Féminisme, passion et savoir-faire

A Autun, une femme armée pour se démarquer

Seule femme diplômée de France d’un brevet des métiers d’art en armurerie, Pauline Zacharie a racheté l’armurerie James en 2012. Elle défend un savoir-faire traditionnel, et le droit des femmes à exercer ce métier.

Pauline Zacharie, « l'armurier est le médecin généraliste des armes ». (© Armurerie James)
Pauline Zacharie, « l'armurier est le médecin généraliste des armes ». (© Armurerie James)

En franchissant la porte de l’armurerie James à Autun, on n’entre pas seulement dans une boutique. On entre chez une passionnée de tir, chez une défenseuse d’un savoir-faire traditionnel… Et chez une femme qui a su se faire sa place envers et contre tous…

Pratiquante de tir sportif au collège, Pauline Zacharie se voyait tireur d’élite dans l’armée. Malheureusement, c’était sans compter sur la rencontre avec un responsable militaire au discours misogyne. « A 15 ans, j’ai pris en pleine figure ses idées selon lesquelles les femmes doivent faire des enfants et la cuisine. Avec l’âge, je me dis que c’était peut-être pour tester ma motivation mais à l’adolescence, je n’avais pas le recul nécessaire. » Déçue, elle abandonne ses ambitions et rejoint une seconde générale où elle se prend de passion pour l’écriture, allant jusqu’à publier quelques nouvelles.

Une formation d’élite

Curieuse de tout, elle suit volontiers son père qui souhaite lui faire découvrir le lycée de Saint-Etienne, seul établissement à former au métier d’armurier. « J’ai eu un déclic pour cette profession particulièrement complète. On touche au fer, au bois, aux matières précieuses avec un travail de précision. » Elle décide de rejoindre cette filière mais doit en passer par trois ans de bac professionnel en mécanique productique sans avoir la garantie d’intégrer le lycée. « C’est plus sélectif qu’en médecine où on retient un étudiant sur six. Le lycée ne forme que 12 armuriers par an et ne prend qu’un candidat sur dix. »

Elle s’engage toutefois dans le cursus. Avec une motivation accrue par la crainte que son statut de femme lui ferme les portes du lycée. Après trois années difficiles elle obtient son bac pro devant tous les autres élèves de la région. Elle intège alors le lucée de St Etienne et se forme pendant deux ans. « C’était une formation dans un cocon où il n’y avait que des élèves motivés. »

Se faire une place

Elle en sort major de promotion et voit sa pièce de fin d’étude retenue parmi les meilleures de France ! Elle devient ainsi la première femme armurière en 2005. « Il y a toutefois des femmes qui possèdent des CAP d’armurier », nuance-t’elle. Malgré son niveau d’excellence, elle reste la seule de sa promotion à ne pas trouver d’emploi. « Le secteur ne voulait pas des femmes ! », martèle Pauline Zacharie.

Heureusement, un armurier à la réputation bien faite l’intègre dans son équipe. Pendant deux ans, à ses côtés, elle parfait ses connaissances et fabrique des objets haut de gamme. Cette expérience lui ouvrira toutes les autres portes. Elle rejoint l’armurerie James à Autun en 2007 et tombe amoureuse de la région. Elle rachète le magasin en 2012. En 2019, elle est nommée chevalier de l’ordre national du mérite puis femme de l’année de Saône-et-Loire en 2023.

Pauline Zacharie, armurière, utilise des machines centenaires pour exercer son savoir-faire de la coutellerie. (© Armurerie James)

Equipement d’hier pour armurière d’aujourd’hui

Pauline Zacharie se démarque également par la façon dont elle travaille, utilisant des machines anciennes qu’elle met sur le devant de la scène. « Pour les 200 ans de la boutique, j’ai choisi de remettre les machines de coutellerie qui datent du début 1900 au milieu du magasin. C’est un moyen pour que les clients voient notre savoir-faire et montrer que nous ne sommes pas juste des revendeurs. » Définissant son métier comme le « médecin généraliste des armes », Pauline Zacharie rappelle qu’elle et son équipe de six personnes doivent tout connaitre pour entretenir fusils, couteaux et assurer l’aiguisage des peignes de tondeuse pour animaux. « Les équipements numériques conviennent pour de la série. Nous travaillons à l’unité, chaque pièce est différente donc nous sommes plus autonomes avec nos vieilles machines. »

Pour Aletheia Press, Nadège Hubert