Le nouveau plan de soutien du gouvernement en faveur de l’agriculture bio
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a annoncé une augmentation du budget de l’aide d’urgence destinée à la filière bio et dévoilé les grandes lignes de son programme « Ambition bio » pour 2027. Des mesures jugées insuffisantes par la Fédération nationale de l’agriculture biologique, au regard de la profonde crise que traverse la filière.
Après plusieurs années de croissance, la brusque contraction de la demande, du fait d’un changement de comportement des consommateurs, de l’inflation et de la concurrence d’autres labels, a plongé la filière de l’agriculture biologique française dans une crise sans précédent depuis 2021. La Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) chiffre les pertes entre 250 et 300 millions d’euros pour les agriculteurs bio, en 2023. Cette crise se traduit également par des fermetures de points de ventes (un peu plus de 170 magasins bio, sur les neuf premiers mois de 2023) et par un fort ralentissement des conversions d’exploitations et de surfaces agricoles au bio (avec un risque de dé-conversion).
Les grands perdants des négociations
Alors que la filière bio attend un fort soutien des pouvoirs publics, certaines des mesures annoncées par le gouvernement pour calmer la colère des agriculteurs, qui se manifeste depuis le début de l’année, ne vont pas dans ce sens, estime-t-elle. Si car s’ils se rejoignent sur certaines revendications concernant les prix et les revenus ou les traités de libre-échange, les agriculteurs bio ne partagent pas les demandes des agriculteurs conventionnels portant sur l’allègement des normes écologiques et environnementales.
Remise en cause du Green Deal européen, de la planification écologique, des moratoires sur l’interdiction de certains pesticides… l’agriculture bio a le sentiment d’avoir été la grande perdante du traitement politique de la crise par le gouvernement, depuis le début de l’année. Et ce, même si la mise « en pause » du plan Ecophyto (qui vise à réduire l’usage de produits phytopharmaceutiques les plus préoccupants) doit, selon le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, permettre à ses services d’en retravailler certains aspects et de le simplifier.
Un Fonds d’aide d’urgence porté 90 millions d’euros
Plusieurs mesures de soutien à l’agriculture biologique ont été annoncées au cours du Salon international de l’agriculture (SIA), fin février. À commencer par une augmentation de 40 millions d’euros du budget de l’aide d’urgence destiné aux agriculteurs bio ayant subi des pertes économiques importantes, et qui vient s’ajouter aux 50 millions d’euros déjà annoncés en janvier, par le Premier ministre, Gabriel Attal, portant l’enveloppe globale à 90 millions pour 2024. Le gouvernement avait déjà octroyé un soutien d’urgence d’un peu plus de 100 millions d’euros à la filière bio, en 2023.
Pour les exploitations bio (sans engrais, ni pesticides de synthèse), cette nouvelle tranche d’aide pourra compenser jusqu’à 50% des pertes enregistrées en 2023/2024, avec un montant minimum de 1 000 euros et un plafond de 30 000 euros par exploitation (40 000 euros pour les jeunes agriculteurs et les nouveaux installés). Les viticulteurs bénéficiant du fonds d’urgence de leur filière en sont exclus. Le gouvernement, qui a notifié le dispositif à la Commission européenne en tant qu’aide d’État, doit désormais attendre le feu vert de Bruxelles. Auquel cas, les aides devraient être versées avant fin juin prochain.
Les grandes lignes du plan Ambition bio 2027
Le ministère de l’Agriculture a également présenté les grands axes du futur programme « Ambition bio 2027 », dont l’annonce était initialement prévue fin 2022, pour une entrée en vigueur en 2023. Inscrit dans la planification écologique, ce dernier précise la feuille de route du ministère pour assurer le développement de l’agriculture biologique en France. Il rappelle, notamment, l’objectif inscrit dans le Plan stratégique national de la Politique agricole commune : atteindre 18 % de surface agricole utile en agriculture biologique d’ici 2027. Un objectif très ambitieux étant donné que cette surface n’atteignait qu’un peu plus de 10% en 2022, avant que la crise de la demande ne passe par là.
Ce plan comprend un axe transversal, qui consiste à assurer une veille scientifique sur les impacts environnementaux, de santé et socio-économiques de l’agriculture biologique. Il s’organise ensuite autour de trois grands axes : stimuler la demande de produits biologiques et renforcer la confiance des consommateurs, consolider et développer des filières biologiques résilientes et ancrées dans les territoires, accompagner les opérateurs de l’agriculture biologique face aux enjeux sociétaux et environnementaux d’aujourd’hui et demain. Le tout décliné en 26 actions.
En parallèle, le ministre a signé avec l’Agence Bio un nouveau contrat d’objectifs et de performance pour 2024-2028. En charge du développement, de la promotion et de la structuration de l’agriculture biologique en France, cette dernière a vu les moyens qui lui sont alloués augmenter ces trois dernières années et va être très impliquée dans ce nouveau programme « Ambition Bio ».
Des mesures insuffisantes pour répondre à la crise de la filière
Autant de mesures qui, selon la Fnab, ne vont pas permettre de répondre aux difficultés et aux attentes de la filière. Dans un communiqué publié le jour même des annonces, la fédération reconnaît les « quelques avancées » que constituent l’augmentation du fonds d’aide à la filière et le lancement du nouveau plan Ambition Bio, mais « déplore le manque de soutien et d’objectifs précis et ambitieux ».
En ce qui concerne le plan d’aide, la Fnab juge son budget trop faible pour répondre aux besoins de la filière. Selon son président, Philippe Camburet, le montant de l’enveloppe ne va permettre d’aider que 15% des fermes, « quand il aurait dû en toucher le double ». Elle demande donc au ministère de l’Agriculture d’abonder le fonds d’aide en fonction des besoins réels (après instruction de tous les dossiers d’aide).
Quant au programme « Ambition Bio 2027 », il n’apporte pas la vision stratégique et la politique de soutien attendues par la filière. « Il faudrait sans doute plusieurs centaines de millions d’euros pour atteindre les 18% de surface agricole utile bio et les 20% de la restauration collective de la loi Egalim », estime le président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique, qui demande à ce que le plan affiche « des moyens financiers en face des objectifs ».