Team for the Planet veut décarboner l'économie par l'économie

Entrepreneuriat et écologie sont-ils compatibles ? La réponse est oui selon Team for the Planet, un fonds d'investissement à but non lucratif. Lequel soutient des entreprises dont l'activité a un effet de décarbonation et promeut un « dividende climat » qui irait aussi dans ce sens.

(c) Adobe Stock
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Il s'agit d'une sorte d'Ovni, dans le monde de la finance. Le 13 novembre, à Paris, à l'invitation de la Délégation aux entreprises du sénat, Mehdi Coly est venu présenter Team for the Planet, fonds d'investissement qu'il a créé en 2019 avec cinq autres entrepreneurs. Particularité, le projet n'a pas un but lucratif mais celui de contribuer à sauver la planète. « L'enjeu est d'agir de manière à avoir un impact systémique sur des secteurs très carbonés, comme le transport ou le bâtiment », explique Emma Scribe, directrice grands investisseurs de l'entreprise. Doté de 32 millions d'euros, le fonds en a investi 25 dans 14 projets. « Nous investissons dans des entreprises au modèle économique rentable », précise Emma Scribe. Parmi elles, la société Léviathan Dynamics qui a inventé un moyen de produire du froid avec de l'eau à la place des gaz HFC (hydrofluorocarbures). Une solution qui devrait permettre d'éviter les impacts néfastes de la climatisation.

Autre exemple, Cool Roof. Sa peinture blanche à base de coquilles d'huîtres étendue sur les toits abaisse sensiblement la température dans les bâtiments (et permet de se passer ou de réduire l'utilisation de la climatisation). Autre exemple encore, Beyond the Sea propose des systèmes de traction de navires par kite, exploitant l'énergie du vent. La solution pourrait aider la marine marchande à économiser du carburant. « Notre conviction est que les innovations existent, mais qu'elles ne passent pas à l'échelle, car les chercheurs ne sont pas des entrepreneurs. Nous trouvons donc des profils d'entrepreneurs pour compléter l'équipe qui porte l'innovation », décrit Emma Scribe.

De par sa dimension non lucrative, Team for the Planet se différencie des autres fonds d'investissement sur plusieurs points, selon Mehdy Coly, à commencer par le type de projets qui les intéressent. « Le monde de l'investissement est calibré en fonction des taux de rendement pour les actionnaires. (…) Les projets qui ont un impact le plus radical pour le climat ne sont pas les plus rentables », estime Mehdy Coly. Par exemple, Cool Roof peut potentiellement générer d'importantes économies de CO2, mais sa rentabilité n'est pas extraordinaire. Autre exemple avec Beyond the Sea. « Techniquement, c'est très difficile. Aucun investisseur ne va se prendre la tête, d'autant que ce sera rentable, mais pas à des niveaux qui intéressent le capital risque », note Mehdy Coly.

Faire basculer l'économie grâce aux « dividendes climat »

Atypique pour le type de projet qu'il soutient, Team for the Planet l'est aussi pour les relations qu'il entretient avec ses investisseurs. Ces derniers constituent une sorte de communauté agissante à des degrés divers. La société compte 125 000 actionnaires (particuliers, entreprises... et l’État, à hauteur de 5 millions d'euros). Les investisseurs ne reçoivent aucune rétribution financière. Ils ont seulement la garantie de retrouver leur capital à horizon 2031. « Nous proposons à nos investisseurs d'investir en direct dans ces sociétés une fois qu'elles sont bien amorcées », explique Emma Scribe.

Mais l'essentiel n'est pas là. Le cœur de la relation entre le fonds et ses actionnaires repose sur des « dividendes climat ». Sans valeur financière, ils donnent l'ampleur des émissions de CO2 évitées grâce à l'investissement. La donnée est mesurée par rapport à un schéma de référence qui serait advenu sans la mise en place de la solution. Le « dividende climat » a été développé par Team for the Planet avec d'autres instances, dont l'Ademe, Agence de la transition écologique. Aujourd'hui, « d'autres acteurs économiques s'en sont saisis », se réjouit Emma Scribe citant des fonds d'investissement à impact comme Citizen Capital ou Demeter, ou des entreprises qui les inscrivent dans leurs reportings extra-financiers dont l'importance ne cesse de croître.

Aujourd'hui, Team for the Planet s'attache à promouvoir l'utilisation du « dividende climat » bien au delà de sa seule activité de fonds. Il pourrait devenir un mécanisme pour aider l'économie à basculer dans un modèle décarboné. Par exemple, « il pourrait devenir un outil sur lequel le législateur puisse s'appuyer », plaide Emma Scribe. Exemple avec l'article 150-0 B ter du Code des impôts. Dans le cadre d'une cession d'entreprise, ce mécanisme prévoit la défiscalisation de sommes issues de la vente si elles sont réinvestis dans certains actifs. Ceux qui génèrent des « dividendes climat » pourraient être éligibles. Dans cette transformation de l'économie, le politique a son rôle à jouer. En utilisant les obligations qu'il peut fixer et la fiscalité, il lui revient de « faire en sorte que les marchés à conquérir soient ceux qui sont bons pour la planète », souligne Mehdy Coly.