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La dissolution des perspectives économiques de la France ?

Les résultats des élections législatives, loin de clarifier la situation politique, contribuent à accroître l’incertitude économique, financière et politique…

(c) Adobe stock
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Ce devait être le coup de maître d’un président de la République contesté de toutes parts, lui permettant de reprendre la main pour la fin de son deuxième quinquennat. Mais, le coup a manqué, et la dissolution surprise du 9 juin dernier, loin de clarifier la situation politique, a fait émerger une tripartition inédite des forces à l’Assemblée nationale qui complique tout. En effet, alors que, sondage après sondage, s’était installée dans les esprits l’idée d’une cohabitation entre Emmanuel Macron et le Rassemblement national de Jordan Bardella, voilà que le Nouveau Front populaire, doté d’une très courte majorité relative, revendique désormais de former un gouvernement pour appliquer (tout) son programme.

Pourtant, plus de deux semaines après les élections législatives, aucun nouveau Premier ministre n’a encore été nommé par le chef de l’État. Gabriel Attal et ses ministres, pour certains aussi députés, sont dorénavant cantonnés à expédier les affaires courantes, en attendant que le camp présidentiel trouve éventuellement une majorité pour gouverner. Quant au Nouveau Front populaire, il se perd en interminables négociations internes sur le nom d’un candidat pour Matignon. L’histoire est cependant prise à témoin : les incertitudes politiques, lorsqu’elles durent trop longtemps, finissent toujours par muer en incertitudes économiques et financières !

Incertitudes sur la nature de la politique économique

Face aux doutes sur l’identité du prochain gouvernement et sur le programme économique qu’il pourra réellement mener — si tant est qu’il arrive à se maintenir en l’absence de majorité absolue —, tous les agents économiques retiennent leur souffle. Les clients des entreprises se montrent attentistes, certains investissements sont reportés, les recrutements de salariés sont en suspens, les banques deviennent frileuses, etc. C’est ce que rappelle François Asselin, le président de la CPME, évoquant également un risque de perte de croissance pour la France. C’est d’autant plus vrai, que les nuages s’amoncelaient déjà sur l’activité française, malgré un assagissement global des prix. Et il n’est pas certain que les Jeux olympiques apportent tous les bénéfices escomptés…

Par ailleurs, le nouveau gouvernement poursuivra-t-il la politique de coupes budgétaires, pour l’heure à l’arrêt depuis la dissolution ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité, que Bruxelles vient officiellement d’ouvrir une procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France, nécessitant de trouver probablement 20 à 30 milliards d’euros d’économies par an... jusqu’en 2028 ! Le moment de vérité aura donc lieu en automne, lors de la présentation du nouveau projet de budget (PLF).

Les agences de notation, qui ont mis la France sous surveillance, et les marchés financiers, s’interrogent d’ores et déjà sur les conséquences d’un éventuel passage (radical) d’une politique de l’offre à une politique de la demande, qui se traduirait très probablement par une hausse des dépenses publiques, une augmentation des prélèvements obligatoires pour certains agents économiques et à un creusement — au moins temporaire — du déficit public. Mais, pour l’heure, point de mouvement de panique sur les marchés financiers, juste quelques turbulences comme la chute remarquée de l’indice CAC 40 après l’annonce de la dissolution. Au reste, l’écart entre les taux d’emprunts à long terme de l’État français et de l’État allemand demeure contenu et n’est donc pas annonciateur d’une catastrophe sur le marché de la dette souveraine… du moins en l’état actuel de la situation !

Incertitudes sur les perspectives économiques de la France

L’évolution de l’incertitude peut être approchée par des enquêtes de conjoncture, à l’instar de celle réalisée tous les mois par la Banque de France (BdF) sur la base des réponses de

8 500 dirigeants d’entreprise. La dernière mouture a été menée entre le 26 juin et le 3 juillet, pour moitié avant le premier tour des élections législatives, pour l’autre moitié avant le second tour. L’indicateur d’incertitude de la BdF, construit à partir d’une analyse textuelle des commentaires des entreprises interrogées, était sur une tendance baissière depuis la crise énergétique de 2022, mais vient de connaître un fort rebond dans l’industrie, les services et le bâtiment, en raison principalement du « contexte électoral ».

Même les prévisions de l’Insee pâtissent de ce « contexte particulier ». Ainsi, dans sa dernière Note de Conjoncture, l’Institut national de la statistique rappelle que les enquêtes de conjoncture datent d’avant le 9 juin, et surtout, que « les mesures que pourrait prendre un nouveau gouvernement ne sont pas intégrées ni les effets d’une période d’attentisme prolongé dans le cas où l’orientation de la politique économique resterait durablement incertaine ».

Voilà donc le cocktail explosif du moment : incertitude politique, incertitude économique, incertitude financière et, à présent, incertitude des prévisions économiques !

Raphaël DIDIER