Sécheresse :
le rôle central des préfets
Pour faire face aux périodes d'insuffisance de la ressource en eau, les préfets peuvent prendre des mesures exceptionnelles, graduelles et temporaires de limitation ou de suspension des usages de l’eau non prioritaires pour les particuliers et les professionnels. Tour d’horizon du droit en la matière.
Une politique détaillée dans un « arrêté cadre »
Au sein de chaque département, la politique de gestion de la ressource hydrique est fondée sur un « arrêté-cadre » (parfois « arrêté-cadre interdépartemental »), pris après avis du comité « Ressources en eau » et après consultation publique. Ces arrêtés ont vocation à être pluriannuels.
Le contenu des arrêtés-cadre départementaux ou interdépartementaux est fondé sur des zonages, des niveaux de gravité rattachés eux-mêmes à des conditions de déclenchement (seuils, températures des cours d’eau, etc.) et des mesures de restriction graduées, à prendre selon le niveau de gravité.
Les arrêtés-cadre précisent également les conditions selon lesquelles le préfet peut, à titre exceptionnel, à la demande d’un usager, adapter les mesures de restriction s’appliquant à son usage. Ces conditions tiennent compte des enjeux économiques spécifiques, de la rareté en eau, des circonstances particulières et de considérations techniques. Elles sont strictement limitées en volume et dans le temps, par le respect des enjeux environnementaux.
Des mesures graduées selon l’intensité de la sécheresse
Dans les zones d’alerte définies et cartographiées par l’arrêté-cadre, le préfet peut prendre une véritable batterie de mesures selon la technique dite de de la « réponse graduée », en fonction de niveaux de gravité : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise (article R. 211-66 du Code de l’environnement).
Comme dit précédemment, le passage d’un niveau de gravité à un autre doit, bien entendu, être défini par des conditions de déclenchement, dans l’arrêté-cadre (sur la base d’indicateurs chiffrés, tels que hauteurs d’eau, débits, pression, températures …).
L’instruction du 16 mai 2023 du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires relative à la gestion de la sécheresse définit les mesures minimales que les préfets doivent mettre en œuvre en cas de dépassement d’un seuil, sachant que rien n’empêche les arrêtés- cadres de prévoir des mesures plus restrictives.
En cas de dépassement d’un seuil, le préfet prend un arrêté qui emporte avec lui l’application des mesures associées à ce nouveau seuil. Des amendes pénales sont prévues en cas de violation de ces arrêtés.
Les mesures minimales au niveau national
En cas de déclenchement du seuil de vigilance, les mesures sont globalement peu coercitives et se limitent principalement à d’importants dispositifs de sensibilisation du grand public à l’économie.
Le dépassement du seuil d’alerte déclenche des mesures plus contraignantes. Pour les particuliers, l’arrosage des jardins potagers, pelouses, terrains de sports, etc est interdit entre 11h et 18h. Le remplissage des piscines individuelles de plus de 1 m3 est bien sûr interdit (sauf remise à niveau) ; le lavage des véhicules chez les particuliers ainsi que le nettoyage des façades, toitures et trottoirs, également. Les professionnels, doivent reporter les opérations exceptionnelles consommatrices d’eau ou génératrices d’eaux polluées. Pour les agriculteurs, il est interdit de procéder à l’irrigation par aspersion (mais pas par système d’irrigation localisée type goutte à goutte), entre 11h et 18h.
L’alerte renforcée déclenche, elle, des mesures légèrement plus sévères : les interdictions qui s’appliquaient entre 11h et 18h valent cette fois, pour la plupart, de 9h à 20h. Le remplissage des piscines collectives devient à son tour interdit (sauf remise à niveau). De même, l’arrosage des espaces arborés, pelouses, massifs fleuris, et espaces verts est totalement interdit.
Lorsque le seuil de crise est déclenché par le préfet, le principe, qui était la liberté, devient clairement l’exception, et globalement, presque tous les usages de l’eau sont strictement prohibés. A noter tout de même, l’arrosage des jardins potagers reste permis entre 20h et 9h.
Pour ce qui est des piscines, seul est autorisée la remise à niveau des piscines collectives. Les agriculteurs, eux, sont fortement impactés par le déclenchement de ce seuil : tout type d’irrigation est interdit, excepté lorsqu’elle est localisée (type goutte à goutte) et lorsqu’elle est destinée aux semences et plants. Notons également, chose étonnante, que dans cet état de crise, l’arrosage des greens de golf reste permis s’il est réduit à 350 m3/semaine maximum (tout de même), et s’il est réalisé par tranche de 9 trous (entre 20h et 8h).
Bien entendu, l’alimentation en eau potable des populations pour les usages quotidiens et nécessaires (santé, salubrité, sécurité civile) n’est impactée par aucun de ces seuils, de même que l’abreuvement des animaux (domestiques ou d’élevage).