La baisse précaire des défaillances d’entreprises

Les défaillances d’entreprises affichent encore un net recul au troisième trimestre 2021 par rapport à l’année dernière. Toutefois, des signes d’alerte commencent à émerger à six mois de l’échéance de remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE).

La baisse précaire des défaillances d’entreprises

Le rattrapage n’a pas encore eu lieu, sur le front des défaillances d’entreprises. Les dispositifs du «quoi qu’il en coûte», la bienveillance des organismes sociaux continuent de protéger les entreprises, mais le retrait progressif du soutien massif de l’Etat devrait changer la donne, en 2022. C’est ce qui ressort de l’étude, publiée le 12 octobre dernier, par le groupe Altares, spécialisé dans l’information sur les entreprises. Au cours du troisième trimestre 2021, 5 311 procédures collectives ont été ouvertes : le nombre de défaillances affiche ainsi un recul de 20,8%, par rapport à la même période en 2020. Il demeure deux fois inférieur au niveau constaté avant la crise. Mais les redressements judiciaires des petites PME, épargnées les mois précédents, grimpent. Et certaines activités présentent des signaux de fragilité ; d’avantage de départements sont concernés.

Les petites structures fragilisées

Dans le détail, de juillet à septembre, 3 860 liquidations judiciaires directes ont été enregistrées (-24% sur un an), 1 292 redressements judiciaires (-11,9%) et 159 procédures de sauvegarde (+2,6%). Sur ces trois mois d’été, les défaillances ont menacé moins de 17 500 emplois, contre 26 600 à la même période l’an passé. Cependant, des signaux de fragilisation apparaissent en ce qui concerne les PME de 10 à 19 salariés. Celles-ci connaissent un bond de 30% des redressements judiciaires. Le taux de liquidations directes, à 75%, demeure encore très élevé chez les TPE et confirme leur vulnérabilité. Avec 4 930 procédures ouvertes au troisième trimestre, ces dernières affichent une baisse du nombre de défaillances de 21% par rapport à l’été 2020, mais elles concentrent toujours plus de neuf procédures sur 10 (93%). Selon Altares, la résistance des entreprises est observée dans l’ensemble des régions et dans la quasi-totalité des secteurs. Les défaillances augmentent, toutefois, dans plusieurs activités, plus particulièrement le BtoB.

Des tendances nuancées, selon les activités et les départements

Dans le bâtiment, les défaillances diminuent de 20,8%, dont -7,5% pour la construction. Le second œuvre résiste aussi, malgré une hausse du nombre de redressements judiciaires (+11%). La tendance s’inscrit en légère baisse dans le gros œuvre, pénalisé par la hausse de 16% enregistrée par la construction de maisons individuelles. Les activités d’installation d’équipements thermiques et de climatisation et de menuiserie métallique et serrurerie affichent, elles, de fortes augmentations du nombre de défaillances (+55% et +33%, respectivement). Les travaux publics et la promotion immobilière sont aussi en difficulté (+12% et +21%). La situations’avère également compliquée pour la mécanique industrielle, certains services informatiques, le transport routier de fret, ou l’imprimerie (+60%).

Les commerçants, quant à eux, résistent (-22,3%), comme les garagistes (-18%) et les concessionnaires automobiles (-11%). Durement impactées à l’été 2020, les agences de voyage enregistrent pour leur part une diminution significative des défaillances (-48%). Par secteur d’activité, la baisse la plus forte est constatée en hôtellerie-restauration (-46,1%).

L’ensemble des régions est concerné par le nouveau recul des défaillances ce troisième trimestre. Néanmoins, cette tendance ne doit pas cacher la fragilité qui touche une vingtaine de départements, note Altares. La baisse reste ainsi marquée en Corse (-54,3%), Bretagne (-30,3%), dans les Pays de la Loire et en Normandie (-28,7 %). Mais de fortes dégradations ont été remarquées dans les départements de l’Aube (+90%), Seine-et-Marne (+12,6%) et Val-d’Oise (+24,4%), ou Bouches-du-Rhône (+13,4 %). Le Rhône peine aussi à stabiliser le niveau des défaillances.

Pour Thierry Million, directeur des études d’Altares, «ce dernier trimestre 2021 sera déterminant pour de nombreuses entreprises qui devront se donner les moyens d’embrasser la croissance 2022, pour honorer les engagements d’emprunt et rappels de cotisations». Elles «vont devoir composer avec l’amortissement des prêts garantis par l’État, prévient-il, (…) elles sont 690 000 à avoir obtenu un PGE à la mi-septembre 2021 ».

Pour la fin de l’année, l’expert table sur un nombre de défaillances «encore contenu », sous la barre des 10 000, «avant que 2022 n’ouvre la voie à des tendances bien moins favorables». Euler Hermes, annonce aussi un «début de normalisation», l’an prochain. Dans une récente étude, l’assureur-crédit, prévoit, une recrudescence «lente, mais progressive et durable » des défaillances, de l’ordre de 40 %. Inévitablement, le rythme de retrait des mesures publiques de soutien, qui ont, selon lui, permis d’éviter plus d’une défaillance d’entreprise sur deux en 2020, aura «un impact sur le rythme auquel les entreprises devront puiser dans leurs trésoreries pour financer leur activité».

Aicha BAGHDAD et B.L