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Des Français très partagés face au travail

Une France fragmentée, avec une capacité pour les actifs à se projeter dans l’activité professionnelle qui varie très fortement selon leur confiance en l’avenir. C’est l’un des enseignements du premier baromètre sur le rapport des Français au travail publié par Actual group et l'EM Normandie à l'occasion de la fête du travail, le 1er mai. Cette nouvelle grille de lecture des comportements des candidats pourrait aider les recruteurs.

(© Adobe Stock)
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« Une évolution sociétale est en cours sans doute aussi parce que le rapport de force s’est inversé après la crise sanitaire entre recruteurs et candidats à l’emploi », explique Samuel Tual, président d'Actual group, 5e acteur sur le marché du travail et l’emploi en France, qui vient de publier avec l’école de commerce l'EM Normandie le premier baromètre sur le rapport des Français au travail*. Il mesure pour la première fois l’évolution des comportements de la population active en France, en tenant compte deux critères invisibles que sont la confiance et l’employabilité. Le premier intègre la projection des individus vers l’avenir et le capital de confiance qu’ils placent en eux-mêmes, tandis que le second représente les ressources dont chaque individu dispose en termes de compétences et de capacité à s’adapter à l’évolution du marché du travail. En caractérisant les actifs selon ces deux critères, l’étude a identifié trois grandes familles de comportements par rapport au travail.

Des stables aux désengagés

Les « stables » représentent le gros des troupes, soit près de la moitié des actifs (45,9 %). Leur profil ? Majoritairement urbains, avec un diplôme d’au moins bac +2 et un niveau d’employabilité moyen, ils sont familiers des contrats de travail à durée indéterminée (CDI) et dotés d’une confiance dépendant de l’âge, du diplôme et du lieu d’habitation. Parmi ces actifs stables, l’étude différencie les pessimistes (24,6 %) et les optimistes (21,3 %). Le principal critère faisant passer un actif d’optimiste à pessimiste est l’âge (39 ans, selon l’étude), car il entame la confiance en soi. De fait, ils s’auto-éliminent et ne postulent plus par peur de l’échec, ce que les recruteurs perçoivent à tort comme un comportement dédaigneux.

Autre catégorie d’actifs identifiée, les « avant-gardistes », qui représentent 13 % des actifs, sont très diplômés et urbains, mais pas les plus jeunes. Leurs principales caractéristiques ? Avec un « haut niveau d’employabilité et de confiance », ils sont « capables de définir leurs propres règles du jeu » et « ont connu et quitté les CDI pour entreprendre ».

Enfin, les « désengagés » (12,5 % des actifs) englobent la population la moins qualifiée, la plus âgée et la moins urbaine et celle aussi qui est la plus résignée. Ils n’ont jamais vraiment connu le CDI, mais des emplois précaires dépendants des opportunités. Ils ont à la fois un « faible niveau d’employabilité, de capacité d’adaptation et de confiance ». Entre chômage et métiers peu qualifiés, ils ont besoin d’être accompagnés et formés pour accéder à l’emploi.

Hiatus entre candidats et recruteurs

Le baromètre met ainsi en avant « un dissensus de taille entre candidats et recruteurs, qui ne parviennent plus à se comprendre ». Une situation qui ne s’est pas améliorée depuis la crise du Covid. D’un côté, les recruteurs expriment leur nostalgie de voir des candidats qui ont changé et ne sont plus ce qu’ils étaient, et de l’autre, les candidats ne trouvent pas d’offres à la hauteur de ce qu’ils attendent. De fait, pour Jean Pralong, enseignant-chercheur en ressources humaines à l’EM Normandie, les difficultés actuelles en termes de recrutement s’expliquent par le fait qu’« Il n’y a pas un manque de candidats, mais un manque de candidatures. Ce baromètre montre les différentes dynamiques à l'œuvre dans une France archipellisée ». Avec 58% des entreprises qui anticipent des difficultés de recrutement en 2024 (étude BMO, besoins en main d’oeuvre, France travail 2024), Samuel Tual conseille aux employeurs d’élargir leurs horizons : « Il ne sert à rien de chercher toujours les mêmes candidats. Il faut donc chercher ailleurs, sans se focaliser sur le CV mais plutôt sur les capacités et la motivation. Quitte à former aux savoir-faire manquants ».

* Le baromètre du rapport au travail s’appuie sur une étude menée en ligne janvier 2024 auprès de 198 982 personnes

Charlotte DE SAINTIGNON