L’économie des métiers d’art révélée

Charpentiers et tailleurs de pierre à l’œuvre sur Notre-Dame, plumassiers, tapissiers... Pour la première fois, une étude réalisée par l’Institut pour les Savoir-Faire Français dresse un panorama économique des métiers d'art et des savoir-faire d’exception en France. 234 000 entreprises, essentiellement des PME, réalisent un chiffre d'affaires de 68 milliards d'euros.

(c) adobestock
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Inédit. Pour la première fois, un panorama économique des métiers d’art et des savoir-faire d’exception en France a été dressé par l’Institut pour les Savoir-Faire Français (ex-Institut National des Métiers d’Art). Publiée le 26 novembre, l'étude menée par Xerfi Specific

conclut à l'existence de 234 000 entreprises qui regroupent un demi-million d’actifs (chefs d’entreprise, indépendants et 280 000 salariés). Leur poids économique : 68 milliards d’euros de chiffres d’affaires annuel, en 2023 . Pour l'essentiel, il s'agit de PME. Ces dernières génèrent plus de la moitié du chiffre d'affaires global et emploient 54% des salariés.

En termes d'activités, deux secteurs prédominent : celui de l'industrie manufacturière et du bâtiment. A eux seuls, il regroupent 80% du chiffre d'affaires et des effectifs salariés. L'industrie manufacturière englobe des filières très diverses, plus ou moins connues : la mode et ses accessoires, la décoration et les arts de la table, mais aussi la facture instrumentale ou la fabrication de jeux et jouets, par exemple. Elle représente 45,1% des effectifs salariés, 49,1% du chiffre d'affaires et 29% des entreprises du secteur. Le bâtiment, lui, concentre 35,9% des effectifs salariés, 30,7% du chiffre d'affaires et 27,8% des entreprises. Charpente, couverture, menuiserie... Ces professionnels interviennent sur la restauration de patrimoine bâti : la cathédrale Notre-Dame de Paris, bien sûr, mais aussi les églises dans les village ou les maisons à colombages… Au delà de ces deux grandes catégories, les entreprises des métiers d’art et les savoir-faire d’exceptions interviennent dans de nombreux autres domaines. Certains sont des artistes qui maîtrisent des gestes techniques, un savoir-faire particulier, comme ceux qui réalisent des sculptures en céramique ou en verre ou les photographes... D'autres contribuent à la vie du spectacle vivant et des musées : costumiers, fabricants de décors, socleurs…

Pour l'essentiel, le marché de ces entreprises est orienté vers la vente aux particuliers, auprès desquels elles réalisent 63% de leur chiffre d’affaires, en moyenne. Un quart du chiffre d’affaires est réalisé auprès de professionnels, contre 12% auprès d’institutions (établissements publics, collectivités, etc.). Avec une exception de taille pour les métiers de la restauration du patrimoine : la commande publique représente 40% de leur chiffre d'affaires.

Céramique en PACA, restauration du patrimoine en Normandie

Ces entreprises sont très enracinées dans les territoires et elles contribuent économiquement à leur environnement local, montre aussi l'étude. D'après celle-ci, huit entreprises sur dix et 81% des salariés sont localisés hors de la région Île-de-France. En termes d'activité, ces sociétés réalisent en moyenne 60% de leur volume d’affaires sur le marché régional. En outre, une partie non négligeable d'entre elles s'approvisionnent localement (41%), ou tout au moins dans l’Hexagone (58%). En dépit de cet ancrage, une partie non négligeable de l'activité économique se concentre dans deux pôles régionaux. Près de 40% du chiffre d’affaires issu des métiers d’art et des savoir-faire d’exception provient de sociétés basées en Île-de-France (22,1%), ou en Auvergne-Rhône-Alpes (15,9%).

Autre constat, les différents métiers sont ancrés dans des territoires spécifiques. Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes concentrent les spécialistes des métaux et pierres précieuses, avec, respectivement, 27% et 20% des sièges sociaux. Les entreprises actives sur le marché de la musique sont particulièrement nombreuses en Occitanie, tandis que celles spécialistes de la restauration du patrimoine ont trouvé un terreau favorable à leur activité en Normandie et Centre-Val de Loire. En région PACA, ce sont les entreprises de la céramique qui arrivent en tête, tandis que la Nouvelle-Aquitaine excelle dans le secteur du cuir.

Une difficile transmission des savoir-faire

L'étude s'est également penchée sur les défis identifiés comme tels par les professionnels du secteur. Ces derniers s'inquiètent tout particulièrement de la transmission de leurs savoir-faire et de leurs compétences, enjeu crucial particulièrement complexe pour ce type d'activité. En effet, un salarié sur quatre détenant un savoir-faire d’exception a plus de 55 ans. En outre, le recours à l'apprentissage est très limité dans ces petits ateliers qui manquent de temps, de financement et sont mal armés face aux difficultés administratives et normatives. Parmi les entreprises comptant au moins un salarié (plus en mesure d’accueillir un alternant que les indépendants), 63% n’ont pas d’apprentis et 86% n’ont pas de salariés en contrat de professionnalisation.

Pour autant, les perspectives d'embauches existent : 42% des entreprises employeuses ont recruté au moins un salarié en 2023 et 41% prévoyaient d’en recruter au moins un cette année, soit environ 50 000 recrutements envisagés au total. Autre sujet dolent : la transmission des entreprises elle-même. 37% des dirigeants d’entreprises des métiers d’art et savoir-faire d’exception ont plus de 55 ans et moins de 20% d'entre eux déclarent avoir engagé une démarche de transmission de leur société. A ce sujet, pourtant, une petite voie se dessine : le secteur attire des profils très divers. Déjà, plus de quatre dirigeants d’entreprise sur 10 occupent leur poste à la suite d’une reconversion professionnelle. Autre enjeu fort identifié, celui de la commercialisation et des actions à l’export : 40% des dirigeants le considèrent comme une priorité pour demain, dans un contexte économique qui se durcit. L'export ne représente actuellement que 9 milliards d'euros, soit 14% de l'activité.