RSE : Un « parcours » pour les achats responsables
La Médiation des entreprises veut encourager les entreprises, PME comprises, à s'engager dans l'achat responsable. Un « parcours » a été mis en place, pour les aider à s'approprier progressivement ces pratiques nouvelles. A la clé, un comportement plus vertueux et une compétitivité accrue.
Mettre le pied à l'étrier. Le 13 octobre, à Paris, la Médiation des entreprises présentait un nouveau « parcours », en trois temps. Direction ? Les achats responsables. Pour encourager les agents économiques, publics et privés, à s'engager dans la démarche, ce « parcours » consiste en une démarche progressive, qui culmine avec l'obtention du label Relations fournisseurs et achats responsables (RFAR). Première étape du « parcours », un auto-diagnostic. « En réalisant le test, les entrepreneurs vont découvrir qu'ils font déjà des choses spontanément et ils vont mesurer le chemin à parcourir », explique Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises. Un outil de test sera accessible sur la plateforme officielle impact.gouv.fr, dédié à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), d'ici quelques semaines.
Deuxième étape, la signature de la charte RFR, relations fournisseurs responsables, qui comporte dix engagements. A ce jour, elle fédère environ 2 500 agents économiques qui se reconnaissent ainsi publiquement dans la démarche. Le document, qui date de 2010, a évolué. Sur la forme, les textes ont été reformulés, afin d'être adaptés à l'ensemble des acteurs économiques. « A l'origine, lorsque nous avons écrit la charte, nous visions les relations entre grands groupes et PME. Chemin faisant, nous nous sommes aperçus qu'il y avait aussi des PME, des ETI et des acteurs publics qui souhaitaient rejoindre la charte », explique Pierre Pelouzet. A présent, les textes sont ainsi plus détaillés et explicites.
Autre changement important, sur le fond, « nous sommes partis d'une charte relation fournisseurs pour arriver aux achats responsables », précise le Médiateur. Les engagements concernent donc aussi des thèmes écologiques, sociétaux... Résultat, la charte actualisée constitue une préparation à la dernière étape, l'obtention du label. Mis en place en 2013, il est délivré pour trois ans et s'adosse à la norme internationale ISO 20400. Aujourd'hui, 62 agents économiques sont labellisés, dont dix, depuis moins de six mois. L'obtenir, « c'est un vrai boulot » commente jean-Luc Baras, président du CNA, Conseil national des Achats, qui fédère 18 000 acheteurs. En effet, cela nécessite une « approche systémique » qui cumule un pilotage rigoureux, des suivis d'indicateurs, et la formation des acheteurs. « La labellisation est très exigeante, elle implique de revoir son organisation, ses processus, d'avoir une culture du résultat », confirme Dominique Legouge, directeur général du RESAH, Réseau des acheteurs hospitaliers, qui mutualise les achats de structures du secteur sanitaire à hauteur de 2 milliards d'euros par an.
Pourquoi y aller ?
En dépit du caractère exigent de la démarche, ce 13 octobre, Dominique Legouge a franchi le premier pas en signant la charte, avec neuf autres acteurs publics et privés. « Nous le faisons car nous sommes convaincus de notre rôle et de notre responsabilité dans l'écosystème économique dans lequel nous évoluons », explique-t-il. Déjà, le RESAH s'attache à prendre en compte l'impact territorial de ses achats. Avec une autre centrale d'achat, UniHA, Union des hôpitaux pour les achats, il a mis sur pied un consortium afin de déployer une politique commune qui vise à localiser la production d'équipements de protection individuels en Europe, et si possible en France. Au terme d'un marché public, une première commande ferme a été passée auprès d'une entreprise hexagonale. Montant : 100 millions d'euros sur quatre ans, pour des gants en nitrile. Pour les fabriquer, la société sélectionnée a créé une usine en Pays de la Loire. Et des achats de masques sont prévus, « dans le même état d'esprit », ajoute Dominique Legouge.
Parmi les signataires de la charte, ce 13 octobre, figure aussi Yasser Balawi, directeur Achat du groupe Sodiaal, coopérative qui réunit 17 000 producteurs et transformateurs de lait dans 72 départements. Depuis deux ans, déjà, Sodiaal a inscrit les achats responsables dans sa démarche RSE. Un choix qui rentre en résonance avec les valeurs de « solidarité, partage, proximité, et attachement à une agriculture de qualité » qui font l'ADN de la coopérative, explique Yasser Balawi. Mais au delà, la démarche se veut aussi une réponse au défi qui consiste à « maintenir un tissu industriel », au moment où l'inflation se fait sentir sur les transports, les matières premières...
En fait, l'enjeu sous-jacent est bien celui de la compétitivité, analyse Jean-Luc Baras : un écosystème qui se porte bien, au sein duquel les membres qui le constituent échangent, c'est la clé d'une « filière qui sera performante dans le marché européen et mondial », estime-t-il. Et dans ce cadre, les acheteurs ont un rôle nouveau à jouer. Le modèle des « cost killers » qui misent sur la concurrence internationale n'est plus d'actualité. « La fonction achats est appelée à jouer un rôle positif, tourné vers l'écosystème, qui est une clé de performance de nos entreprises», estime Jean-Luc Baras. Mais ces dernières ne risquent-elles pas pâtir de la concurrence internationale en se dotant de règles plus contraignantes que les autres ? L'un des défis du label réside dans la généralisation de la norme française au niveau international. La présidence française du Conseil de l'Union Européenne, qui démarre en janvier prochain, devrait être l'occasion de promouvoir la démarche.
Le secteur public achète-t-il responsable ?
Des collectivités locales ont déjà obtenu le label Relations fournisseurs et achats responsables : c'est le cas de la région Centre-Val de Loire et du Département des Hauts-de-Seine. D'autres ont entamé la démarche pour l'obtenir. Côté ministères, celui de la Défense a obtenu le label. Objectif : atteindre 80% des achats des ministères labellisés d'ici la fin de l'année.