Crise
Quels outils, pour sauver les PME de la faillite ?
Dettes qui s'accumulent, activité qui ne reprend pas... A mesure que la pandémie s'éternise, l'inquiétude grandit sur la capacité des petites entreprises à survivre à la crise. Le sénat organisait récemment une table ronde sur les solutions à mettre en place.
«Difficultés des TPE et PME dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ?» Tel était l'enjeu, crucial, de la table ronde organisée par la délégation aux Entreprises du Sénat, le 21 janvier dernier, en visio-conférence, et avec de nombreux intervenants. Alors que les perspectives de croissance s'affaiblissent dans la pandémie qui s'installe, les inquiétudes se multiplient quant aux défaillances à venir des petites entreprises. « On parle beaucoup de relance, mais c'est aussi de survie qu'il s'agit », résume Serge Babary (LR, Indre-et-Loire), président de la délégation. L'ensemble des intervenants au débat s'accorde sur un constat : la crise impacte très inégalement les entreprises, les plus petites en souffrant le plus. Avec, souci majeur, l'épée de Damoclès que constitue l'échéance du remboursement des dettes qui s'accumulent, PGE (Prêt garanti par l’Etat), ou cotisations sociales ou fiscales reportés...D'après Patrick Martin, président délégué du Medef, le risque de non remboursement des PGE, estimé par Bpifrance, la banque publique d'investissement, de l'ordre de 5 à 7%, est « très concentré sur les PME et les TPE ». Un récent sondage réalisé par la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises, auprès de ses adhérents va dans ce sens : « plus de la moitié d'entre eux estiment ne pas être en mesure de rembourser ce prêt », dévoile Stéphanie Pauzat, vice-présidente déléguée de la CPME . De plus, 63% de ces entrepreneurs sont inquiets pour la pérennité de leurs entreprises, contre 47% en septembre 2020.
Un tableau sombre confirmé par Joël Fourny, président de CMA France (Chambres de métiers et de l'artisanat), qui évoque des « entreprises en très grande détresse ». A l'U2P, Union des entreprises de proximité, 3% des adhérents interrogés déclarent qu'il vont devoir fermer dans les mois qui viennent. « Cela représente 90 000 entreprises, pour 270 000 salariés », pointe le représentant de l'U2P. Au quatrième trimestre, 70% des ces entreprises de proximité ont connu une baisse d'activité, et dans près d'un tiers des cas, celle-ci a concerné au moins le quart du chiffre d'affaires. 41% ont eu recours au fonds de solidarité, et 17% au PGE.
Face à la catastrophe qu'annoncent ces chiffres, les propositions d'action sont multiples. Parmi celles-ci, la CPME propose la transformation du PGE en fonds propres. Par ailleurs, un « prêt consolidation » devrait permettre aux entreprises de regrouper leurs échéances bancaires ou liées aux aides publiques (reports de charges…), avec un remboursement à moyen terme. Autre outil, que propose Stéphanie Pauzat, « pour éviter les faillites en cascade, il faudrait modifier l'ordre des créanciers », en plaçant les entreprises au premier rang, devant l' État. L'U2P, elle, demande une annulation des cotisations sociales et un maintien du fonds de solidarité. « Il faudrait que les dispositifs d'aide actuels soient appréciés sur une durée plus longue. Et s'ils devaient être revus, il ne faudrait pas supprimer les aides de façon brutale (…).Cela aurait un effet dramatique », met en garde Joël Fourny. Le choc pourrait provoquer un grand nombre de faillites.
L'indispensable et difficile prévention
Pour l'instant, le nombre d'ouvertures de procédures collectives ne dit rien de la gravité de la crise et des risques de défaillances des PME et TPE : en 2020, elles ont diminué de 40% par rapport à l'année précédente, passant de 52 000 à 30 000, d'après le CNAJMJ , Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. La raison de cette baisse ? Les aides de l’Etat, et aussi la baisse du nombre d'assignations d'organismes comme l’Urssaf, qui ont accordé des moratoires, d'après Christophe Basse, président du CNAJMJ.
Pour éviter les défaillances qui menacent, l'ensemble des intervenants s'accorde à préconiser le recours aux démarches préventives. « Nous devrions avoir une hausse des procédures de prévention. Si elles étaient rentrées dans les mœurs, c'est maintenant que les acteurs économiques devraient venir devant les tribunaux pour essayer de bâtir un plan pour restructurer leur sujet avec l'aide d'un mandataire, tant qu'ils ne sont pas encore dans une situation catastrophique » plaide Georges Richelme, président de la Conférence générale des juges consulaires de France. Un vœux pieux... Les entreprises qui adoptent ces procédures comptent, en moyenne, une vingtaine de salariés, rappelle-t-il. Les petites entreprises « ont plutôt tendance à ne pas communiquer sur leurs difficultés », et à n'agir que lorsqu'il est trop tard, confirme Joël Fourny .
Sur ce constat partagé, les intervenants expliquent se mobiliser pour s'efforcer d'informer et accompagner les petites entreprises. Par exemple, les présidents de tribunaux de commerce « diffusent l'information » et mobilisent des « cellules de prévention », relate Georges Richelme. En octobre 2020, les CCI ont signé un protocole avec Bercy, s'engageant à sensibiliser 50 000 entreprises ( en particulier, dans les secteurs S1 et S1bis, hôtellerie, restauration, club de sports...), sur les possibilités qui existent en cas de difficulté. La CPME, elle, invite à accroître le recours aux GPA, ces groupements de prévention agréés, associations de bénévoles, anciens professionnels, qui aident les dirigeants d'entreprises en difficulté à établir un diagnostic et les conseillent sur la marche à suivre. « Il faut les déployer sur tout le territoire. Les entrepreneurs ont une crainte de tribunaux, des procédures », plaide Stéphanie Pauzat.
Pour l'essentiel, c'est bien sur l'information et l'accompagnement qu'il convient d'agir, d'après ces professionnels. En effet, sur le plan des outils juridiques, en matière de procédures collectives « nous disposons d'une boîte à outil très performante », estime Christophe Basse. De plus, en la matière, les ordonnances prises dans l'urgence s'avèrent « particulièrement performantes », ajoute-t-il. C'est notamment le cas de l'ordonnance du 20 mai 2020, et en particulier, de ses article 2 et 5. Ce dernier permet de prolonger la durée des plans de sauvegarde. « Nous avons beaucoup de demandes », explique Christophe Basse. L'outil doit être utilisé à bon escient : les créanciers de l'entreprise protégée peuvent être, eux aussi, mis en difficulté par un non remboursement... Quant aux « visio-audiences » mises en place durant le Covid, elles ont fait, elles aussi la preuve de leur efficacité, d'après Christophe Basse. Pour lui, comme pour Georges Richelme, l'ensemble de ces outils juridiques nés dans la crise mériteraient d'être pérennisés.