Nouvelles attentes des salariés, inflation : la facture des postes de travail grimpe
Les « Buzzy Ratios 2023 »* ou indicateurs de référence de l'environnement de travail, ont été publiés par l’Idet (ex-Arseg). L’Association des directeurs de l’environnement de travail constate qu’au regard de l’inflation et des services dispensés pour les salariés, tous les postes de coûts (bâtiment, équipements, exploitation, services aux collaborateurs) ont augmenté, malgré les efforts déployés par les entreprises.
9,4%. C’est la hausse du coût d’un poste de travail en 2022 par rapport à 2021. Celui-ci prend en compte les coûts complets des environnements de travail (immobilier, moyens et équipements, services aux collaborateurs, etc.). En cause ? La hausse des loyers, des taxes, des charges, des coûts de matières premières et de l’énergie. Ainsi, le premier poste de dépenses reste le coût du bâtiment qui reprend sa tendance haussière avec une augmentation presque constante du prix de l’immobilier tertiaire, dépassant les niveaux d’avant pandémie pour certains marchés franciliens (QCA, croissant ouest, sud de Paris et quelques zones de la Défense) qui se montrent résilients. En région, des villes comme Lyon, Rennes, Montpellier, et Toulouse deviennent plus attractives. « Cela amène à une augmentation des coûts de manière globale », note Thierry Allio, responsable France des services généraux, de la sécurité et de la sûreté du Groupe Prévoir (assurances) et membre du Comex de l’Idet.
Plans de sobriété
Le coût d’un poste de travail s’établit ainsi à 13 658 euros (vs 12 481 euros, en 2021), mais reste inférieur au niveau d’avant-pandémie. « Cela prouve que les entreprises ont fait preuve d'une forte capacité d'adaptation ». « Le secteur immobilier et les bureaux représentant plus de 40% des émissions de gaz à effet de serre, les directeurs de l’Environnement de travail (DET) doivent être de plus en plus en plus ‘verts’ et responsables. Les entreprises doivent se montrer résilientes et durables. Il faut être créatif et inventif pour donner dans le même temps envie aux collaborateurs de revenir sur site », expose Séverine Pilverdier, présidente de l’IDET et directrice de l’Environnement de travail chez BNP Paribas Real Estate.
Le coût des environnements de travail par mètre carré s’élève à 732 euros (+ 7 %, depuis 2021) et le coût par collaborateur à 12 726 euros (+ 9 %). Pour minimiser la hausse des dépenses du poste bâtiment (le prix au m² a augmenté de 2% entre 2021 et 2022), les DET optimisent ainsi les surfaces des bureaux depuis plusieurs années pour intégrer plus d’espaces collaboratifs. « S’il y a dix ans on comptait des bureaux et 10% d’espaces collaboratifs, ces derniers dépassent les 50% aujourd’hui et vont parfois jusqu’à 80%, transformant les rangées de bureaux en espaces pour échanger », constate Thierry Allio. Si le poste de travail a perdu environ 3 m², il a gagné en espaces collaboratifs et en services, d’où la hausse des coûts observée par poste de travail, par collaborateur et par surface. « On veut offrir le meilleur endroit pour chaque tâche avec des espaces dédiés pour chaque usage », explique Séverine Pilverdier qui constate une « vraie révolution des nouvelles façons de travailler » dans les entreprises.
Seul poste qui n’augmente que très modérément, celui des moyens et des équipements. Leurs coûts restent ainsi inférieurs au niveau d’avant-pandémie, notamment grâce à la forte réduction des voyages d’affaires qui ont été remplacés par des réunions à distance. Autre ligne de dépenses, l’exploitation (propreté, maintenance des locaux, sécurité, énergie) qui croît de 100 euros par m². Les coûts dépassent ainsi les niveaux d’avant-Covid, notamment en raison des revalorisations salariales dans les branches propreté et sécurité et de l’envolée du prix de l’énergie (+67% pour le gaz et +23% pour l’électricité, par rapport à 2021). En moyenne, l’énergie représentait ainsi en 2022, 26% des dépenses dédiées à l’exploitation et devient le premier poste de coûts, avec une augmentation de quatre points vs 2021. Néanmoins, Thierry Allio prévient que « le total de l’impact des coûts de l’énergie arrivera en 2024, lorsque tous les contrats auront été renégociés ». Pourtant, le responsable reconnaît que les entreprises ont été incitées à mettre en place des plans de sobriété : « Le coût de l’énergie a été un gros moteur pour faire des travaux ». Si les plans ont « déjà apporté des bénéfices, ils ne sont pas à la hauteur de l’augmentation des coûts de l’énergie. Cela prendra du temps avant d’en voir les bénéfices », insiste-t-il.
Services premium
Les coûts des services aux collaborateurs, s’ils restent en deçà du niveau d'avant-Covid ont augmenté, notamment en raison de la hausse des coûts de la restauration d’entreprise « qui devient un argument fort pour faire revenir les gens avec des services premium », note Thierry Allio. Ainsi, si le volume a baissé, le coût par convive a quant à lui augmenté. L’entreprise développe également de nouvelles alternatives comme les frigos connectés ou la livraison de repas, ce qui contribue également à accroître les coûts.
Autre service en fort développement, l’accueil-standard-réception avec une amélioration des services et du niveau des prestations (hospitality management). Ainsi, le poste accueil n’est plus seulement à destination des clients, mais accompagne les salariés dans leur journée, en cherchant à leur rendre un maximum de services, via de la conciergerie notamment. « On pousse l’accueil vers les salariés, vers plus de services », explique Thierry Allio. Notant que près de trois quarts des salariés continuent de télétravailler entre deux et trois jours par semaine au sein de leurs entreprises et que le taux d’occupation des sites stagne à 60% depuis la fin de la pandémie, l’Idet rappelle que la présence au bureau est indispensable à la fois pour la cohésion d’équipe, le partage et la santé mentale des salariés. Les entreprises doivent ainsi proposer à leurs collaborateurs une autre expérience sur site. Le rôle des DET ? « Trouver une nouvelle expérience utilisateur », explique Séverine Pilverdier. Pour elle, les entreprises sont dans une « opération séduction » et considèrent les collaborateurs comme des clients. « Les attentes des collaborateurs ont évolué. Ils ne se contentent plus d’un poste de travail. Il faut les accompagner avec des services. Tout cela a un coût », conclut Thierry Allio.
Charlotte DE SAINTIGNON
*Edition 2023, réalisée en ligne auprès des entreprises adhérentes de l’IDET. Le recueil a été réalisé d’avril à octobre 2023, auprès d’un panel représentant près de 100 000 postes de travail, 2 millions de m² et 124 000 collaborateurs (dont 51% hors Ile-de-France).