Trois questions à Hugues Vidor, Président de UDES, Union des employeurs de l'ESS
L’Économie Sociale et Solidaire (ESS), est loin d'avoir été épargnée par la crise. Mais son modèle de fonctionnement, qui prend en compte des enjeux aujourd'hui cruciaux, comme l'environnement et la cohésion sociale, la désigne comme une voie d'avenir.
Que représente l'ESS dans l'économie française ?
L’Économie Sociale et Solidaire représente environ 7% du PIB en France, 10% de l'emploi et 14% de l'emploi privé. 223 000 établissements employeurs salarient 2,3 millions de personnes.Ces entreprises de taille diverse - en majorité des entreprises de moins de 20 salariés - sont des mutuelles, des coopératives et des associations. Celles-ci concentrent 2,1 millions de salariés. Toutes ces structures jouent un rôle considérable dans l'économie de proximité. La spécificité de l'ESS réside dans le fait que le but poursuivi n'est pas la réalisation et le partage de bénéfices. Son objectif est d'être au service d'une cause d'intérêt général, d'avoir une utilité sociale. L'autre spécificité de l'ESS réside dans sa forme d'entreprendre, avec une gouvernance démocratique qui permet aux citoyens de s'engager pour répondre à des besoins sociaux. Actuellement, avec la loi Pacte et le nouveau statut de l'entreprise à mission, on constate que l'économie classique s'imprègne des valeurs qui font partie de l'ADN de l'ESS.
L'ESS a-t-elle été préservée de la crise, par rapport au reste de l'économie ?
La crise a impacté l'ESS, de manière très diverse. Par exemple, les associations qui œuvrent dans des secteurs qui ont subi des fermetures administratives, comme le sport et la culture, ont été très fortement touchées. D'autres, comme l’animation péri-scolaire et l’éducation populaire, ont repris une activité partielle. Dans le médico-social, le constat est paradoxal : certaines activités (hébergement en EHPAD, aides-soignants) ont connu une forte mobilisation, mais les aides à domicile, qui ont dû prioriser leurs interventions auprès des personnes fragiles, ont vu leur activité chuter de 40% au plus fort de la crise, en diminuant les prestations de confort. L'aide de l'Etat a été déterminante. Dans nos structures, la masse salariale représente 90% des coûts. Le chômage partiel a donc constitué un filet social formidable. En revanche, l'accès au Fonds de solidarité a été compliqué au démarrage, car il a été conçu pour des entreprises classiques, et notamment pour les artisans. Et les mesures prises dans le cadre du Ségur de la Santé demeurent très insuffisantes pour les acteurs de l'ESS. Aujourd'hui, nous restons inquiets : 4 000 entreprises risquent le dépôt de bilan...
En quoi l'ESS constitue-t-elle une voie pour sortir de la crise ?
La crise à laquelle nous faisons face comporte plusieurs dimensions. Nous avons connu une crise sociale, aujourd'hui, elle est sanitaire, et demain, économique. De plus, nous avons devant nous l'enjeu majeur de la crise écologique. Pour nous, l'ESS est l'une des solutions. Notre modèle économique permet de répondre aux attentes des territoires. La conscience écologique est présente dans nombre de projets portés par l’ESS. Dont le recyclage, les circuits courts... Elle compte aussi des acteurs de la transition écologique, avec la fourniture l'électricité verte, tel que la coopérative Enercoop. Sur le plan des mentalités, les recycleries et les ressourceries, par exemple, permettent de limiter le circuit infernal de productivité qui nous mène dans le mur. Et notre réponse à la crise sociale est citoyenne : l'ESS associe les acteurs dans un projet d'utilité sociale, contrairement au modèle des entreprises qui délocalisent les activités et les emplois. Sur le plus court terme, nous travaillons en partenariat avec l’État et les Régions sur les solutions de sortie de crise.