Logement/ Ecologie

MaPrimeRenov version 2024 : vaste et inopérante ?

Pour 2024, le gouvernement a modifié et considérablement augmenté l'enveloppe budgétaire consacrée à MaPrimeRenov, destinée à booster les travaux de rénovation énergétique dans les logements. Mais ce dispositif d'aide est « inopérant» met en garde la Capeb qui regroupe les artisans du bâtiment.

(© Anne DAUBREE)
(© Anne DAUBREE)

Avec 5 milliards d'euros, le financement est massif. Pour autant, l'annonce de la version 2024 de MaPrimeRenov, dispositif destiné à accompagner les particuliers dans les travaux d'amélioration de la performance énergétique de leurs logements, ne constitue pas une bonne nouvelle. Ni pour la planète, ni pour les consommateurs, ni pour les artisans. En effet, il est « inopérant ». Telle est la mise en garde de la Capeb, qui réunit les artisans du bâtiment, par les mots de Jean-Christophe Repon, son président, lors d'une conférence de presse le 15 décembre 2023, à Paris.

A l'origine de cette nouvelle version de MaPrimeRenov, le gouvernement a souhaité accélérer la rénovation énergétique des logements qui représentent 16 % des émissions directes de gaz à effet de serre en France (2019), afin atteindre ses objectifs climatiques d'ici 2030. Pour ce, il a profondément remanié ce dispositif d'aide aux particuliers créé en 2020 et dont la distribution a été confiée à ANAH, l’Agence nationale de l’Habitat. Le budget consacré au dispositif a considérablement augmenté : +1,6 milliard d'euros, pour atteindre 5 milliards d'euros cette année. Et aussi, ses ambitions ont été très largement réorientées vers les rénovations d'ampleur. Celles-ci combinent nécessairement au moins deux types de travaux différents (dont l'isolation). Elles doivent aussi engendrer un saut de la note énergétique du logement (DPE) de deux niveaux minimum. Désireux d'éliminer le plus possible de « passoires thermiques » ( logements classés en F ou G), le gouvernement s'est fixé un objectif de 200 000 rénovations de ce type, en 2024. Pour ce, le taux de financement de ces démarches a été revu à la hausse, en particulier pour les ménages les plus modestes. A contrario, les « mono-gestes », les petits travaux, comme le remplacement de ses fenêtres, moins efficaces en terme de performance énergétique que les projets globaux, ne sont plus éligibles au dispositif d'aide. Seule exception, le changement de solution de chauffage pour un système décarboné (pompe à chaleur/ pompe géothermique). Autre évolution majeure de MaPrimeRenov, les travaux seront nécessairement accomplis dans le cadre d'un parcours, avec l'aide d' un « Accompagnateur Rénov’ » agréé par l’ANAH. Les données de l'établissement public montrent l'ampleur du changement d'orientation du gouvernement : en 2022, l'ANAH a enregistré 66 000 rénovations d'ampleur seulement, après 60 000 en 2021. L'essentiel des aides était concentré sur des réalisations plus simples.

Blocages de l'offre et de la demande

Pour Jean-Christophe Repon, le nouveau dispositif est « inopérant », à plusieurs titres, à commencer par celui de la possibilité effective de réaliser ces travaux. « Il est positif de disposer d'un peu plus de budget et de donner un signal fort aux ménages. Mais nous faisons le constat que nous avons de moins en moins d'entreprises qualifiées RGE (Reconnu garant de l'environnement). Comment le gouvernement peut-il penser réussir la massification de la rénovation de la performance énergétique ? », pointe -t-il. Le président de la Capeb rappelle que le tissu économique du bâtiment est composé pour l'essentiel de 600 000 petites entreprises artisanales. Or, un nombre très limité d'entre elles disposent de la fameuse qualification RGE, nécessaire dans le cadre de MaPrimeRenov. Pire, elles sont de moins en moins nombreuses, découragées par la complexité et le caractère chronophage de la démarche. Et les ménages désireux de réaliser des travaux peinent déjà à trouver les artisans nécessaires. Pour résoudre le blocage et permettre une montée en puissance des chantiers de rénovation, la Capeb propose notamment de donner à des entreprises dépourvues de qualification RGE la possibilité d'accéder à ces chantiers. Avec, en contrepartie, la mise en place des certificats de conformité « Rénovation énergétique ». Ces derniers passeraient par la réalisation d'un contrôle en fin de chantier qui attesterait du respect des normes. Cette pratique serait « complémentaire au RGE », précise Jean-Christophe Repon.

Par ailleurs, la Capeb prévoit aussi des blocages du côté de la demande.Tout d'abord, la part de financement public a beau avoir été accrue, l'ampleur des travaux globaux est telle que le reste à charge demeure « trop coûteux » pour les ménages, prévient Jean-Christophe Repon. La Capeb préconise donc d'envisager des « parcours travaux » jusqu'à cinq ans, avec un dispositif d'aides bonifiées au fur et à mesure de la réalisation effective des différentes étapes. Et aussi, la mise en place d'un prêt vert garanti par l'Etat.

Par ailleurs, le syndicat professionnel des artisans doute fortement de la pertinence de l'orientation de MaPrimRenov vers ces rénovations d'ampleur. « Il ne faut pas disqualifier le mono-geste », plaide Jean-Christophe Repon, Pour lui, il s'agit d'une clé d'entrée possible vers une démarche plus globale. Autres préconisations : ne pas imposer la mise en place d'un mode de chauffage décarboné lorsque le logement dispose d'une chaudière de moins de 10 ans dont la performance énergétique est satisfaisante, Et aussi, conserver « une diversité des modes de chauffage, pour répondre à l'ensemble des situations et des problématiques ». La Capeb n'est pas la seule organisation à demander une « révision immédiate » de MaPrimRenov et à porter ces propositions. Le courrier adressé le 20 décembre 2023 en ce sens, à Élisabeth Borne, alors Première ministre, comporte 36 signataires, dont France Gaz, GRDF, Kiloutou ou encore la Fédération nationale de la

Les artisans du bâtiment proches de la récession ?

« Si l'on suit cette tendance, en 2024, ce sera la récession », selon Jean-Christophe Repon. D'après la Capeb, à la fin de l'année dernière, le niveau des dépôts de bilan des artisans du bâtiment ne sortait pas de l'ordinaire. Mais des trésoreries plus tendues et des carnets de commandes moins remplis qu'auparavant laissent présager une évolution préoccupante.