Le monde économique à l'épreuve de la dissolution
L'annonce de la dissolution de l'Assemblée Nationale déstabilise le monde économique. Les perspectives sont floues et inquiétantes. L'adoption de nombreux projets et textes de loi en cours est suspendue.
Un saut dans l'inconnu, sur fond de finances publiques déjà dégradées. L'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République, Emmanuel Macron, le 9 juin, a plongé le monde économique dans l'inquiétude. Le monde de la finance a immédiatement réagi : la bourse de Paris a chuté, les taux d'intérêt sur la dette de l’État ont monté. Côté entreprises, « sans visibilité sur la politique budgétaire et fiscale qui sera menée, bon nombre des chefs d'entreprise pourraient décider de différer leurs décisions en attendant d'y voir plus clair sur ce qui les attend », estime le journal Le Monde du 12 juin, notamment en matière d’investissement.
Pour la suite, les élections législatives qui s'annoncent semblent, pour l’heure, ouvrir la voie à deux possibilités. Une absence de majorité claire. Ou bien, une cohabitation avec le Rassemblement national (RN), au regard des intentions de vote qui le place largement en tête, Jordan Bardella pouvant devenir Premier Ministre. Or, le déficit public se creuserait de 3,9 % du produit intérieur brut (PIB) par an, en cas de victoire du RN, d'après une estimation de Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet d'études Asterès. Son estimation est basée sur le programme du parti pour les élections présidentielles de 2022.
Quant au « contrat de législature » du « Nouveau Front populaire », il aurait des « conséquences catastrophiques pour l’économie française », avec une explosion de la dette, met en garde la CPME, Confédération des Petites et Moyennes entreprises, dans un communiqué. « Il se peut qu'à court terme, il y ait un surplus de consommation des ménages, le soutien du pouvoir d'achat étant la priorité du RN et du Nouveau Front populaire, mais le recul de l'investissement et la dégradation du marché du travail entraîneront une dérive du déficit public qui rendra nécessaire d'importantes mesures de restriction », estime Patrick Artus, conseiller économique de Natixis, dans Les Échos du 17 juin.
Fin de partie pour la loi sur la simplification de la vie économique
Si l'avenir est très incertain, un effet collatéral de l'annonce surprise d'Emmanuel Macron est déjà effectif . « L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale sonne l’arrêt de travaux législatifs et réglementaires majeurs pour l’activité des entreprises artisanales du bâtiment », met, par exemple, en garde la Capeb, Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, dans un communiqué. La confédération s'inquiète notamment de voir s'éloigner la perspective de la simplification de la qualification RGE, Reconnu garant de l'environnement, à laquelle les artisans accèdent très difficilement, alors que le label ouvre la possibilité de nombreux chantiers dans le cadre de la rénovation énergétique. Dans le champ du logement, en plus des professionnels de la construction, ceux de l'immobilier aussi ont exprimé leur désarroi de voir des projets suspendus par la voix de la Fnaim, Fédération nationale de l'immobilier, notamment.
D’autres secteurs encore sont concernés par la suspension des travaux parlementaires : des organisations d'agriculteurs – FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs (JA)- ont fait part de leurs craintes de voir « remis en question » par la dissolution les travaux engagés sur le projet de loi d'orientation agricole ou sur un renforcement du dispositif Egalim destiné à protéger les revenus des agriculteurs, a pointé l'AFP, le 10 juin. Le projet de loi de simplification de la vie économique qui comportait des mesures (dont la suppression de nombreux formulaires Cerfa et la mise en place d’un « test PME » ) concernant un grand nombre de secteurs est également suspendu. Il devait faire l'objet d'un vote le 11 juin au sénat.