Logement neuf : la crise perdure, les promoteurs de plus en plus inquiets
Les chiffres de l’immobilier neuf au troisième trimestre 2024 en France ne laissent pas entrevoir de sortie de crise en 2025. Les mises en vente de logements neufs atteignent leur plus bas niveau depuis 2010.
Les nuages sombres continuent de s’accumuler sur le marché de l’immobilier neuf en France et la situation des promoteurs ne fait que s’aggraver au fil des mois. « Les promoteurs s’appauvrissent en foncier et en savoir-faire », a expliqué Pascal Boulanger, président de FPI France, lors de la présentation des chiffres de l’immobilier neuf au troisième trimestre 2024. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) représente les acteurs du secteur privé, soit près de 700 sociétés de promotion. Une filière qui est passée de 34 000 à environ 28 000 salariés en l’espace de deux ans et dont le nombre de promoteurs en redressement judiciaire augmente.
La crainte de ne pas pouvoir faire face si le marché redémarre
« Comme nous n’avons pas suffisamment de foncier et de salariés pour une reprise, ce dont j’ai peur, c’est que le jour où ça repartira – parce que ça repartira à un moment, on connaît les cycles économiques –, il risque d’y avoir une surenchère sur le foncier et sur les salaires, et, plutôt qu’une chute des prix des logements neufs il y aura une stagnation », a-t-il expliqué. « Je pense qu’il va y avoir une effet boomerang et que l’État doit réagir avant que nous soyons complètement exsangues. J’ai peur de la reprise parce que l’on ne pourra pas y faire face. »
La construction neuve toujours en berne
Selon les chiffres de l’Observatoire de l’immobilier de la FPI au troisième trimestre 2024, on constate « un assèchement très préoccupant » de l’offre de logements neufs, avec une chute de 41% des mises en vente sur trois mois par rapport au même trimestre de 2023. « Le troisième trimestre 2024 est le trimestre le plus bas observé depuis 2010 », a précisé le président de la FPI. Sur neuf mois, soit depuis le début de l’année 2024, le nombre de lancements commerciaux a diminué de 33,7%.
La baisse des permis de construire s’est poursuivie entre juillet et septembre 2024, soit -7,6% par rapport à la même période en 2023. En nombre, « on est à peu près à la moitié par rapport à une année normale ». Depuis les dernières élections municipales, la moyenne des autorisations mensuelles de logements collectifs (16 677) ne cesse de diminuer par rapport à la moyenne enregistrée pendant la précédente mandature (19 335). Une situation imputable, selon lui, à la « frilosité des maires, qui est le reflet de la frilosité de la population ». Et les promoteurs immobiliers, qui vendent peu aujourd’hui, déposent de moins en moins de permis.
Les ventes de logements neufs continuent de diminuer, mais moins vite
Les retraits d’opérations commerciales immobilières de logements neufs par les promoteurs ne cessent d’augmenter depuis 2022. En 2024, un programme sur trois a été retiré de la commercialisation à l’échelle nationale. Si certains de ces retraits sont liés à des raisons techniques ou juridiques, « un quart des logements sont retirés par les promoteurs pour des raisons commerciales » : ils ne trouvent pas preneurs.
Une tendance plus positive a toutefois été observée ces derniers mois : ce troisième trimestre 2024, les ventes de logements neufs n’ont enregistré « qu’une » baisse de 2,5% par rapport au même trimestre de 2023, ce qui traduit un ralentissement du rythme de la chute. Les ventes « en bloc » (pour l’essentiel des programmes de rachat de CDC Habitat et Action Logement) ont diminué par rapport au 3e trimestre 2023, mais les ventes au détail ont enregistré une très légère remontée. Un phénomène qui peut être lié à la baisse des taux d’intérêt et à la fin du dispositif Pinel. « Un point bas a-t-il été atteint ou est-ce seulement un pallier ? C’est une tendance qui reste à confirmer au quatrième trimestre 2024, sachant que, l’année prochaine, il n’y aura plus de Pinel pour soutenir le marché. »
Des délais de vente très supérieurs à la moyenne et des prix qui ne baissent pas
En parallèle, le délai moyen de vente des logements neufs s’est légèrement réduit pour s’établir à 20 mois ce troisième trimestre. « 20 mois, c’est un délai deux fois supérieur au délai habituel qui est de 10 à 12 mois. On a deux fois moins d’offre, mais elle est encore deux fois trop importante par rapport à la demande… » Et depuis plusieurs trimestres, les prix du logement collectif neuf au détail (hors vente en bloc) se sont stabilisés à un niveau élevé, de l'ordre de 5 000 euros le m², en moyenne. « Contrairement aux prix dans l’ancien qui s’ajustent à l’offre et à la demande, les prix du neuf ne bougent pas parce que ce sont des prix techniques, contraints par les normes, la fiscalité et la rareté des autorisations de construire. »
Des perspectives très incertaines
En termes de perspectives, la baisse de l’inflation (+1,2% sur un an, en octobre), des taux de la Banque centrale européenne et des taux d’intérêt des prêts immobiliers pour les ménages pourraient contribuer à redynamiser la demande de logements. Mais « l’absence de nouveaux plans de rachat de logements par les bailleurs institutionnels » et la fin du dispositif d’investissement locatif Pinel au 31 décembre prochain risquent de limiter la reprise sur le marché des logements neufs. Mis en place en 2014 pour une période de dix ans pour encourager la construction et la rénovation de logements locatifs, le dispositif fiscal Pinel est jugé trop coûteux pour les finances publiques.