Economie

Michel Barnier : « Je vous demande de faire beaucoup avec peu, en partant de presque rien »

Dans son discours de politique générale, prononcé devant l’Assemblée nationale le 1er octobre, le Premier ministre a martelé la nécessité d’assainir de manière draconienne les finances publiques, tout en évoquant plusieurs grands chantiers…

© Adobe Stock.
© Adobe Stock.

C’est dans un chaudron chauffé à blanc que le Premier ministre, Michel Barnier, a présenté mardi 1er octobre la feuille de route de son gouvernement. Dans un discours-fleuve, mais sobre, de près d’une heure et demie, il a tenté de se poser en conciliateur en donnant des gages suffisants pour éviter d’être renversé — trop vite — par une motion de censure déjà déposée par Le Nouveau Front Populaire (NFP). Mais pour l’heure, Marine Le Pen a fait savoir que le Rassemblement national (RN) ne censurerait pas le nouveau gouvernement, privilégiant une « force de construction », qui place de facto le gouvernement sous l’épée de Damoclès du RN. Mais Michel Barnier se voit plutôt sous « la véritable épée de Damoclès » de l’état dégradé des finances publiques, nécessitant selon lui de jouer à la fois sur le levier des dépenses publiques et sur celui des prélèvements, afin de ramener le déficit public à 5 % en 2025 et en deçà de 3 % en 2029.

Austérité au programme

Profitant de l’impact créé dans l’opinion publique par les chiffres du déficit, 5,5 % en 2023 et potentiellement plus de 6 % en 2024, Michel Barnier cherche ainsi à pousser son avantage pour résoudre dans l’urgence une équation budgétaire à 60 milliards d’euros pour la seule année 2024. Du jamais-vu en France, mais bien loin des tristes records de consolidation budgétaire en Grèce et en Espagne ! La potion amère infligée à l’économie française sera constituée de deux tiers de coupes dans les dépenses publiques et d’un tiers d’augmentation des prélèvements. Mais, dans cet exercice de cuisine budgétaire à haut risque, le chef s’est bien gardé pour l’instant d’annoncer les ingrédients précis du breuvage…

Sur le versant des dépenses, tout au plus a-t-il annoncé le besoin « d’une plus grande efficacité de la dépense publique », qui réclame, par exemple, de revoir les aides à l’apprentissage, afin d’éviter « les effets d’aubaine ». Comme à chaque discours sur les finances publiques, il a été question d’une simplification des normes, d’une lutte accrue contre la fraude fiscale et sociale, et d’une mutualisation « des agences, des opérateurs et des fonds qui partagent des objectifs communs, comme Business France et Atout France ». Il n’est cependant pas certain que ces mesures soient à la hauteur des enjeux financiers.

Sur le versant des recettes, Michel Barnier savait qu’il marchait sur des œufs dans la mesure où son propre parti politique (LR) et les macronistes sont pour l’essentiel résolument hostiles à toute augmentation des impôts. Il a donc commencé par concéder que « nos impôts sont parmi les plus élevés du monde » et que « trop souvent, nos concitoyens ont l’impression […] de ne pas en avoir pour leurs impôts ». Mais cela ne l’a pas empêché d’annoncer, ensuite, une mise à contribution « limitée dans le temps » (sic !) des grandes entreprises et des plus riches, ainsi que la mise en œuvre de mesures pour « éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables ». Difficile, quoi qu’il en soit, d’évoquer sereinement des hausses d’impôt dans un pays où le taux des prélèvements obligatoires représente 43,2 % du PIB en 2023, alors qu’il faudrait avant tout, comme pour les dépenses publiques, s’interroger sur leur nature, leur utilité et leur efficacité. Mais ce genre de questionnement, pourtant indispensable, prend hélas plus de temps que n’en permet l’urgence politico-médiatique…

Poursuite de la politique de l’offre

Faut-il alors comprendre que le nouveau gouvernement tournera définitivement le dos à la politique de l’offre suivie depuis sept ans, qui se caractérisait par un soutien à l’offre (réduction des prélèvements sur les entreprises, des freins fiscaux et réglementaires, aides à la production…), afin de stimuler la croissance économique ? Rien n’est moins sûr, en premier lieu car il n’est pas certain, diront les mauvaises langues, que Michel Barnier soit installé pour très longtemps à Matignon, entre rumeurs de censure et de dissolution à venir en 2025. Mais, surtout, le Premier ministre n’a pas tari d’éloges sur la politique menée par Emmanuel Macron en matière d’attractivité, de compétitivité, de soutien aux entreprises, de réforme du marché du travail et du RSA, Revenu de solidarité active,etc. Circonspects, les syndicats patronaux (Medef, CPME, U2P) sont, pour l’heure, dans la retenue, saluant certes la volonté de dialogue de Michel Barnier, mais s’inquiétant néanmoins de la nature des efforts demandés aux entreprises.

Paradoxalement, le Premier ministre cherche à inscrire l’action de son gouvernement dans le temps long en évoquant plusieurs chantiers qui pèseront assurément sur les comptes publics : aide à l’accession à la propriété, sanctuarisation de la loi de programmation militaire, soutien aux agriculteurs face aux crises, construction de prisons, aménagements de la réforme des retraites, etc.

Dans un numéro d’équilibriste, Michel Barnier a donc servi un discours de politique générale plein de bonnes intentions, mais peu étayé de mesures concrètes...