Vers toujours plus de transparence dans les offres d’emploi
Deuxième volet de l’étude HelloWork, plateforme d’emploi et de recrutement, sur la relation candidats et recruteurs*. Zoom sur les nouvelles tendances dans les offres d’emploi. Affichage des salaires, de la politique RSE ou de la stratégie diversité… Les entreprises font preuve de davantage de transparence.
En 2024, 60,6% des recruteurs indiquent communiquer le salaire sur leurs offres d’emploi, soit deux fois plus qu’en 2022. Est-ce le signal de la fin d’un tabou ? « La tendance vers plus de transparence des salaires va en s’accélérant, notamment du fait de la nouvelle directive européenne qui doit être transposée en droit français d’ici 2026 », signale Sandrine Dorbes, experte en stratégie de rémunération. Côté candidats, la mention du salaire dans l’offre d’emploi est devenue une attente forte pour 64% d’entre eux. A titre de comparaison, en 2016, ils étaient seulement 45% à affirmer que c’était un élément qui retenait leur attention. Plus de la moitié acceptaient ainsi que le sujet intervienne plus tard dans les échanges, l’entretien ayant longtemps été « le cadre sacralisé » de la négociation. Pour Sandrine Dorbes, la transparence du salaire sur les offres d’emploi « permet de fonder la négociation sur des bases plus saines, plus sérieuses et plus objectives ». En outre, cela « apaise le débat et déplace la négociation sur d’autres aspects : les missions, l’équilibre vie pro/vie perso, le télétravail, la culture d’entreprise », insiste-t-elle.
Des candidats moins enclins à postuler
Pour Marlène Legay, psychosociologue et dirigeante de Vague de sens qui interroge sur le futur du travail, notamment pour intégrer plus de sens, « le salaire est essentiel pour déclencher une candidature ». Pour les candidats, c’est « un élément de réassurance, c’est important pour eux dans un contexte d’incertitude politique et économique ». De fait, le levier de la transparence sur le salaire a un impact direct sur la performance d’une offre d’emploi et les entreprises qui ne le précisent pas ont moins de chances de recevoir des candidatures. Quelque 38,1% des candidats indiquent ainsi être moins susceptibles de postuler à une offre d’emploi si celle-ci ne mentionne pas le salaire ; 12,2% vont même jusqu’à dire qu’ils ne postulent jamais. Même si, à contrario, cela n’est pas rédhibitoire pour près de la moitié d’entre eux.
Si les entreprises ne jouent pas le jeu de la transparence, tous les candidats ne se découragent donc pas pour autant, mais la tendance est malgré tout très nette : « si les entreprises veulent mettre toutes les chances de leur côté, cela passe par la mention du salaire sur leurs offres », indique HelloWork. Pour Laure Baumann, VP Product au sein de la plateforme d’emploi et de recrutement, « l’absence de salaire sur une offre est la première source de frustration chez le candidat ». A l’inverse, le mentionner serait « un indicateur positif pour la réputation de l’entreprise ». Ainsi, 74% des candidats ont une bonne image d’une entreprise qui affiche le salaire.
Au-delà de la question de la rémunération, les entreprises doivent mettre en avant le « package de rémunération », soit ce qu’elles proposent en plus en termes « de protection de la santé, d’épargne, de qualité de vie, d’allégement de la charge mentale, d’amélioration de leur pouvoir d’achat, de rythme de travail », liste Sandrine Dorbes.
Se projeter dans une équipe et dans une mission
Au-delà de communiquer des informations sur les avantages financiers ou la culture d’entreprise, les recruteurs jouent de plus en plus le jeu de la transparence sur d’autres aspects. En 2024, 18,8% indiquent systématiquement leur politique RSE (contre 9% en 2022), 27,3% leur politique diversité et inclusion (vs 16%). Pour Marlène Legay, la dimension humaine est particulièrement importante : les candidats « Plus qu’avec une entreprise, ils veulent travailler avec une équipe, avec des collaborateurs. Ils veulent savoir en quoi ils vont être utiles et connaître les éléments qui leur donneront envie de se lever le matin ». Cela peut par exemple prendre la forme, dans une offre d’emploi, de questions/réponses. Face à des candidats à la recherche d’entreprises « authentiques », capables de mettre en avant leurs points forts comme leurs points faibles et disposant de plusieurs moyens pour se renseigner – espaces digitaux, jobboards, réseau de confiance, amis, famille…–, l’entreprise a donc tout intérêt à faire montre de transparence. Plutôt que de parler de « marque employeur » qui « inspire des entreprises qui réfléchissent à l’histoire à inventer pour plaire », le directeur général d’HelloWork, François Leverger préfère le terme de « réalité employeur » qui implique de la transparence.
Pour Laurent Brouat, fondateur de Les Talents Narratifs, agence de contenu dédiée aux professionnels du recrutement, l’employeur doit soigner et incarner sa proposition de valeur, soit « savoir ce qu’il a à proposer aux candidats et leur permettre de se projeter dans l’entreprise », que ce soit en termes de salaire, de remote, ou de flexibilité. Pour Benoît Serre, Partner & Director HR People Strategy chez BCG et vice-président délégué de l’ANDRH, Association nationale des DRH, « autrefois, dans un contexte de chômage de masse, l’obsession des personnes était d’avoir un emploi. Aujourd’hui, leur priorité est d’avoir un travail qui les intéresse, offrant de bonnes conditions, dans un environnement de travail qui leur plaît et rétribué à sa juste valeur ». Pour attirer les candidats, et notamment les jeunes générations, Marlène Legay conseille de s’appuyer sur les plus jeunes collaborateurs de l’entreprise et de les interroger afin de « comprendre comment mieux parler à cette jeune génération dans leurs offres. Mieux répondre aux questions qu’ils se posent quand ils postulent ».
Vers la fin de « la boîte noire »
La transparence passe enfin par des informations sur le process de recrutement en lui-même, afin de pallier pour les candidats les incertitudes liées à la recherche d’un nouveau poste. « La seconde grande frustration des candidats est la boîte noire dans laquelle part leur candidature », assure Laure Baumann d’HelloWork. Pour elle, il est impératif « par respect pour le candidat », de « détailler, dès l’offre d’emploi, les étapes du processus de recrutement ». Mieux informés, les candidats peuvent anticiper les prochaines étapes de la recherche, qu’il s’agisse de passer un entretien d’embauche ou de se remettre en selle après un refus. En 2024, 27,8% des entreprises indiquent systématiquement les étapes du process de recrutement dès l’offre d’emploi (vs 20%, en 2022) et de plus en plus (près de 60%, contre 45% en 2022) envoient aux candidats un message expliquant ces étapes et le contenu des entretiens. Une pratique particulièrement appréciée par les candidats, 93% la jugeant importante, voire très importante. De la même manière, mieux les informer en cas de refus semble tout aussi essentiel pour les candidats –95% jugent important ou très important que l’entreprise envoie un message suite à une candidature refusée. Là encore, les trois quarts des recruteurs se plient à la pratique. Ce que confirment les candidats : en 2024, un sur deux dit recevoir, parfois ou généralement, une réponse à sa candidature quand il n’est pas retenu, contre seulement 26% en 2016. Pour Laure Baumann, la transparence dans la relation candidats/recruteurs « rééquilibre la relation et renforce le lien de confiance. La transparence place l’échange sur un terrain gagnant-gagnant, en aidant le candidat à faire son choix ». Elle inciterait même ce dernier « à se dévoiler davantage en entretien d’embauche, à poser plus de questions. C’est un gain de temps des deux côtés » insiste-t-elle.
* Enquête réalisée en 2023 auprès de 2 690 candidats et 157 professionnels des ressources humaines comparée aux résultats de 12 enquêtes qui analysent la relation entre les candidats et les recruteurs depuis 2010.
Charlotte DE SAINTIGNON