Inquiétantes perspectives pour les TPE
La croissance globale de l’activité des TPE en 2022 masque une tendance baissière qui pourrait très probablement se poursuivre cette année. Ce sont les résultats du baromètre Activité et tendances publié par l’Observatoire de la FCGA et Banque Populaire.
Serait-ce le choc de trop ? Le 16 mai, l’Observatoire de la petite entreprise (FCGA, Fédération des centres de gestion agréés et Banque Populaire) rendait public son baromètre annuel 2022 « activité et tendance » consacré aux TPE. Depuis 2019, la pandémie, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l’économie mondiale n’en finissent pas de percuter l’activité des TPE. En 2022, elles ont subi la flambée des prix de l’énergie, la hausse du coût des matières premières, et le retour d’une situation avec laquelle les entrepreneurs n’ont pas l’habitude de se confronter, une inflation forte et persistante (+5,2%).
En dépit de ce contexte et aussi grâce aux dispositifs d’aides publiques, l’an dernier, l’activité des TPE a augmenté de 6,6 %, en moyenne. Cela succède à une hausse de 8,2% en 2021 et une baisse de 9,1 % en 2020, d’après le baromètre. Pour 2022, le taux est « relativement dynamique » par rapport à la conjoncture nationale, puisque le PIB a augmenté de 2,6 %. Mais ce chiffre positif masque une réalité très contrastée, voire inquiétante pour l’avenir.
En effet, 2022 contient « trois faits marquants », analyse Yves Marmont, président de la FCGA. Tout d’abord, si le résultat de l’année est positif, c’est principalement en raison de la tendance du secteur cafés-hôtellerie-restauration. Il est le seul à avoir enregistré une progression nette, avec un chiffre d’affaires en hausse de 28,5 %, après - 1,3 % en 2021. Partant, les trois professions qui le composent figurent parmi celles qui ont connu les meilleures performances, tous secteurs confondus. Les restaurateurs sont même en tête du palmarès, avec un chiffre d’affaires en hausse de 32,7% (contre -1,9% en 2021). Outre le rattrapage après deux années difficiles, « dans la plupart des établissements, la flambée du coût des matières premières est répercutée sur les prix; ce qui peut expliquer ce taux d’activité record », note Yves Marmont. L’hôtellerie-restauration affiche + 26,4 %. Ces professionnels ont, en effet, bénéficié du regain des déplacements touristiques, auquel s’est ajouté le retour de la clientèle d’affaires. D’après l’Insee, entre juin à août 2022, la fréquentation touristique a même dépassé 3% son niveau d’avant crise. Elle s’est aussi transformée : si la clientèle locale reste la principale composante du tourisme en France, celle européenne a compensé l’absence des touristes russes et asiatiques. Troisième profession à se distinguer, les cafés (+ 24,1 %). Pour eux, 2022 a constitué l’année de la « délivrance », après celles marquées par les mesures de protection sanitaire, extrêmement contraignantes pour leur activité. Hors de ce secteur, une autre autre profession a connu une belle année 2022 : les commerces spécialisés dans la vente d’articles de sport ont plus que doublé leur performance de 2021. Leur chiffre d’affaires a augmenté de 9,9 % en 2022, tirant partie de l’engouement des Français pour la pratique sportive et les loisirs de plein air.
Des signaux forts de baisse
A l’inverse de la performance du secteur cafés-hôtellerie-restauration, les deux autres « faits marquants » de l’année repérés par Yves Marmont induisent peu à l’optimisme. Tout d’abord, l’activité des 11 autres secteurs analysés est en recul, même si pour neuf d’entre eux, le taux est encore positif. « On peut y voir un effet de la normalisation post – Covid, mais aussi, peut-être, les premiers signes d’un ralentissement lié à la crise en Ukraine », commente l’expert.
De fait, la troisième tendance marquante de l’année va dans ce sens : déjà, les chiffres montrent l’essoufflement du commerce de détail alimentaire, qui, jusqu’à présent, avait traversé toutes les crises sans trop de dommages. En 2022, il a reculé de 1,5 % (après + 5,1 % en 2021). « Il est clairement victime de l’inflation qui a fait bondir les prix de l’alimentation », précise Yves Marmont. En effet, les achats alimentaires ont diminué de 4,6 % d’après l’Insee. Les consommateurs arbitrent pour se concentrer sur les produits du quotidien et de première nécessité. Ainsi, seuls les magasins d’alimentation générale s’en sortent relativement. En revanche, la pâtisserie qui avait connu une année 2021 particulièrement faste (+ 17,0 %), perd 15 points et se contente de +2,2 %. C’est pire encore pour la poissonnerie artisanale. Elle détient le record du commerce le plus impacté par l’inflation. En un an, le chiffre d’affaires de la profession a chuté de 18,8 points, la hausse des prix des poissons et crustacés frais ayant découragé les consommateurs. Dans le même sens, les détaillants de fruits et légumes sont également touchés par la baisse de la consommation de leurs produits. Parmi les autres professions qui ont le plus souffert, figurent aussi les petites agences immobilières indépendantes qui ont subi le ralentissement des transactions (-6,5% en 2022, d’après la FNAIM). Leur chiffre d’affaires a diminué de 8 % en 2022, après une croissance de 12,9 % en 2021.
Globalement, pour la suite, l’observation des premiers mois de l’année 2023 n’augure pas d’une amélioration de la situation. Il est trop tôt pour évaluer le premier trimestre, toutefois, « ce que nous observons sur les deux premiers mois de l’année s’inscrit dans le prolongement du quatrième trimestre 2022 : une baisse continue de l’activité dans la plupart des secteurs », constate Yves Marmont. D’autant qu’à la conjoncture déjà difficile s’ajoute, à présent, un climat social très tendu, peu propice au commerce, né de la crise autour de la réforme des retraites.
Les commerces de proximité souffrent de la crise
Aujourd’hui, la quasi-totalité des Français déclarent que l’augmentation des prix a sensiblement affecté leurs habitudes d’achat au quotidien. Et 38% de ceux qui choisissent la grande distribution ou le e-commerce le font au détriment des commerces indépendants, pour accéder à des promotions. Les secteurs du prêt-à-porter et l’alimentaire sont massivement impactés par cette recherche du meilleur prix. Pourtant, à prix égal, un Français sur deux (52%) privilégie les commerces indépendants, plutôt que la grande distribution, selon l’étude de l’Observatoire du Commerce indépendant (Ankorstore- Conseil du Commerce de France, publiée le 25 mai ).