Entreprises
L'art délicat de la transmission d'entreprise
La cession de son entreprise constitue toujours pour le dirigeant un moment délicat. Mais l'anticipation est la clé du succès et la fiscalité française, favorable, plaident les professionnels de la transmission d'entreprise.
Enjeu vital au niveau macro-économique et sujet très intime : la transmission d'entreprise est tout cela à la fois. Le 18 novembre, à Paris, se tenait la dixième édition de « Transfair, le rendez-vous de la transmission reprise d'entreprise », organisé par CCI-Paris Île-de-France Lors de la séquence d'ouverture, plusieurs professionnels de cette -délicate- procédure ont tenté de lever des freins et apporter des éléments de réponses à un auditoire nourri.
« Malheureusement, la cession est souvent vue comme une fin. Or, il s'agit d'un moment normal de la vie d'une entreprise », argumente Dominique Restino, président de CCI-Paris Île de France, invitant à un changement de mentalité. Le constat est connu : si la cession d'entreprise est un moment difficile, c'est souvent pour des raisons psychologiques, le chef d'entreprise-potentiellement son fondateur- ayant investi -aussi- affectivement dans sa société. Une situation qui a plusieurs implications, à commencer par une anticipation insuffisante. Or, « il faut toujours avoir à l'esprit qu'une cession réussie est une cession qui a été réfléchie, pensée, préparée », explique Sophie Thibert-Belaman, notaire associée. Pour elle, une, voire deux années, constituent la durée idéale. « Des opérations qui doivent être menées en amont peuvent prendre du temps », argumente-t-elle. Exemples : un éventuel aménagement du régime matrimonial du cédant, des arbitrages pour décider d'une externalisation de certains actifs de la société avant la vente. Et aussi -et peut être surtout- « le chef d'entreprise doit se projeter, envisager demain », précise la notaire. Quels seront ses projets futurs ? Quel financement nécessiteront-ils ? Quels seront ses revenus ? Prévoit-il un accompagnement du repreneur ?
Autre difficulté induite par la dimension affective de l'opération, l'évaluation du prix de l'entreprise. Techniquement, « on sait faire, il y a des méthodes », explique Virginie Roitman, présidente de l'Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France. La vraie complexité ? « Déminer » le sujet auprès du cédant pour lequel « l'entreprise a forcément une valeur très importante, sentimentale ».
« La fiscalité ne doit pas être le repère »
Autre enjeu de la cession, celui de la communication autour du projet. D'après CCI-Paris Île-de-France, sept cédants sur 10 souhaitent conserver la confidentialité de leur démarche. Au delà des obligations légales – deux mois avant, le projet doit être communiqué aux salariés. Dominique Restino encourage les cédants à « tâter le terrain » en amont, auprès de possibles repreneurs, en famille ou chez les salariés. Et en tout cas, à travailler avec les experts qui sont tenus au secret professionnel. Les CCI proposent, elles, des services de recherche de potentiels repreneurs auxquels l'identité de l'entreprise cédée n'est révélée qu'au moment adéquat.
Autre dimension de la cession, celle de la fiscalité. Maître Amaury Sonet, avocat, s'est attaché à contrer des idées reçues et à démolir quelques fantasmes. « Foncez, c'est le moment de vendre (…) Aujourd'hui, la fiscalité est très favorable », souligne-t-il. Pour l'instant, dans les cas les plus courants, le taux d'imposition global sur le gain net de la cession s'élève aux 30% du PFU, Prélèvement forfaitaire unique (12,8% d'impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux).
A date, le projet de loi de Finances 2025, en cours d'adoption, ne devrait pas modifier ce dispositif fiscal, contrairement au pacte Dutreuil qui s'applique aux transmissions d'entreprises dans le cadre familial. Il pourrait devenir un peu moins favorable. Par ailleurs, l'avocat met en garde contre les démarches trop hardies en matière d'optimisation fiscale. « La fiscalité ne doit pas être le repère. Autrement, le fisc nous rattrape et sanctionne. (…) Il faut avoir un projet, lui trouver les solutions juridiques adaptées et ensuite, chercher l'optimisation fiscale », préconise-t-il. Dans le même sens, le professionnel du droit se déclare « réservé » sur le recours aux rescrits fiscaux qui consistent à demander à l'administration fiscale de se prononcer sur la légalité d'une opération. Bercy ne peut ensuite se dédire, mais le dispositif présente l'inconvénient d'attitrer l'attention de l'administration.
Les repreneurs doivent adapter leurs projets
«Parfois, pensez grand, mais commencez petit », encourage Dominique Restino, président de CCI Paris Île-de-France. Sur le marché des entreprises à reprendre, en effet, les repreneurs ne trouvent pas toujours les sociétés de 20 à 30 salariés qu'ils visent le plus souvent. Une autre voie consiste alors à effectuer des reprises successives d'entreprises de taille plus modeste.