France : Economie secouée, faible croissance
La conjoncture internationale, et notamment la saga sur les droits de douane, pèse sur l’activité économique française. L’Insee mise, une fois encore, sur les dépenses des ménages, plutôt préservés des restrictions budgétaires, mais le chômage remonte et l’épargne aussi.

Les premières semaines du mandat de Donald Trump n’en finissent pas de se répercuter sur l’économie mondiale, et l’Europe n’y échappe pas. Dans sa note de conjoncture trimestrielle, publiée le 18 mars, l’Insee souligne que « la nouvelle orientation de l’administration américaine, les changements géopolitiques et les perspectives de guerre commerciale qu’elle entraîne hypothèquent un peu plus l’éventualité d’un redémarrage européen à court terme ». Les premiers effets de cette politique se manifestent certes en priorité aux Etats-Unis, où elle a « fait vaciller la confiance », ainsi que la croissance.
La simple annonce d’une hausse des droits de douane par les Etats-Unis à l’égard de leurs principaux partenaires commerciaux, « mettrait un coup de frein au commerce mondial », observent les conjoncturistes. Cela ne tarderait pas à frapper les pays les plus dépendants de la demande américaine, notamment l’Allemagne et l’Italie. La constitution en cours d’une Europe de la défense pourrait par ailleurs provoquer une hausse des taux d’intérêt. L’Insee ne voit au fond qu’une seule « conséquence positive pour les ménages et les entreprises européens » aux bouleversements actuels : la baisse du cours du pétrole.
C’est toute la zone euro qui patine. La croissance européenne serait limitée à 0,1% par trimestre, d’ici la fin juin. La France devrait enregistrer ce même chiffre pour le premier trimestre, un peu mieux au deuxième, avec 0,2%. Mi-2025, l’acquis de croissance ne dépasserait pas 0,4%. Or, pour préparer son budget 2025, finalement voté en février après les péripéties que l’on sait, le gouvernement s’était appuyé sur une progression de l’activité de 0,9% pour l’ensemble de l’année.
La conjoncture peut-elle se retourner au deuxième semestre ? En 2024, la croissance française avait finalement « bien résisté », avec une hausse de 1,1%, comme en 2023, soulignent les conjoncturistes. Mais l’économie avait alors bénéficié de « l’accélération des dépenses publiques ». Or, cette période est révolue. Les efforts visant à réduire le déficit toucheront notamment les entreprises, analyse l’Insee : « Les mesures de redressement budgétaire représentent un prélèvement de 0,9 point de leur valeur ajoutée ». L’institut de statistique relève en outre l’impact de la « loi spéciale », adoptée en l’absence de budget, cet hiver. Restée en vigueur pendant six semaines, elle a mécaniquement « réduit les dépenses de l’État au minimum », un « coup d’arrêt de la consommation publique », qui obère l’activité.
Le chômage remonte, les ménages s’inquiètent
Les ménages, qui sont aussi électeurs et consommateurs, n’auront pas à se serrer autant la ceinture. Les conjoncturistes observent que les revenus, les salaires, mais surtout les retraites, sont indexés sur l’inflation de ces dernières années, alors même que celle-ci est de nouveau faible, 0,8% en un an fin février, 1,1% fin juin. Après une nette hausse de 2,4% en 2024, « le pouvoir d’achat continuerait ainsi de croître », note l’Insee, ce qui devrait bénéficier à la consommation (+0,4% au premier trimestre et +0,2% au second), même si « les intentions d’épargne se maintiennent à haut niveau ». Celle-ci se maintiendrait en effet à 18,2% mi-2025, contre 18,4% fin 2024.
La crainte de l’avenir se nourrit de la remontée des faillites et des plans sociaux, qui auront un impact sur l’emploi. Au cours du dernier trimestre de 2024, l’économie a détruit 90 000 postes, indique l’Insee, précisant que, « dans les enquêtes de conjoncture, l’optimisme qui prévalait depuis la crise sanitaire a fait long feu ». Cette tendance devrait se poursuivre, avec 50 000 suppressions d’emplois au cours des trois premiers mois de 2025. L’augmentation de la population active, résultant de la matérialisation du recul de l’âge de la retraite, pèsera aussi sur le taux de chômage, qui monterait à 7,6% fin juin, selon l’Insee, en hausse de 0,3 point par rapport à la fin 2024.
Comme toujours, les conjoncturistes entourent leurs prévisions d’aléas, qui ne manquent pas en ce printemps 2025. Il ne leur a pas échappé que « la situation internationale reste très mouvante ». Les revirements erratiques du président Trump au sujet des droits de douane, que l’Insee appelle joliment « oscillations de l’administration américaine », ne conduisent pas à rassurer les acteurs de l’économie. Les éventuelles mesures de rétorsion pourraient en outre pousser l’inflation à la hausse.
L’environnement géopolitique est susceptible de provoquer des variations du cours du pétrole ou des taux longs, comme cela a été le cas depuis le début de l’année. Enfin, en France, l’Institut de statistique observe une « stabilisation » de la situation politique. Mais la montée du chômage pourrait amener les ménages à renflouer encore leur épargne de précaution. Celle-ci, note d’optimisme, « constitue un réservoir de croissance évident », à condition seulement que la confiance revienne...