L'entrepreneuriat, voie de sortie du chômage des jeunes ?
Le réseau Initiative France lance In-Cube, un dispositif d'accompagnement pour les jeunes défavorisés qui ont des idées, mais ne connaissent pas le fonctionnement et les codes du monde de l’entreprise. Une des solutions au chômage de cette population, beaucoup plus élevé que la moyenne nationale ?
Entre les mille difficultés du contexte économique actuel, c'est supposé être la bonne nouvelle : la baisse du chômage (7,3% au 1ᵉʳ trimestre 2022, d'après l'Insee). Mais attention, avec un taux de 19% pour les 15 à 24 ans, d'après une étude du Medef, « le taux de chômage des jeunes atteint plus du double de celui de la moyenne nationale », alerte Guillaume Pepy, président d'Initiative France, réseau de financement et d'accompagnement à la création d'entreprise. Le 23 juin, à Paris, lors d'une conférence de presse, il présentait le nouveau dispositif mis en place par le réseau depuis le début de l'année : In-Cube, destiné à révéler le potentiel des jeunes et à les aider à créer leur société. Car le constat de départ est alarmant. Près de 20% des jeunes de moins de 29 ans sont en situation de pauvreté, quel que soit leur statut, d'après la même étude du Medef. Et l'épisode du Covid a contribué à aggraver la situation : les jeunes ont été particulièrement concernés par les fins de contrat et licenciements advenus durant les confinements. 37% des 18-24 ans ont été contraints de faire évoluer leur projet professionnel en raison de la crise.
Conséquence de cette situation difficile ? Leur priorité numéro un consiste à disposer d'un salaire suffisant pour vivre... Une autre donnée esquisse une voie de sortie pour certains d'entre eux : « 20% des 18 à 25 ans considèrent que créer sa boite constitue une perspective sérieuse, soit deux fois plus que la moyenne de la population », relève Guillaume Pepy. C'est à ces jeunes que s'adresse In'Cube, un programme gratuit d'accompagnement à la création d'entreprise. Il vise prioritairement les moins de 30 ans les plus éloignés de l'emploi : demandeurs d'emploi longue durée, diplômes inférieurs au bac, résidents de quartier prioritaire ou zone de revitalisation rurale... En 2021, déjà, Initiative France avait accompagné 5 456 jeunes dans la création d'entreprise, dépassant le niveau de 2019. « Jusqu'à présent, nous avons sélectionné des projets que leurs porteurs avaient déjà un peu mûri. Avec ce nouveau dispositif, nous allons aller chercher des publics qui viennent difficilement à nous, qui ont des idées qu'il va falloir maturer. Nous allons renforcer l'accompagnement en amont du financement, pour les y aider », précise Patricia Lexcellent, déléguée générale d'Initiative France.
Objectif de l'association : 5 400 personnes accompagnées, dont 3 600 de moins de 30 ans, d'ici la fin de l'année 2022. Pour l'instant, 1 982 individus bénéficient du programme. Ce dernier a été mis en place suite à un appel à projet du ministère du Travail et de l’Insertion et du plan gouvernemental « 1Jeune, 1 solution », conçu pour contrer les difficultés nées de la crise du Covid. Dans sa mise en œuvre, le programme In'Cube s'appuie sur des associations comme Les Déterminés, qui, depuis 2015, travaille à la démocratisation de l'entrepreneuriat des jeunes, en particulier dans les quartiers populaires. Par ailleurs, Initiative France a développé ou intensifié des partenariats avec des instances publiques. « Nous nous sommes rapprochés de l'écosystème de l'emploi, via les missions locales et Pôle Emploi. Avec ce dernier, nous n'avions jusqu'à présent que des rapports ponctuels avec les antennes locales. Un protocole national a été signé », relate Patricia Lexcellent.
Tracer le chemin de l'idée à l'entreprise
Les difficultés rencontrées par les jeunes lors de la création de leur entreprise sont accentuées par leur manque d'expérience, d'après une étude menée par Initiative France auprès de son réseau, en 2021. Par exemple, 30% d'entre eux ont du mal avec les formalités administratives, contre 21% de l'ensemble des entrepreneurs. Le fait d'être bien suivi constitue donc un facteur d'autant plus crucial pour la pérennité des projets des moins de 30 ans. Cela a des effets sur plusieurs plans, a illustré le témoignage de trois jeunes entrepreneurs inscrits dans le dispositif In'cube. Être accompagnée a, par exemple, rassuré Inès Xucla, 26 ans. Cette spécialiste en muséographie a dû renoncer à un statut de contractuelle dans la fonction publique pour des raisons de santé, et a créé son entreprise. Et l'indépendance a constitué un « véritable défi » qui lui a imposé de dépasser ses limites, témoigne la jeune femme. Autre bénéfice de l'accompagnement, les ateliers pratiques collectifs qu'il comporte se sont révélés fructueux à double titre. « Nous étions regroupés avec d'autres acteurs culturels. Nous avons pu échanger sur nos constructions de manière concrète. Par exemple, certains élaborent une application pour réaliser des parcours culturels dans le Nord de la France. Nous ne sommes pas concurrents, mais nous avons une cible client similaire, ce qui nous a permis de faire passer nos stratégies de la théorie à la pratique », illustre Inès Xucla.
Autre témoignage, celui de Steve Mwasangule, 28 ans : Surgego, son épicerie afro-caribéenne, devrait ouvrir ce mois de juillet, à Paris. Le serial entrepreneur n'a pas particulièrement besoin d'être rassuré : « dès le lycée, j'achetais des confiseries chez Lidl que je revendais ensuite. (…). Plus tard, j'ai créé une marque de cosmétiques. L'entrepreneuriat, c'est ce qui me fait vibrer, cela me donne envie de me lever le matin », explique-t-il. Toutefois, il lui manquait certains codes... En dépit de 20 000 euros d'apport personnel et d'un associé juriste, il s'est heurté à deux refus de prêts bancaires pour financer son projet d'épicerie. Le jeune homme a obtenu trois réponses positives lorsqu'il s'est présenté avec un projet adoubé par Initiative France et fort de l'expérience acquise au cours d'un « atelier banque », animé par un ancien de la profession. « On ne va pas voir un banquier en racontant son rêve », a compris le jeune homme.
Dans le même sens, Louis Demessine, 22 ans, ex-champion et moniteur de surf à la Ciotat (PACA), avait une idée excellente, de la débrouillardise à revendre, mais beaucoup à apprendre sur le métier d'entrepreneur... En 2021, il a créé Surfnow, entreprise qui propose, notamment, une application B to B et B to C pour les écoles de surf. « On voyait bien que l'application avait un intérêt. Mais je suis moniteur de surf. J'ai un bac, point barre. L'accompagnement qui m'a le plus aidé, c'est celui sur le business plan. Cela m'a permis de me structurer, de ranger les idées dans les bons tiroirs... Et aussi d'apprendre à ‘peacher’, à bien m'exprimer, calmement... ».