L’entreprise et les salariés : du côté des tribunaux
Revue de récentes décisions en matière de droit du travail.
Entretien professionnel : défaut
Aux termes de l’article L 6315-1 du Code du travail, le salarié bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. En l’espèce, entre l’entretien d’octobre 2015 et son départ de l’entreprise, fin décembre 2017, dans le cadre d’une rupture conventionnelle convenue en octobre 2017 et autorisée par l’inspecteur du travail le mois suivant, le salarié n’avait pas bénéficié d’un entretien professionnel. Mais pour ouvrir droit à des dommages et intérêts à ce titre, il lui appartenait de rapporter la preuve du préjudice que l’absence d’entretien lui avait causé. (Versailles, 19 mai 2021, RG no 19/00371)
Mise à la retraite : modalités
N’ayant pas respecté le délai de trois mois avant l’anniversaire du salarié pour l’interroger sur son intention de partir à la retraite, l’employeur ne pouvait pas utiliser la possibilité de mise à la retraite pendant l’année qui a suivi la date à laquelle l’intéressé a atteint l’âge de 65 ans. La mise à la retraite, ainsi intervenue de manière irrégulière, produit les effets d’un licenciement nul, puisque fondé uniquement sur l’âge du salarié, et donc discriminatoire. (Paris, 19 mai 2021, RG no 18/11533)
CDD : rupture anticipée
Dans le cadre de la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminé, aucun texte n'impose un délai minimal entre la convocation du salarié et l'entretien, ni n'exige que la lettre de convocation mentionne l'adresse de l'inspection du travail ou de la direction départementale du travail. (Toulouse, 9 juillet 2021, RG n° 19/03750)
Réseaux sociaux : vie privée
Des propos menaçants à l'égard de collègues postés sur des réseaux sociaux, quand bien même ils auraient perturbé la vie professionnelle, ne peuvent justifier une mesure disciplinaire car ils relèvent de la vie personnelle du salarié. (Caen, 11 août 2021, RG n° 20/00722)
Licenciement : faute grave
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise. Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l'employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement intervenir rapidement. Dans ce cas, l'employeur doit établir les griefs qu'il reproche à son salarié. La preuve des faits constitutifs de la faute grave lui incombe exclusivement. Et il appartient au juge d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier son éviction immédiate de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié. (Versailles, Chambre 17, 1er septembre 2021, RG n° 21/00743)
Licenciement : insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle peut être définie comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce que l’on est fondé à attendre d’un salarié employé pour le même type d’emploi et avec la même qualification. Repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un gardien d’immeuble caractérisée par la perte des clés d’un logement, la conservation à son domicile durant un congé des clés de la cave permettant l’accès aux disjoncteurs, retard dans le traitement de divers incidents…(Paris, 10 juin 2021, RG no 19/10989)
L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. L'insuffisance professionnelle doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile. Et elle ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise. (Versailles, Chambre 17, 1er septembre 2021, RG n° 17/05865)