides-soignantes, caissières et agents de services hospitaliers. À l’inverse, elles sont sous-représentées dans les métiers de chauffeurs routiers, du bâtiment et de la mécanique. Cette répartition genrée renforce les inégalités salariales et de carrière, au-delà de la question des salaires, note l’Insee.
Les femmes seniors plus pénalisées
L’écart de rémunération, estimé à 14,9 %% en moyenne à temps de travail équivalent, tend à s’accentuer avec l’âge. Par exemple, chez les moins de 25 ans, les femmes gagnent en moyenne 4,7% de moins que les hommes, tandis que cette différence atteint plus de 26% chez les plus de 60 ans. Bien que les jeunes femmes de moins de 25 ans soient moins touchées par cet écart salarial que leurs aînées, elles travaillent en moyenne moins d’heures que les jeunes hommes. L’Insee explique cette situation par « une entrée plus tardive sur le marché du travail des femmes, qui sont en moyenne plus diplômées que les hommes ». C’est particulièrement parmi les cadres que l’écart de rémunération en EQTP est le plus prononcé, atteignant 15,7%, suivi par les ouvriers avec un décalage de 13,5%.
Le fossé se creuse dans les grands groupes
Les disparités salariales entre femmes et hommes se creusent selon la taille de l’entreprise et varient d’un secteur à l’autre. En général, elles s’étalent de 7,9% dans les structures de moins de 10 salariés à 18,2% dans les groupes de plus de 5 000 personnes. Les employés représentent la catégorie où les écarts sont les moins importants (3,9%). Les services mixtes tels que l’information communication et les services financiers, affichent les écarts salariaux les plus élevés. En revanche, dans la construction, les femmes gagnent légèrement plus que les hommes (+1,3%), en raison de leur faible présence dans ce domaine. Dans le commerce, elles occupent souvent des postes moins rémunérés, ce qui se traduit par un écart de volume de travail de 13,7% par rapport aux hommes.
La parentalité, facteur aggravant
La présence d’enfants dans un foyer jour un rôle significatif dans le creusement des inégalités salariales. L’écart de rémunération s’établit à 6,1% pour les salariés sans enfants, mais il double dès l’arrivée du premier enfant, puis atteint 20% pour les parents de deux enfants et grimpe à 29,5% entre pères et mères avec trois enfants ou plus. « Ces différences proviennent à la fois de la baisse de salaire observée après la naissance, mais aussi des carrières durablement ralenties des mères », souligne l’Insee.
AÏcha BAGHDAD et B.L