La guerre en Ukraine balaie les espoirs des exportateurs
Après une année 2021 favorable, les entreprises exportatrices ont revu leurs perspectives à la baisse depuis le démarrage de la guerre en Ukraine, d'après Allianz Trade. Pour ce spécialiste de l’assurance-crédit, l'hypothèse d'une récession mondiale en 2023 n'est pas à exclure.
Le quart des entreprises françaises s’attendent à un recul de leur chiffre d’affaires à l’export en 2022. Le 12 avril, à l'occasion d'une conférence de presse, Allianz Trade, spécialiste de l’assurance-crédit a rendu publics son analyse de l'impact de l'invasion de l’Ukraine sur la situation économique internationale, ainsi que le résultat de deux enquêtes menées auprès d’environ 3 000 entreprises dans le monde (avant et après le début du conflit). Le constat est sans appel : la guerre perturbe fortement la reprise économique. A cause d'elle, la croissance mondiale du PIB se limitera à +3,3% en 2022 et +2,8% en 2023, d'après Allianz Trade qui a revu ses prévisions à la baisse (-0,8 et -0,4 point).
Autre évolution dans les prévisions d' Allianz Trade, celle concernant l'inflation : avec un taux de 6% en 2022, elle sera plus forte et plus durable qu'escompté. Pis, certaines issues de ce conflit, imprévisibles, pourraient accroître encore les difficultés. C'est le cas de l'hypothèse d'une absence d'accord de cessez-le-feu et du déclenchement de nouvelles escalades de violence, elles-mêmes génératrices de sanctions supplémentaires contre la Russie. Dans ce cas, en 2022, l'inflation mondiale pourrait atteindre 7% et la croissance économique se limiter à +2,5%. Et l'année suivante, c'est l'entrée en récession qui guetterait l'économie mondiale (-0,3%).
Pour l'instant, déjà, en 2022, la croissance du commerce mondial en volume devrait être limitée à +4%. Plusieurs tendances l'entravent, à commencer par la hausse des coûts des échanges. En effet, les prix du fret devraient atteindre un point haut en raison de la hausse du prix du pétrole. Mais aussi, la persistance de l’épidémie Covid-19 en Chine et la politique sanitaire adoptée par le pays génèrent de nouveaux goulots d’étranglements et maintiennent les délais de livraisons des fournisseurs à des niveaux élevés. Certains acteurs, toutefois, devraient bénéficier de la situation : les exportateurs nets de matières premières comme le Moyen-Orient et l’Amérique Latine profiteront des hausses de prix et d’un potentiel effet de substitution des énergies russes.
Joie de courte durée
Concernant l'export, l’invasion russe de l’Ukraine a déjà très largement entamé l’optimisme des Européens et des Français. Ce sentiment était nourri par le dynamisme de l'année 2021, durant laquelle les entrepreneurs ont su faire face à des difficultés pourtant majeures. Ainsi, juste avant le début du conflit, 94% des entreprises s'attendaient à une hausse de leur chiffre d’affaires export en 2022. Mais le 24 février dernier a provoqué un net basculement : depuis, 78% seulement des entreprises font cette prévision concernant cette activité. Et les exportateurs français et italiens s'avèrent particulièrement préoccupés : 29% des premiers et 23% des seconds anticipent désormais une baisse de leurs performances à l'export. Pourtant, l’Ukraine et la Russie ne constituent pas des marchés finaux importants pour les Européens. Toutefois, la situation actuelle affecte les échanges internationaux via des canaux indirects (supply chains, matières premières, énergies... ), et pèse ainsi sur les opportunités des entreprises à l'export.
La déception est forte, au regard des tendances de 2021. D'après Allianz Trade, en effet, sept sondés sur 10 ont déclaré avoir enregistré des performances à l’export plus élevées qu’attendu. C'est en particulier le cas des Américains (75%), des Allemands (76%), mais aussi, très largement des Français (72%). Le résultat est d'autant plus remarquable que ces entreprises ont dû s'adapter aux fortes perturbations des chaînes d’approvisionnement au niveau mondial, en adoptant diverses stratégies. Par exemple, en France, en Italie et au Royaume-Uni, un tiers des exportateurs ont choisi de chercher de nouveaux fournisseurs. Aux États-Unis, un exportateur sur deux a opté pour l’accroissement des stocks. Et en Allemagne, 39% des répondants ont décidé de se concentrer sur des marchés géographiquement plus proches....
Le risque des impayés augmente
Autre constat d’Allianz Trade, la perception des risques par les exportateurs a, elle aussi, évolué avec le début des hostilités. Celles-ci ont accru l'inquiétude de ces entrepreneurs concernant les prix de l'énergie : au total, 56% des répondants estiment désormais que le sujet va devenir un défi toujours plus important en 2022. C'est 19 points de plus qu'avant la guerre. Pour les exportateurs des pays les plus dépendants de l'importation du gaz, l'inquiétude est à son comble : 66% des Italiens, 62% des Anglais, 52% des Allemands. Les Français, protégés par le plan de résilience, sont 46% à se déclarer inquiets (contre 32% l'an dernier) . Mais, chez tous, cette crainte a fortement progressé : en 2021, les prix élevés de l’énergie étaient cités par 35% des sondés comme faisant partie des cinq risques ayant affecté le plus leur croissance à l’export. Le sujet venait après l’incertitude pesant sur la demande du fait de l’épidémie Covid-19 (40%), à égalité avec les pénuries et le coût de la main-d’œuvre (35%), devant le coût du transport (33%) et les pénuries d’intrants (30%).
Mais au delà de ces risques engendrés par les désordres nés de la reprise rapide, puis de la guerre, un autre suscite toujours plus d'inquiétude, d'après Allianz Trade : l'exposition des exportateurs aux impayés. D'après l'étude, ces derniers ont eu un impact sur l’activité à l'export d’environ 60% des entreprises. Dans le même sens, la moitié des répondants ont déclaré avoir observé des délais de paiement accrus en 2021. Le chiffre grimpe à 62% chez les Français. Pour ce risque aussi, l'invasion de l'Ukraine a empiré la situation. Avant la guerre, un exportateur sur trois s’attendait à une hausse des délais de paiement et à une résurgence du risqué d’impayés. A présent, c'est plus de la moitié des répondants qui redoutent une résurgence du risque d’impayés en 2022, et 40% un rallongement des délais de paiement.