Groupements d’entreprises : les points de vigilance
La complexification des opérations de construction conduit de plus en plus les opérateurs privés, sur des opérations de taille importante, à recourir aux groupements momentanés d’entreprises. Ce mécanisme doit toutefois appeler à la vigilance sur un grand nombre de points, tant de la part des membres du groupement, que de la part du maître d’ouvrage.
Un mécanisme de simplification et d’opportunité
Les groupements momentanés d’entreprises font partie de l’arsenal des mécanismes contractuels qui sont à la disposition du maître d’ouvrage pour tendre vers une simplification de la réalisation des opérations de construction.
Parmi ces mécanismes de simplification, figurent également le contrat de contractant général et le contrat de promotion immobilière, dont la nature et les effets sont toutefois bien différents.
Les groupements d’entreprises peuvent concerner aussi bien les entreprises de travaux, que la maîtrise d’œuvre.
Ils présentent l’avantage d’offrir au maître d’ouvrage toutes les compétences requises pour la réalisation de son opération, dans le cadre d’un unique contrat, au sein duquel les membres du groupement désignent parmi eux un mandataire, qui sera l’interlocuteur privilégié du maître d’ouvrage.
Les groupements offrent également aux entreprises, pour lesquelles il est de plus en plus difficile de disposer à elles seules de la capacité d’exécuter des marchés toujours plus complexes, l’opportunité de se positionner sur des opérations autrement inaccessibles.
Deux types de groupement momentané existent : le groupe conjoint et le groupement solidaire.
Quel que soit le type de groupement choisi, ce mécanisme appelle à la vigilance sur un grand nombre de points, tant de la part des membres du groupement, que de la part du maître d’ouvrage.
Points de vigilance en cas de groupement solidaire
Le groupement est solidaire lorsque ses membres, quelles que soient les missions qui leur sont personnellement confiées, répondent de la défaillance de leurs co-traitants, et par suite de l’exécution de la totalité du marché. A défaut pour les membres de suppléer la défaillance de l’un des leurs, le maître d’ouvrage peut prononcer la résiliation du marché.
Chacun étant tenu pour le tout, l’absence de précision quant à la répartition des missions entre les membres n’a donc pas d’incidence.
La solidarité implique également que toute modification du marché requiert l’accord de l’ensemble des membres du groupement.
De nombreuses questions demeurent toutefois. Quid lorsque les co-traitants n’ont pas la compétence requise pour exécuter la prestation de leur partenaire défaillant ? Est-il possible de pourvoir à son remplacement ? Suivant quelles modalités ?
En cas de manquement du maître d’ouvrage à ses obligations (exemple, un défaut de paiement), l’un des membres peut-il à lui seul prononcer la résiliation du marché ? Doit-il obtenir l’accord préalable de ses co-traitants ? Une sortie individuelle du groupement avec maintien du contrat pour les autres membres est-elle possible ?
Enfin, il convient d’être particulièrement vigilant sur l’étendue de la solidarité. Est-elle cantonnée à la bonne exécution des missions confiées aux membres du groupement, ou s’applique-t-elle à toutes les obligations issues du marché, tant contractuelles que légales (exemple : obligations en matière de lutte contre le travail illégal) ?
Autant de questions qui doivent impérativement être envisagées et traitées lors de la rédaction de la convention de groupement, et du marché signé avec le maître d’ouvrage.
Points de vigilance en cas de groupement conjoint
Le groupement est conjoint lorsque ses membres ne répondent que de l’exécution des missions qui leur sont personnellement confiées, une solidarité pouvant toutefois être stipulée à l’égard du seul mandataire.
Il convient alors d’être vigilant sur l’étendue de la solidarité du mandataire, dans les mêmes conditions que précédemment exposées pour les groupements solidaires.
Dans le groupement conjoint, une répartition précise des missions et de la rémunération entre les membres est indispensable, chacun n’étant tenu que pour sa part contributive. Il est également impératif que le mandataire ait une mission de coordination entre les différents membres, gage d’une action concertée.
L’absence de solidarité pose de nombreuses questions. La modification du marché requiert-elle l’accord de l’ensemble des membres du groupement ? Ne faut-il pas faire une distinction entre les clauses du contrat qui concernent tous les co-traitants, et celles qui ne concernent que l’un, ou certains, d’entre eux (exemple: modifications des missions et/ou de la rémunération) ? Qui en cas de défaillance d’un membre du groupement ? Est-il possible de pourvoir à son remplacement et suivant quelles modalités ? A défaut, quid du sort du contrat ?
Le maître d’ouvrage peut-il prononcer sa résiliation partielle pour les seules missions confiées au co-traitant défaillant, ou l’exclusion d’un membre et son absence de remplacement entraîne-t-il la chute de tout le contrat ? Cette question se pose également si l’un des membres décide de sortir de groupement pour non respect par le maître d’ouvrage de ses obligations à son égard.
Autant de situations qui doivent impérativement être appréhendées dans le cadre de clauses contractuelles précises et exhaustives, afin d’assurer au maître d’ouvrage et aux membres de groupements une sécurité juridique dans leurs rapports.
Claire JOUFFREY, avocat associé