Emploi
Insertion : des immigrés plus éloignés du marché du travail
L’Insee a dévoilé une somme d’études démographiques sur « les immigrés et les descendants d’immigrés en France », le 30 mars dernier. Il en ressort, notamment, que cette population subirait davantage de discriminations à l’emploi, que le reste des habitants.
Femmes et hommes immigrés sont plus souvent au chômage lorsqu’ils sont actifs : en 2021, parmi les personnes actives de 15 à 74 ans, 14 % des femmes immigrées et 12 % des hommes sont au chômage, contre 7 % des femmes et hommes ni immigrés ni descendants d’immigrés. Un constat particulièrement criant pour les femmes immigrées, qui ont un taux d’emploi plus faible. Leur taux d’activité (62 %) est ainsi inférieur de 10 points à celui des femmes sans ascendance migratoire. Il est particulièrement faible pour celles venues de Turquie ou du Moyen-Orient (45 %) et du Maghreb (54 %). Et, comparées aux hommes, elles sont deux fois moins en emploi (37% vs 73%), et neuf fois plus souvent inactives (37% vs 4%), l’année suivant l’obtention de leur premier titre de séjour.
Ce sont les constats tirés d’une série d’études publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques « Immigrés et descendants d'immigrés en France », dévoilant notamment les caractéristiques géographiques et sociologiques de l'immigration en France et l’accès au marché du travail de cette population. Pour l’institut de statistique, une personne immigrée, qu’il définit comme « une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France », est plus éloignée du marché du travail que les personnes sans ascendance migratoire directe, en particulier ceux d’origine extra-européenne. A noter que les immigrés étaient 10,3% au sein de la population française en 2021 (7 millions), contre 6,5% en 1968, soit dans la moyenne européenne.
Moindre niveau de diplôme
Autre fait mis en avant par l’étude, leur situation professionnelle est moins stable. Au global, les immigrés salariés occupent plus souvent des emplois moins qualifiés, comme des contrats à temps partiel, à durée limitée ou de l’intérim, associés à des rémunérations moindres et à des conditions de travail plus difficiles. Quelques chiffres significatifs montrent ainsi qu’ils occupent des emplois moins qualifiés : 39 % des hommes immigrés en emploi sont ouvriers, contre 29 % des hommes ni immigrés ni descendants d’immigrés. À l’inverse, seuls 35 % d’entre eux sont cadres ou exercent une profession intermédiaire, contre 48 % des hommes sans ascendance migratoire.
En termes de secteurs d’activité, les femmes sont essentiellement présentes dans les métiers d’aide à domicile, de l’aide sociale, tandis que les hommes sont sur-représentés dans la construction et l’hébergement-restauration. Des disparités qui peuvent s’expliquer par leur moindre niveau de diplôme : 38 % des immigrés n’ont aucun diplôme, contre 16 % des personnes non immigrées et 32 % sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 40 % des non-immigrés. Dès lors, avec des salaires moindres et des emplois moins qualifiés, le niveau de vie moyen des immigrés est inférieur de 22 % à celui du reste de la population française.
Discriminations à l’emploi plus fortes
L’Insee a également réalisé un focus sur les immigrés maghrébins et leurs descendants, montrant que ces derniers connaissent plus de difficultés pour accéder au marché du travail que les personnes sans ascendance migratoire et seraient les plus stigmatisés à l'emploi. Les personnes d’origine maghrébine seraient ainsi moins souvent recontactées par les recruteurs, en vue d’un entretien d’embauche après une candidature, que celles sans ascendance migratoire : 23% d'entre eux sont rappelés, contre 33% pour l'ensemble des Français. Une discrimination plus fréquemment ressentie par les personnes d’origine maghrébine. Ainsi, leur risque de rapporter une expérience discriminatoire à l’embauche est plus de deux fois plus élevé. L’occasion pour l’Insee de rappeler l’enquête de la Dares, réalisée en 2021, qui montrait qu’à niveaux de compétences comparables, les candidats d’origine maghrébine avaient 31,5 % de chances de moins d’être approchées par les recruteurs que les personnes portant un prénom et nom d’origine française. Un chiffre qui vaut tant pour les femmes que pour les hommes et pour tous les secteurs d’activité. Cette discrimination se retrouve aussi au niveau du taux de chômage, avec un risque plus fort : 16% pour les immigrés maghrébins, contre 6% au reste des Français.
Charlotte DE SAINTIGNON