Dépôts sauvages de déchets : le pouvoir de sanction administrative du maire
Il y a cinq ans, l’Association des maires de France estimait à 63 000 tonnes par an, les dépôts sauvages d’ordures. Depuis, le phénomène a littéralement explosé, et tôt ou tard, tous les maires vont se trouver confrontés à cette problématique. Pourtant, force est de constater que le droit en la matière est assez peu lisible. Eclairage sur un pouvoir spécial du maire en la matière, assez peu utilisé : la sanction administrative.
La possibilité pour le maire, de sanctionner un administré en cas de dépôt sauvage d’ordures, est codifiée à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. Cette disposition s’applique à toute personne qui abandonne ou dépose des déchets dans des conditions ne respectant pas les dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V du Code de l’environnement. Le non-respect du « règlement de collecte » ne peut donc pas donner lieu à une sanction administrative, mais seulement à une sanction pénale.
La sanction administrative, par ce qu’elle nécessite une certaine procédure de mise en demeure, sera indiquée lorsque le dépôt est d’une certaine importance, plutôt en milieu rural, ou dans un terrain vague en milieu urbain, ou sur le site d’une entreprise n’ayant pas cessé son activité. En bref, lorsque le dépôt ne gêne pas la circulation et n’est pas particulièrement dangereux.
Au contraire, dans le cas d’un dépôt de déchets en milieu urbain, lorsqu’il n’est pas possible de les laisser sur place ou quand leur volume est peu important et peut être enlevé soit au cours de la collecte, soit par les services de voirie, la sanction pénale sera préconisée.
Pour l’application de ce pouvoir de sanction administrative, le maire est l’autorité compétente, à moins qu’il n’ait transféré son pouvoir de police spéciale au président de l’EPCI, (Etablissement public de coopération intercommunale), en application de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
La procédure
Constat d’abandon du dépôt illégal de déchets : le constat est réalisé par un rapport dressé par un agent habilité et adressé au maire ou au président de l’EPCI du lieu du dépôt illégal de déchets. Les agents chargés du constat des infractions pénales et ceux chargés du constat des manquements administratifs sont les mêmes ;
Le rapport se présente sous la forme d’un procès-verbal. Son auteur doit bien évidemment détailler le plus possible son constat (date, nom de l’auteur du rapport, exposé de la réglementation violée et celui des faits constatés, nature et quantité des déchets, témoignages, photos …) et surtout, prouver l’identité de l’auteur du dépôt ou de l’abandon.
Cette question de la preuve de l’identité est sans aucun doute le nœud du problème des dépôts sauvages. Plusieurs modes de preuve sont possibles. L’agent peut découvrir, à l’intérieur des déchets, des documents permettant de les relier à un administré. En outre, depuis la loi AGEC, anti-gaspillage pour une économie circulaire, du 10 février 2020 qui a modifié en ce sens les dispositions de l’article L. 251-2 du Code de la sécurité intérieure, les dépôts sauvages peuvent être constatés par vidéosurveillance. Cela suppose toutefois une autorisation préfectorale qui désigne les agents habilités à exploiter et à visionner les enregistrements, en vue d’identifier les auteurs. Des pièges photos peuvent également être installés et utilisés par les agents municipaux (article L. 511-1 du Code de la sécurité intérieure).
Enfin, le décret n° 2021-285 du 16 mars 2021 prévoit l’accès aux données du système d’immatriculation des véhicules (SIV) aux fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 du Code l’environnement. Deux modalités d’accès au SIV sont possibles, selon les cas :
- un accès direct aux agents de police judiciaire adjoints, dont les agents de police municipale et gardes-champêtres individuellement désignés et habilités par le préfet (sur proposition du maire de la commune) ;
- un accès indirect par l’intermédiaire des services de la police ou de la gendarmerie, aux autres agents de police judiciaire adjoints et gardes-champêtres (c’est-à-dire non désignés et habilités).
En revanche les ASVP (agents de surveillance de la voie publique) et les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans les conditions fixées par les articles R. 541-85-1 et suivants du Code de l’environnement, n’ont pas d’accès même indirect, au fichier.
Procédure contradictoire. Par courrier remis en main propre ou envoyée par LRAR, le maire avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés, des sanctions qu'il encourt et de la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil de son choix.
Mise en demeure. Si l'intéressé ne s'est pas exécuté, le maire peut, par décision motivée précisant les voies et délais de recours, appliquer une ou plusieurs sanctions administratives : paiement d'une amende de 15 000 euros maximum, mise en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de la réglementation, dans un délai déterminé.
Sanctions. En cas de non-respect de cette mise en demeure, le maire peut ordonner une consignation, faire procéder d'office à l'exécution des mesures prescrites, ordonner le paiement d’une astreinte journalière de 1 500 euros maximum, suspendre le fonctionnement de l’activité à l'origine des infractions constatées ou ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 euros. Les amendes administratives et l'astreinte journalière sont recouvrées au bénéfice de la commune ou de l’EPCI.
En cas d’urgence, l’autorité compétente peut fixer les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement. Cette mesure peut s’appliquer dès le début de la procédure. Cela peut consister en des mesures nécessaires à la mise en sécurité du site, avant toute mesure de retrait des déchets et de remise en état du site. Il est possible d’ordonner l’enlèvement immédiat des déchets, à condition que leur maintien sur place entraîne un danger répondant aux exigences de gravité et d’immédiateté.