Les entreprises indépendantes, l'avenir de l'industrie ?
Une masse salariale plus stable, une vision de plus long terme, par rapport aux entreprises sous contrôle d'actionnaires : d'après une étude du cabinet Asterès, le fonctionnement des entreprises industrielles indépendantes les positionne comme des acteurs clés pour sortir de la crise.
Un modèle d'avenir ? Une chose est certaine, les entreprises industrielles qui ne dépendent pas d'un actionnariat extérieur présentent un mode de fonctionnement qui leur est propre. Telles sont les conclusions d'une étude « les PME-ETI industrielles indépendantes : une réussite économique et sociale durable au cœur des territoires », réalisée en octobre dernier par le cabinet Asterès pour la FEEF, Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, qui rassemble près de 1 000 entreprises indépendantes ou familiales. Les résultats de l'étude ont été dévoilés le 12 mai, lors d'une conférence de presse en ligne.
Pour Nicolas Bouzou, économiste et directeur d'Asterès, la différence est nette : l'indépendance « dégage l'entreprise non pas des objectifs de rentabilité, mais de celui de la rentabilité à court terme. Ces entreprises ont une vision à plus long terme ». Autre spécificité, une plus grande prise en compte des parties prenantes. « Elles sont plus souvent que les autres dans une logique de coopétition, plutôt que de compétition pure », poursuit l’économiste. Un comportement qui peut se traduire, notamment au sein d'une même filière, par un meilleur respect des délais de paiement des fournisseurs. Autre spécificité encore, ces sociétés « incarnent le concept d'encastrement dans la société », estime Nicolas Bouzou Concrètement, leur fonctionnement prévoit en général davantage de création de lien social, de respect de l'environnement et du territoire dans lequel elles sont implantées. Et il ne s'agit pas ici de considérations générales : le cabinet Astères a constaté ces tendances en examinant les comptes d'entreprises industrielles indépendantes (sur la période 2009-2018) . Premier constat, les chiffres témoignent d'un dynamisme commercial important, et même supérieur à celui de l'ensemble de l'industrie, mais assorti de résultats financiers en deçà de la moyenne. Sur la période, les entreprises indépendantes ont vu leur chiffre d'affaires croître de 37%, contre 27% pour l'ensemble de l'industrie. En revanche, leur marge nette avoisine les 3%, contre plus du double pour la totalité des entreprises (2018). « Ce différentiel tient essentiellement au partage de la valeur ajoutée », analyse Nicolas Bouzou .
Un puissant effet d'entraînement sur l'économie locale
Autre tendance évaluée par l'étude du cabinet Astères, l'effet d'entraînement des entreprises sur l'ensemble de l'économie, sensiblement plus important chez celles indépendantes. Par exemple,1 million d’euros de dépenses courantes des industriels indépendants entraînent la création de 13 emplois au bout de quatre ans, contre huit emplois pour la moyenne des entreprises françaises. « Cela s'explique pour l'essentiel par la localisation des achats (…), ces entreprises réalisent des dépenses courantes plus souvent localisées à proximité que la moyenne du secteur. Cela se paie par des résultats financiers un peu moins élevés, mais génère une contribution sociale plus forte », estime l’expert.
Autre forme que prend cette contribution spécifique des entreprises indépendantes, la proportion d’apprentis dans leurs effectifs : 4 % contre 1,8 %, en moyenne, dans les entreprises françaises. Et 36 % d'entre elles ont noué des liens avec une structure de réinsertion de personnes en difficultés, contre 25 % au global. En matière de fiscalité, la spécialisation industrielle et la taille des entreprises indépendantes induisent une contribution particulièrement élevée : en 2018, ces entreprises ont payé 470 millions d’euros d’impôts, soit 1,1 fois plus d’impôts que la moyenne des entreprises françaises.
L'ensemble de ces caractéristiques semble désigner les entreprises indépendantes comme une ressource précieuse dans les bouleversements actuels. En effet, « la crise met en lumière deux enjeux majeurs, celui de la pérennité des emplois et des investissements (…) et celui de la question du sens dans l'entreprise », note Nicolas Bouzou . Or, sur ces sujets, les entreprises indépendantes, tournées vers le long terme et enracinées dans leurs territoires, sont bien armées pour participer à la stabilisation de l'économie. Lors de la crise de 2008-2009, déjà, observe le cabinet Astères, elles avaient mieux résisté que les autres : leur chiffre d'affaires avait baissé de -7 %, contre -12 % pour les filiales de groupes.