Matignon a présenté un plan logement totalement décrié
La Première ministre, Élisabeth Borne a présenté les mesures retenues par le gouvernement, à l’issue du CNR sur le sujet du logement. Le mécontentement est général.
« Nous les avons entendues ». Le 5 juin, à Paris, Élisabeth Borne a présenté les mesures décidées par le gouvernement sur le sujet du logement sur la base des propositions du CNR, Conseil national de la refondation. Deux types de mesures ont été retenues, a expliqué la Première ministre : celles structurelles et celles destinées à répondre à l’urgence de la crise conjoncturelle.
Ainsi, en réponse aux difficultés actuelles d’accès au logement des Français, plusieurs dispositions sont prévues. Certaines d’entre elles concernent le financement de l’accès à la propriété. Pour répondre aux problèmes croissants liés à l’inflation et la hausse des taux d’intérêts, le rythme mensuel de révision du taux d’usure, ce taux maximum auquel les banques ont le droit de prêter, qui devait s’arrêter en juillet, sera maintenu jusqu’à la fin de l’année. Et un assouplissement des conditions d'octroi des crédits pour les primo-accédants et en cas d'investissement locatif devrait être confirmé par le Haut conseil à la stabilité financière (HCSF). Quant au prêt à taux zéro PTZ, destiné aux primo-accédants pour leur résidence principale (sous conditions de ressources), il sera prolongé jusqu’en 2027 au lieu de s’éteindre fin 2023. Toutefois, son champ d’application se restreint. Et le dispositif Pinel, qui prévoit une réduction d’impôt sur le prix de l’achat d’un logement en location à prix modéré, ne sera pas prolongé.
Au delà de la question de la propriété, pour rendre le prix et l’accès à un logement plus accessibles pour les Français, le gouvernement a proposé plusieurs mesures : il compte étendre le dispositif du bail réel solidaire, BRS. Ce dernier permet de devenir propriétaire de son logement, mais non du foncier, ce qui permet de proposer des prix d’achat plus faible. Et deux fois plus de propriétaires devraient bénéficier de la garantie publique Visale contre les loyers impayés, via Action logement, pour atteindre les deux millions. Quant aux plus fragiles, les personnes sans domicile, 160 millions d’euros sont prévus pour le plan Logement d'abord. Lequel doit permettre de passer de solutions d'hébergement d'urgence à des solutions de logement pérennes (pensions de famille, HLM…), via des systèmes d'intermédiation locative.
Réhabiliter les friches industrielles
Face à la crise de l’offre de logements et à la nécessité d’en construire davantage à des prix accessibles, Matignon a promis plusieurs mesures. Tout d’abord, il prévoit de libérer davantage de foncier public à des prix modérés. Et les moyens mis à disposition pour réhabiliter les friches industrielles ou commerciales situées en zones urbaines devraient être accrus. Par ailleurs, Action logement et la Caisse des Dépôts sont mobilisés pour acheter des logements sociaux et intermédiaires aux promoteurs.
En revanche, pas question de prendre des dispositions contraignantes. « La question du logement doit se traiter territoire par territoire, par le dialogue », a déclaré Élisabeth Borne. D’après elle, ce dialogue entre préfets et maires devrait permettre d’identifier et de lever les blocages, par exemple sur les permis de construire. L’État pourrait intervenir en dernière extrémité. Une mesure est destinée à stimuler la construction en zones tendues : l’inclusion d’une centaine de communes nouvelles dans cette catégorie, avant une révision plus structurelle du dispositif. Par ailleurs, Élisabeth Borne en a appelé à un «pacte de confiance » avec les bailleurs sociaux, qui devrait être signé d’ici la fin de l’été. Elle a promis des prêts à plus long terme et des taux plus bas ainsi qu’un gel de leur cotisations au Fonds national d’aide à la pierre pour 2023 et 2024.
Et enfin, parmi les « changements structurels », promis par la Première ministre, figurent plusieurs mesures destinées à répondre au défi environnemental, comme une adaptation du Code de l’urbanisme qui permettra de faciliter la conversion de bureaux en logements. Le budget alloué à Ma Prim Renov, augmente, recentré sur les rénovations performantes. Objectif : 200 000 en 2024.
« Il faut agir vite et fort »
Élisabeth Borne a eu beau déclarer : « il n’y a pas de déni » sur la gravité de la situation et « il faut agir vite et fort », c’est peu dire que l’ensemble de ses propositions ont fait l’unanimité contre elles, qu’il s’agisse des professionnels du secteur ou des collectivités. Ainsi, dans un communiqué du 7 juin, six associations d’élus, dont l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des petites villes de France (APVF), France Urbaine, et Intercommunalités de France, prenant le relais de l’Association des maires de France (AMF), regrettent ,« l'absence de propositions fortes et attendues pour résoudre la crise du logement » et s’inquiètent d’une forme « d’aveuglement du gouvernement ». En particulier, ces élus se désolent de l’absence de mesures qui leur permettraient de jouer un rôle actif. Par exemple, sur le sujet des crédits Ma Prime Rénov ou de l’encadrement des loyers et de la régulation des meublés touristiques.
Dans le même sens, ils déplorent l’absence de mesures qui renforcent le droit à l'expérimentation d'outils fonciers, pour réussir la mise en œuvre de l'objectif Zéro artificialisation nette (Zan) ou pour lutter efficacement contre la vacance des logements. Les élus locaux continuent de demander une aide aux « maires bâtisseurs », rejoignant en cela les promoteurs immobiliers (cf entretien Pascal Boulanger). Du côté des professionnels de l’immobilier, de la construction et du logement, la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), la FFB (Fédération française du bâtiment), le Pôle Habitat FFB, la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), PROCIVIS, UNIS et UNSFA ont exprimé leur « colère » dans un communiqué, le 5 juin, face à des mesures jugées « non chiffrées ou pas à la hauteur des enjeux ». « Le gouvernement a-t-il conscience que la situation deviendra hors de contrôle et que toute la chaîne du logement continuera à se bloquer ? » interrogent les professionnels. Quant à Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre et co animateur du CNR sur le logement, il avouait un sentiment de « gueule de bois », au lendemain de l’annonce des mesures de la Première ministre ( AFP).
Quelques chiffres de la crise
Dans l’ancien, les ventes ont diminué de 16 % en février 2023, par rapport à la même période de l’année précédente. Et déjà, en 2022, avec 1 109 000 logements anciens vendus (à peine plus qu’en 2019), l’activité a décru de 5,4% par rapport à 2021, d’après BPCE L’Observatoire. Au premier trimestre 2023, les mises en vente de logements neufs ont baissé de 24,8%, par rapport au T1 2022, plus bas taux constaté depuis 2010 par la FPI. Les ventes, elles, ont chuté de 34,3%, déjà très basses.