Entreprises
Quand Michel Barnier rassure les entrepreneurs
Soutien à l'apprentissage moins rogné, allègements de charges sur les bas salaires préservés... Alors que la discussion sur le projet de loi de Finances 2025 bat son plein dans et hors du Sénat, cette fin novembre, et avant d’engager la responsabilité de son gouvernement, Michel Barnier a annoncé plusieurs mesures de réduction des efforts demandés aux entrepreneurs, sur le salon Impact PME, organisé par la CPME.
Concessions. Ce 28 novembre, à Paris, lors du salon Impact PME, rencontre annuelle organisée par la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises, à la Station F, Michel Barnier, Premier ministre est venu faire plusieurs annonces concernant le projet de loi de Finances (PLF) 2025, alors en discussion au Sénat. François Asselin, président de la CPME, a accueilli le locataire de Matignon en lui rappelant l'inquiétude des chefs d'entreprise et la dégradation de la situation économique : « des investissements et des embauches gelées », et aussi « près de 250 000 emplois déjà menacés, sans compter ce qui se passe à bas bruit ». Michel Barnier est arrivé avec de bonnes nouvelles. « J'ai entendu ce qui m'a été dit », a-t-il déclaré devant un auditoire nourri, avant d'annoncer la réduction de plusieurs des efforts demandés aux entreprises. L'un d'eux reste inchangé : la « contribution exceptionnelle (demandée) aux plus grandes entreprises, limitée dans le temps ».
En revanche, le Premier ministre s'est déclaré prêt à « ajuster » la baisse du soutien de l’État à l'apprentissage en ce qui concerne les PME, une mesure très redoutée. Dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait 1,2 milliard d'euros d'économies, selon des modalités à définir. « Beaucoup de PME ont des craintes (…). Les deux tiers des apprentis sont dans des entreprises de moins de 50 salariés. Leur contribution a été reconnue et fortement soutenue. (…) Nous devons faire en sorte de ne pas casser le formidable essor de l'apprentissage », a précisé Michel Barnier.
Autre mesure phare évoquée, l'effort demandé aux entreprises via la suppression d'allègements de charges sociales, initialement fixé à 4 milliards d'euros, s'élèverait finalement à 1,6 milliard d'euros. « C'est l'accord qui a été passé avec les parlementaires et avec le Sénat (…) J'ai entendu la demande de préserver le prix du travail, chez les entreprises qui comptent de nombreux salariés au niveau du SMIC » a indiqué Michel Barnier. Concrètement, les allègements de charges des entreprises ne seraient pas réduits jusqu'au seuil de 2,25 SMIC dans le budget 2025 de la Sécurité sociale.
D'autres mesures, d'ordre fiscal, ont été avancées. Remis en cause dans la première mouture du PLF, le crédit impôt innovation et le dispositif Jeune entreprise innovante seraient finalement perpétrés (mais avec des ajustements). Le pacte Dutreuil qui concerne la cession d'entreprises familiales aussi serait maintenu tel quel. Et enfin, « j' ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l'électricité dans le projet de loi de Finances 2025 (…), cela permettra une baisse des prix de l'électricité de 14%, qui ira donc bien au-delà de la baisse de 9% prévue initialement, a confirmé Michel Barnier. Pour les entreprises, cela représente plusieurs centaines de millions ».
Simplification versus crise de la dette
Lors de son allocution, le Premier ministre s'est aussi projeté sur le plus long terme en évoquant d'autres chantiers cruciaux pour le monde économique. Au chapitre de la gouvernance, il a cité la santé au travail, les enjeux de prévention et les transitions professionnelles comme autant de sujets dont devront s'emparer les partenaires sociaux dans le cadre de leur dialogue, dans les mois qui viennent. Depuis deux mois, « nous voyons que le dialogue social produit des résultats », a estimé Michel Barnier, évoquant les accords trouvés sur l'assurance chômage et l'emploi des seniors.
Il a également indiqué être engagé dans un « agenda de la simplification ». Ce dernier comporte plusieurs volets prolongeant pour la plupart des démarches existantes. C'est le cas du vaste chantier de simplification des formulaires Cerfa, qui a pour terme officiel 2030. Et aussi du projet de loi sur la simplification, déjà adopté au Sénat et qui sera examiné par l'Assemblée Nationale au début de l'année. « Des amendements sont possibles », a glissé Michel Barnier. Le texte prévoit la mise en place d'un « test PME » destiné à évaluer les impacts d'un projet de loi sur les PME avant son adoption, et Bercy avait déjà engagé une expérimentation concernant la transposition de la CSRD, directive européenne sur les reportings extra-financiers. Michel Barnier a annoncé le déploiement d'une nouvelle expérimentation qui concernera la facturation électronique. Suivant cette même logique, et comme il l'avait fait devant les représentants des maires, lors du Congrès des Maires, en novembre, le Premier ministre a promis de faire la chasse aux éventuelles sur-transpositions des directives européennes. Avec une première annonce : la suppression des poursuites pénales pour le chef d'entreprise, en cas de fraude ou dissimulation délibérée d'informations, prévues par la transposition de la CSRD. « Nous allons appuyer sur pause », a déclaré Michel Barnier, applaudi.
Autant de promesses qui vont dans le sens des demandes des entrepreneurs. « Le budget est perfectible, mais nous espérons qu'il sera voté, afin de passer dans une autre période (…). Le contexte politique est très angoissant pour les chefs d'entreprise », a conclu François Asselin, à l’issue de l’évènement. A ses yeux cette « autre période » devrait permettre une « transformation de l'action publique » avec en ligne de mire les sujets de financement des régimes sociaux et de l'organisation de la fonction publique. Comme un échos aux propos que le président de la CPME avait tenus quelques heures plus tôt, en accueillant le Premier ministre. Il avait évoqué la « situation dramatique des comptes publics » et mis en garde contre une « crise de la dette qui aurait des conséquences désastreuses ».