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Les jeunes aussi aiment travailler

À rebours des idées reçues, la récente étude du think tank Terra Nova et de l’Apec sur le rapport au travail des 18-30 ans montre que les jeunes sont tout aussi motivés et engagés que leurs aînés. Reste aux services RH de renouer le lien de confiance avec la jeune génération, tout en proposant des méthodes de management plus participatives.

© Adobe Stock
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Les jeunes n’aiment plus travailler ? Vraiment ? Les stéréotypes ont la vie dure. Le rapport de Terra Nova, think tank, et de l’Apec, Association pour l'emploi des cadres, sur le rapport au travail des actifs de moins de 30 ans bat en brèche un certain nombre de clichés sur les jeunes en emploi. Trop souvent perçue comme paresseuse, individualiste, infidèle, réfractaire à l’autorité et principalement en recherche de sens, la jeune génération pâtit de tous les maux possibles. Les managers eux-mêmes (93%) estiment que les jeunes ont un rapport au travail différent de celui de leurs aînés et 66 % des actifs de 45 à 65 ans qu’ils sont moins investis au travail qu’eux. « Se diffusent dès lors de nombreux préjugés sur l’attitude des jeunes au travail : ces derniers n’entendraient plus lui accorder une place aussi centrale dans leur existence que leurs aînés, voire seraient massivement désinvestis. Ils exprimeraient des attentes différentes envers le travail, soit purement utilitaires (travail = salaire), soit au contraire plus politiques (travail = levier d’engagement social). Ils remettraient en cause les relations d’autorité dans l’entreprise et s’y comporteraient comme des électrons libres », relèvent conjointement Gilles Gateau, directeur général de l’Apec et Thierry Pech, directeur général de Terra Nova. A contrario, le rapport met ainsi en évidence une génération engagée et motivée par leur évolution professionnelle : les jeunes ont in fine le même niveau d’implication au travail et les mêmes attentes que leurs aînés.

Même triptyque salaire, intérêt, équilibre de vie

L’étude révèle ainsi que plus d’un jeune sur deux (52%) entretient un rapport positif au travail, le vivant comme une passion, un plaisir ou une manière de se réaliser. Ils seraient tout autant investis dans leur travail et dans leur organisation. Près d’un jeune en emploi sur deux estime que son travail est aussi important (36 %), voire plus important (11 %) que les autres sphères de son existence (familiale, sociale, etc.), une proportion identique à celle observée chez les 30-44 ans et supérieure à celle relevée parmi les 45-65 ans (36 %). Seuls 7 % relativisent fortement la place du travail dans leur existence, le jugeant alors « pas du tout important ».

Autre idée reçue contrebalancée par l’enquête : les jeunes n’apparaissent guère plus rétifs à l’autorité que leurs aînés : 40 % acceptent les décisions hiérarchiques par principe (contre 37 % pour les 45-65 ans), et 43% dès qu’ils les comprennent, sans nécessairement avoir besoin d’être d’accord. Seulement 3% déclarent avoir de manière systématique du mal avec l’autorité hiérarchique. Seule nuance, ils expriment un peu plus que leurs aînés le souhait de voir leur manager « soigner le dialogue et le partage d’informations » (30 % chez les jeunes vs 26 % des 45-65 ans).

Leurs attentes diffèrent-elles finalement de celles de leurs aînés ? Les trois priorités au travail sont partagées par toutes les générations, à savoir rémunération, intérêt et équilibre de vie. Comme leurs aînés, avec le contexte inflationniste actuel, la rémunération arrive en première place... loin donc devant l'équilibre vie pro/ vie perso et la quête de sens. 55 % d’entre eux souhaitent ainsi, avant tout, avoir un travail rémunérateur. Ce, alors qu’ils sont plus exposés à la précarité : en 2021, près de 57 % des moins de 25 ans en emploi étaient en CDD, intérim ou apprentissage. Tout comme leurs aînés, leur deuxième attente, pour 41% d’entre eux, concerne l’intérêt des missions. C’est « une pierre angulaire du rapport au travail, et ce, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle », relève l’étude. L’équilibre de vie complète le triptyque des attentes des jeunes actifs, qui le considèrent toutefois légèrement moins important que leurs aînés. Ainsi, 36 % des jeunes cadres priorisent cet aspect, contre 43 % de ceux âgés de 30 à 44 ans et 47 % de ceux de 45 ans et plus.

Et davantage de responsabilités

Seule distinction par rapport à leurs aînés : leur envie, plus marquée de progression professionnelle, propre au début de carrière, que les actifs les plus âgés : 69% d’entre eux aimeraient avoir plus de responsabilités et 50% briguent un poste de manager pour ceux qui ne le sont pas déjà. Chiffre évocateur de ce désir de progresser, un jeune actif sur deux (48 %) indique qu’il préférerait avoir moins de temps libre pour gagner plus d’argent, contre 24 % pour les actifs âgés entre 45 et 65 ans. Ils émettent à ce titre des réserves par rapport au télétravail, redoutant notamment qu’il pénalise leurs possibilités d’avancement. S’ils se disent majoritairement favorables au télétravail, plus d’un sur deux craint par exemple, de rater « des informations importantes de l’entreprise ou même des opportunités professionnelles ».

Des ambitieux aux découragés

Les jeunes actifs ressemblent à leurs aînés sur de nombreux aspects de leur rapport au travail, mais ils constituent un ensemble plus hétérogène que ce que les discours médiatiques laissent entendre. Le rapport au travail s'explique en grande partie par l'origine sociale et l'emploi occupé. Pour Thierry Pech, « l'âge n'est pas le facteur le plus pertinent pour décrire la réalité. Il n'y pas une jeunesse, mais bien plusieurs ». Une hétérogénéité qui serait en grande partie liée à des critères socio-économiques.

Au regard de leur vécu actuel du travail et de leur projection dans le futur, six profils types du rapport au travail des 18-29 ans émergent. Plus d’un jeune sur deux appartiendrait aux catégories des « Ambitieux » (39 %) ou des « Satisfaits » (14%). Les premiers ont un rapport globalement positif au travail. Issus des familles aisées et déjà bien lotis, ils affichent encore un fort appétit en matière d’évolution professionnelle, tandis que les « satisfaits » estiment être à leur place et expriment peu de désirs de changement. Les autres se répartissent entre « Combatifs » (20 %) – peu épanouis professionnellement, ils aspirent à prendre une revanche sociale, via le travail– ; et « Découragés » (10 %), qui ne voient dans le travail aucune voie d’épanouissement et affichent une certaine résignation. Autres catégories, « Les Attentistes » (11 %) et « les Distanciés » (6 %). Les premiers sont installés dans une routine et aimeraient voir s’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles, tandis que les seconds sont dans un train-train qu’ils jugent confortable et aspirent au statu quo.

*Enquête quantitative réalisée en ligne du 15 septembre au 9 octobre 2023, auprès de quelque 5 000 personnes (3 073 jeunes actifs de moins de 30 ans et 2 045 actifs âgés de 30 à 65 ans)

Charlotte DE SAINTIGNON