Réseaux sociaux:
une loi pour clarifier les règles applicables aux influenceurs
Une proposition de loi entend clarifier le statut juridique et réglementaire applicable aux pratiques commerciales des influenceurs, ainsi que les obligations de leurs agents, des annonceurs et des plateformes qui hébergent ces contenus.
Rappeler et clarifier les règles pour mieux lutter contre les arnaques et les dérives. C’est l’objet de la proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Il s’agit de clarifier les règles applicables à cette activité décriée pour son opacité – partenariats commerciaux rémunérés non explicites, concurrence déloyale, exil fiscal…–, alors que les pratiques commerciales douteuses ou frauduleuses explosent : promotion de « médicaments » contre le cancer ou de produits cosmétiques provoquant de graves effets indésirables, produits vendus beaucoup plus chers qu’ailleurs (technique dite du drop shipping), produits achetés et payés mais jamais livrés, arnaques au compte personnel de formation…
Clarifier les obligations de tous les acteurs
Le texte vient préciser les règles applicables à tous les acteurs du secteur : les influenceurs (y compris ceux qui ont peu d’abonnés), mais aussi les agents d’influenceurs, les annonceurs et les plateformes de diffusion qui hébergent ces contenus. Et comme un certain nombre d’influenceurs ont choisi de s’installer à l’étranger pour des raisons fiscales, la proposition de loi prévoit, pour ces derniers, l’obligation de désigner un représentant légal en France.
Le texte définit tout d’abord précisément ce qu’est l’influence commerciale – la vente issue de contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux –, le mandat d’agence d’influenceur et impose le recours systématique à un contrat écrit avec les annonceurs ou les agences. Il vient également encadrer l’activité des influenceurs mineurs de moins de 16 ans, en prévoyant notamment que la majeure partie des gains soient bloqués jusqu’à leur majorité.
Faire respecter les règles applicables à la publicité
Surtout, la proposition de loi rappelle que l’influence commerciale est soumise à toutes les règles applicables en matière de publicité, dont celles visant la promotion des boissons alcoolisées, des produits financiers et des paris sportifs. Ainsi, seuls les acteurs agréés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sont autorisés à faire de la promotion pour les cryptomonnaies. Autre règle applicable à la publicité que les influenceurs sont tenus de respecter : l’obligation de dire si un filtre a été utilisé ou si une retouche a été effectuée sur les images et photos. Autre disposition, cette fois spécifique à l’influence commerciale : l’interdiction de toute promotion des actes de chirurgie esthétique.
« Nous serons intraitables sur le respect des règles de la publicité par les influenceurs, nous ne laisserons rien passer », a prévenu le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors de la présentation des principales mesures du texte à la presse, le 24 mars dernier. Concernant la publicité pour les actes de chirurgie esthétique, il s’est par ailleurs dit favorable à une interdiction plus large qu’aux seuls influenceurs.
Des outils et des moyens pour mieux faire respecter ces règles
Les plateformes en ligne devront mettre à disposition de leurs utilisateurs un mécanisme permettant de signaler des publications illicites, et seront tenues, au-delà d’un certain nombre de signalements, de contrôler les publications signalées et, éventuellement, de les retirer. Elles devront également coopérer avec les autorités compétentes pour bloquer les contenus publicitaires mensongers.
Le ministre a également annoncé la mise en place d’une « brigade de l’influence commerciale » au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avec « une équipe dédiée de quinze agents ». Aux côtés des sanctions applicables en matière de publicité trompeuse et d’escroquerie, le texte prévoit un nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte pour obliger les influenceurs à retirer un contenu, ou la plateforme à suspendre un compte. Enfin, « ces règles s’appliquent à tous les influenceurs qui s’adressent à un public français, y compris ceux basés à l’étranger », a souligné Bruno Le Maire.
Les dérives du marketing d’influence
Début 2023, la DGCCRF a publié un bilan assez alarmant de ses enquêtes sur le secteur. Sur la soixantaine d’influenceurs et d’agences contrôlés par ses services depuis 2021, 60% d’entre eux ne respectaient pas les règles relatives à la publicité (transparence quant au caractère commercial de leurs publications, fausses allégations sur les produits…), dont des influenceurs comptant un nombre important d’abonnés ou ayant fait l’objet de signalements.
Peu après ces annonces, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus, créé en janvier 2023, a réuni un groupe de 150 influenceurs qui ont cosigné une tribune publiée dans le Journal du Dimanche dans laquelle ils affirment être favorables à un meilleur encadrement de l’activité, mais demandent aux parlementaires de ne pas « casser » ce modèle économique alors que les dérives constatées sont, selon eux, le fait d’une minorité d’acteurs.
Le Certificat d’influence responsable
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a créé en 2021 un Certificat de l’influence responsable pour former les créateurs de contenus aux règles de transparence et de déontologie encadrant la publicité. Comment être transparent sur ses partenariats ? Quelles règles respecter quand on parle d’environnement, de santé, de produits cosmétiques, de produits alimentaires, de jeux d’argent… ? Loyauté, protection des enfants, décence, dignité… Quels sont les grands principes éthiques qui encadrent le marketing d’influence ? C’est à toutes ces questions et d’autres que les différents modules de cette formation viennent répondre. L’ARPP propose également un Certificat de l’influence responsable option « jeux d’argent » et travaille actuellement avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) à la création d’un module spécifique sur la communication sur les services et produits financiers.