Economie
Le Royaume-Uni prend définitivement le large
Dix mois de négociations acharnées auront été nécessaires pour aboutir à un accord concernant les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) après le Brexit. Les changements sont nombreux…
C’est tout un symbole : à la veille de Noël 2020, le Royaume-Uni et l’Union européenne se sont entendus sur un accord de quelque 1 200 pages - 1 500 avec les annexes — sur leurs relations futures ! La fin d’un long et laborieux roman commencé avec le référendum sur le Brexit de juin 2016 (51,89 % pour le oui). Après de nombreux atermoiements, coups de poker et processus dilatoires, le représentant de l’UE, Michel Barnier, a pu déclarer que « c’est un accord juste et équilibré qui protège totalement les intérêts fondamentaux de l’Union européenne ». En retour, Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, a qualifié le texte de « nouvelle base d’amitié pour stabiliser cette relation ».
Du référendum à la période de transition
La procédure de sortie de l’UE est régie par l’article 50 du Traité sur l’Union européenne (TUE), qui fut déclenché en mars 2017 par Theresa May, alors Premier ministre. Commencèrent alors d’âpres négociations sur les modalités de retrait, qui nécessitaient d’être validées au niveau européen, à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. Trois ans plus tard, et non sans quelques dégâts politiques au Royaume-Uni (démission de Theresa May, suspension du Parlement, élections anticipées…), le Brexit fut officialisé le 31 janvier 2020 à minuit.
Les deux divorcés convinrent alors d’une période transitoire entre le 1er février et le 31 décembre 2020, durant laquelle se jouèrent les négociations sur leurs relations futures, sans que rien ne change dans l’ensemble pour les entreprises et les particuliers. Devenu État tiers, le Royaume-Uni put ainsi néanmoins avoir accès au marché intérieur et à l’Union douanière, mais sans participation aux institutions, à la condition expresse de respecter l’ensemble des directives, normes et standards de l’UE.
Et, enfin émergea l’accord post-Brexit, le 24 décembre 2020 !
La fin de la libre circulation
Les 700 milliards d’euros annuels d’échanges commerciaux entre l’UE et le Royaume-Uni ne seront soumis ni à des droits de douane ni à des quotas, du moins tant que le Royaume-Uni ne s’engage pas dans des pratiques déloyales en matière de règles environnementales, de droits sociaux, de fiscalité, de sécurité alimentaire et d’aides d’État. Cela n’a pas empêché Boris Johnson de réunir, le 18 janvier, un parterre de grands patrons pour évoquer l’éventualité de transformer le pays en Singapour européen…
Quoi qu’il en soit, une hausse de la paperasserie est prévisible, puisque les marchandises devront être déclarées en douane avec, dans le cas des produits alimentaires notamment, des déclarations sanitaires et phytosanitaires. D’où une inflation probable des délais et des coûts, même s’il est question de faciliter la circulation de certains produits à l’instar du vin, de l’automobile ou des médicaments. En ce qui concerne la pêche, question épineuse entre les deux parties, le Royaume-Uni a en revanche été contraint de céder sur ses ambitions d’origine, afin de garder l’accès au marché européen.
Quant à la libre circulation des personnes entre l’UE et le Royaume-Uni, celle-ci a vécu. Outre le retrait du pays du programme d’échange d’étudiants Erasmus, les règles pour travailler au Royaume-Uni sont bousculées, sauf pour les ressortissants de l’UE déjà présents. En effet, l’obtention d’un permis de travail se fera selon un système de visa à points, avec l’obligation de présenter une offre d’emploi dont le salaire annuel est supérieur ou égal à 26 500 livres. Mais il n’est pas prévu de visa pour les touristes, même si cette question est pour l’instant superfétatoire, en raison de l’épidémie de covid-19, hors de contrôle dans le pays.
La finance provisoirement oubliée
La City semble avoir été provisoirement la grande oubliée de cet accord, en ce que les services financiers ne bénéficieront plus du passeport européen, qui permettait d’opérer avec un accès global à l’ensemble des pays membres de l’UE. Désormais, le régime sera celui de l’équivalence, qu’il faudra obtenir après négociation avec l’UE sur l’un des 59 domaines spécialisés. Comme ce changement était prévisible, les grandes banques et fonds d’investissements avaient déjà commencé à délocaliser certains de leurs sites sur le Vieux continent, au bénéfice du Luxembourg, de l’Allemagne et de la France, qui n’ont pas hésité à faire assaut de séduction pour les attirer. Mais au vu du poids financier de la City, il ne fait aucun doute que celle-ci arrivera à tirer son épingle du jeu dans de futures négociations avec l’UE.
En tout état de cause, il faudra probablement encore attendre de longs mois pour connaître toutes les implications de cet accord, tant les détails sont nombreux.