Agriculture

Les principales dispositions du projet de loi d’orientation pour l’agriculture

Reporté et remanié à plusieurs reprises, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture sera débattu après décision du Conseil constitutionnel. Le gouvernement a tablé sur son adoption avant l’été.


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Après une concertation menée au printemps 2023, la première version du projet de loi d’orientation agricole, présentée mi-décembre 2023, ne visait que la formation et l’installation des jeunes agriculteurs. Mais le texte a été remanié après la crise agricole de début d’année, afin d’intégrer certaines demandes des agriculteurs. La version présentée le 3 avril dernier en Conseil des ministres s’articule autour de trois grands sujets : la souveraineté alimentaire et le caractère « d’intérêt général majeur » de l’agriculture, la transmission des exploitations et l’installation des agriculteurs, et des mesures de simplification visant pour l’essentiel à alléger les contraintes environnementales et les peines encourues par les agriculteurs dans ce domaine.

Mettre les enjeux agricoles au même niveau que l’environnement

Comme promis par le chef de l’État, Emmanuel Macron, lors du Salon de l’agriculture fin février dernier, le projet de loi affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, « qui garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». Objectif : donner plus de poids aux enjeux agricoles dans les politiques publiques, en plaçant l’agriculture au même niveau que l’environnement. Il s’agit d’une des demandes de la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, et cette évolution pourrait avoir un impact sur l’appréciation des juges, dans le cadre des contentieux agricoles impliquant une dimension environnementale. Le texte ne définit pas précisément la notion de souveraineté alimentaire, laissant ainsi le champ libre aux parlementaires.

Un réseau national pour faciliter la transmission des exploitations

L’autre grand axe du texte concerne la transmission des exploitations agricoles et l’installation, à l’heure où plus d’un tiers des agriculteurs vont atteindre l’âge de la retraite, avant les dix années à venir. Le gouvernement veut créer un réseau national, « France services agriculture », chargé d’orienter et d’accompagner les cédants et les potentiels repreneurs d’exploitations agricoles. Ce guichet unique serait piloté par les chambres d’agriculture, dans chaque département. Le réseau proposera des formations aux nouveaux agriculteurs et un diagnostic des projets d’installation, en fonction des enjeux environnementaux actuels et à venir. Le recours à ce dispositif pourrait également être exigé pour obtenir certaines aides.

En matière d’accès au foncier, le gouvernement propose la création d’une nouvelle entité juridique, le groupement foncier agricole d’investissement, permettant de mobiliser les moyens financiers de plusieurs investisseurs pour acquérir des terres agricoles de manière collective. Une idée qui fait déjà l’objet d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale, en octobre dernier.

Améliorer l’attractivité du secteur

Pour améliorer l’attractivité du secteur, le gouvernement souhaite lancer un programme national de découverte des métiers agricoles et agroalimentaires à l’école, via des stages depuis l’école primaire jusqu’au lycée, et la création d’un « bachelor agro » de niveau bac+ 3. Il souhaite aussi former, en l’espace de trois ans, 50 000 professionnels de l’enseignement, du conseil et de l’administration sur les solutions en faveur des transitions agroécologique et climatique dans les secteurs agricoles. En revanche, le texte ne traite pas de la question des revenus agricoles, qui relève de la prochaine révision de la loi Egalim, dont la quatrième version est prévue cet été.

Alléger les contraintes environnementales

Le troisième volet du projet de loi prévoit différentes mesures de simplification des normes destinées à répondre à la colère des agriculteurs. Elles concernent, notamment, les réglementations sur les haies et la réduction des délais de recours contentieux contre les projets de retenue d’eau (tels que les « bassines ») et d’extension de bâtiments d’élevage. En parallèle, le texte entend modifier le régime de répression des atteintes à l’environnement, en révisant les procédures et l’échelle des peines. Mais il ne traite pas des objectifs de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, qui seront fixés par le plan Ecophyto qui doit être annoncé prochainement.


Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte, en vue d’un débat à l’Assemblée nationale prévu en mai et au Sénat en juin, pour être adopté en commission mixte paritaire d’ici l’été. Mais, c’était sans compter sur les groupes d'opposition de l'Assemblée nationale, dont les présidents, s'appuyant sur les réserves émises par le Conseil d'Etat sur la sincérité de l'étude d'impact du projet, ont demandé la saisine du Conseil constitutionnel. Le calendrier parlementaire est désormais suspendu à la décision des Sages qui ont été saisis par le Premier ministre, ce 12 avril. Réponse : sous huitaine.

Troubles de voisinage à la campagne : une loi pour limiter les plaintes contre les agriculteurs

Le Parlement a adopté 8 avril dernier la proposition de loi « visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels ». Cette loi vise à limiter les conflits de voisinage et, en particulier, les plaintes des néo-ruraux contre les agriculteurs à la campagne, même si elle concerne aussi les conflits de voisinage en ville. Le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, posé par la jurisprudence, a été introduit dans la loi, tout en l’assortissant de limites. En effet, loi prévoit désormais une exception à ce principe : la responsabilité de la personne ne peut être engagée si l’activité est antérieure à l’installation du plaignant, si l’activité respecte la législation et si elle se poursuit dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal de voisinage. Une exonération supplémentaire spécifique est prévue pour les activités agricoles, lorsque l’exploitant modifie les conditions d’exercice de son activité pour se mettre en conformité avec les lois et règlements et lorsqu’il s’agit de l’évolution naturelle de la vie d'une exploitation agricole (accroissement, diversification, etc.), dans la mesure où elle n’aggrave pas « substantiellement » le trouble préexistant.