Les managers, acteurs de la QVT

La table-ronde « démarches inspirantes en santé, qualité de vie au travail » du récent salon Preventica, à Paris, a mis en avant les bonnes pratiques d’entreprises engagées en termes de sécurité et de qualité des conditions de travail.Témoignages.

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« Préserver la santé mentale de nos salariés qui ont un travail lourd en termes de charge physique et mentale est important pour les protéger par rapport à nos usagers, signale d’emblée Louise Massing, responsable médiation, qualité de vie et conditions de travail à l’Institut Curie. Nous devons être moteur sur la question des risques psychosociaux ». Pour le Centre de recherche sur le cancer – 2 000 salariés–, la QVCT est la pierre angulaire. C’est un « puissant levier pour faire face à l’allongement de la durée de vie au travail ». « La santé mentale est un point de vigilance important car nous traitons de pathologies à forte charge mentale », au même titre que les conditions de travail ou les troubles musculo-squelettiques (TMS), explique-t-elle. S’appuyant sur la direction, les RH, des référents QVT, la médecine du travail, deux psychologues, un ingénieur HSE (hygiène, sécurité, environnement) et un pôle spécifique prévention santé, Louise Massing assure que l’Institut a « une vision multifocale » de la situation.

Sécurité au travail

Jugeant que « La QVT c’est aussi la qualité du management », elle constate que « les managers n’ont pas assez de ressources en savoir-faire et en savoir-être ». Aussi, le centre a lancé une grande consultation de ses 300 managers pour revoir leurs pratiques. Pour les recruter, il s’attache à « détecter leurs appétences : pour être manager il faut aimer les gens et aimer manager », affirme Louise Massaing. Il a par ailleurs créé un parcours managérial et une communauté de managers pour leur permettre d’apprendre de leurs pairs. L’Institut travaille également sur l’accueil des nouveaux arrivants, qu’ils soient managers ou non, afin qu’ « ils se sentent attendus, accueillis et intégrés ».

De son côté, le groupe Suez a une vision très pragmatique qui consiste à prendre soin de la sécurité de ses 44 000 collaborateurs à travers le monde. « La culture de la sécurité contribue à la QVT », affirme ainsi Soizic Machado-Verheye, conseiller santé-sécurité du groupe. Suez a notamment réécrit, avec l’aide de 250 contributeurs, les « 10 règles qui sauvent », listant les accidents graves et mortels liés aux différents métiers et a réalisé des vidéos courtes pour aider les collaborateurs à prendre conscience des risques auxquels ils étaient exposés –risques routiers, d’injection d’H2S, de chutes de hauteur…– et de la manière de se protéger, afin d’éviter des accidents. « Ces vidéos sont conçues pour donner un moment d’émotion pour que le collaborateur soit face au risque, qu’il en prenne conscience et lui montrer qu’il peut sauver sa vie et celle des autres. Nous avons ainsi listé 17 risques majeurs dans l’objectif d’arriver à zéro accident grave et mortel ». Qui plus est, pour elle, « la sécurité est un argument pour recruter et fidéliser les collaborateurs. Prendre soin de l’intégrité physique et morale des salariés est une façon de faire une bonne promotion de l’entreprise ». Pour y parvenir, Soizic Machado-Verheye indique avoir embarqué tous les pays du groupe et organisé des « semaines sécurité » et des « semaines santé ». L’occasion de redéployer les règles de sécurité. « C’est l’affaire de tous et de tous les services, y compris des personnes qui sont dans les bureaux » insiste-t-elle. De fait, toutes les réunions de l’entreprise, y compris celles du Comex, commencent par un point santé et sécurité.

Créer une culture positive du partage

« Il faut favoriser une démarche participative par le biais des entretiens annuels, mais aussi de groupes de travail et d’espaces de discussion sur le sujet. Dirigeants, RH, managers, partenaires sociaux doivent apprendre à travailler ensemble sur le sujet » et identifier les opportunités à saisir et les écueils à éviter, explique Xavier Froissart, expert en RH et qualité de vie au travail. En ce sens, il faut, selon lui, partir du dialogue social et négocier un accord cadre sur la QVT qui doit faire l’objet de formations, laisser des marges de manœuvre sur le terrain et être révisé très régulièrement. Soit « laisser les discussions de proximité sur la mise en place opérationnelle et faire des managers des acteurs de la QVT ». Ce que confirme Soizic Machado-Verheye : « Il est nécessaire d’impliquer les managers. On leur propose des formations de deux jours sur la sécurité ».

La culture « sécurité » est également portée par la direction de Suez : tous les six mois, elle propose une séance de questions-réponses, ouverte à tous les managers, afin d’atteindre les objectifs de sécurité. L’idée étant de créer « un climat de confiance et une culture positive du partage où les collaborateurs peuvent interpeller leur chef sur des situations à risque ». Xavier Froissart insiste sur la nécessité des formations sur la QVT, la sécurité et le contenu de l’accord « pour en faire quelque chose de vivant et d’évolutif, quitte à revisiter les dispositions et à aider le manager à identifier les marges de manœuvre pour essayer et adapter la QVT au quotidien : c’est l’expérimentation de proximité ». Et d’insister sur la nécessité de vérifier que les dispositions de l’accord sur la QVT sont « connues et comprises de tous. Ce qui n’est pas forcément évident dans une grande entreprise entre les décisions prises au niveau national et ce qui se fait dans les filiales ». Pour lui, il est indispensable que les collaborateurs puissent s’exprimer et agir sur leur travail. S’il n’existe pas de recette magique, l’expert en RH est convaincu qu’elle doit être appropriée par l’ensemble des acteurs et préconise de choisir des volontaires parmi les managers, pour discuter du contenu du travail et faire des propositions pour améliorer le fonctionnement.

Traiter des questions de parentalité

Définissant la QVT comme « le contenu du travail, les conditions d’exercice de son activité professionnelle et les relations interpersonnelles », il cite notamment parmi les facteurs décisifs pour une bonne QVT le fait de travailler dans une ambiance sereine, d’avoir des échanges positifs avec ses collègues, un dialogue social de qualité ou encore un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Pour améliorer les relations de travail, l’Institut Curie a mis en place un service de médiation interne. « Dans certaines situations de travail ou de stress, les collaborateurs ne se parlent plus, ou alors peu ou mal. La médiation permet de lisser les relations et d’agir tout de suite sur des problématiques relationnelles ou de communication », explique Louise Massaing. A la recherche d’un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, l’Institut a réservé 80 berceaux auprès d’une crèche d’entreprise pour alléger la charge mentale de ses salariés. « Les employeurs doivent pouvoir traiter de ces questions de parentalité », assure Louise Massing. Ou encore la connexion à la plateforme « Allo Alex », le service de wecare@work, destiné à aider les personnes atteintes de maladies chroniques.

Charlotte DE SAINTIGNON