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L’embauche de cadres au ralenti, les recruteurs reprennent la main

Le marché de l’emploi cadre en 2024 a été marqué par un ralentissement des embauches et une stabilisation des difficultés de recrutement, dans un contexte économique et politique incertain. Les perspectives pour ce premier trimestre 2025 restent moroses, avec des intentions d’embauche en baisse et une confiance des entreprises et des cadres érodée. Les recruteurs semblent reprendre l’avantage, rendant le marché moins favorable aux cadres en quête de nouvelles opportunités.


© Adobe Stock.
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La dynamique des recrutements de cadres a continué à fléchir en 2024 : seulement 20 % des entreprises ont embauché des cadres l’an passé, soit une diminution d’un point par rapport à 2023. C’est ce que met en avant le dernier baromètre trimestriel de l’Association pour l'emploi des cadres (Apec). Une tendance particulièrement visible dans les grandes structures, où le taux de recrutement a chuté de 9 points, pour atteindre 74 %. Dans une moindre mesure, les PME ont également ressenti cette baisse, avec une diminution de 3 points (32% d’entre elles), tandis que les TPE ont de leur côté maintenu un niveau stable de d’embauche (12 % ; + 1 point). Le secteur des services à forte valeur ajoutée fait toutefois figure à part avec une dynamique qui s’est maintenue à haut niveau (28 % ; stable sur trois ans), et qui « confirme son rôle de moteur structurel de l’emploi cadre ».

Climat de confiance dégradé

Ce fléchissement général de l’emploi des cadres s’inscrit dans un contexte économique et politique incertain. En 2024, les moteurs de la croissance se sont grippés. Ainsi, la consommation des ménages est restée atone tandis que l’investissement des entreprises non financières – levier essentiel pour l’emploi et a fortiori celui des cadres – a fortement reculé, de 1,9 % après une croissance de plus de 3 % les deux années précédentes, pointe l’Apec. De fait, le climat de confiance des entreprises s’est détérioré. Les tensions géopolitiques en Ukraine et au Proche-Orient et l’instabilité politique intérieure ont contribué à cette situation, réduisant la visibilité pour les entreprises .



Projets d’embauche en stand-by

Pour ce premier trimestre, la progression du PIB resterait très modérée (+0,2% par rapport au 4ème trimestre 2024) avec les principaux moteurs de la croissance – le commerce extérieur et les dépenses publiques – qui s’éteindraient. De fait, les entreprises tempèrent leurs projets d’embauche pour les trois premiers mois de 2025. Les intentions de recrutement de cadres sont en baisse, particulièrement dans les grandes structures (48 %, contre 54 % l’année précédente) et les PME (14 % vs 18 %). En cause ? La baisse de la visibilité à court terme sur leur activité, avec seulement 58 % des entreprises se déclarant confiantes, soit une baisse de 4 points par rapport à septembre 2024. Et la sérénité dans l’évolution du carnet de commandes qui a également chuté de 9 points.

Ce retrait du recrutement de cadres s’inscrit dans un contexte d’essoufflement progressif de la forte dynamique observée en 2021 et en 2022. La période post-crise sanitaire a en effet été marquée par un phénomène de rattrapage des recrutements qui n'avaient pu se réaliser en 2020. Par ailleurs, en 2024, « le climat politique et économique particulièrement anxiogène a pu conduire certaines entreprises à plus d’attentisme concernant leurs projets de recrutements de cadres », analyse l’Apec.

Du côté des cadres, les intentions de mobilité externe restent stables à 13 %, mais des signes d’inquiétude apparaissent. Leur confiance dans l’économie française a diminué de 6 points depuis septembre 2024, et 55 % des cadres anticipent des difficultés à retrouver un emploi équivalent, soit une hausse de 5 points en un an. « Cette situation pourrait les rendre plus réticents à concrétiser leurs projets de mobilité », indique l’Apec.

Un rapport de force en défaveur des cadres

En outre, les difficultés de recrutement se sont stabilisées. Ainsi, parmi les entreprises ayant cherché à embaucher des cadres en 2024, 47 % jugent qu’il a été difficile de le faire. Un chiffre stable par rapport à 2023 et nettement inférieur aux 58 % de 2022 et aux 60% de 2021, années fastes pour les recrutements de cadres. Pendant ces années post-Covid , face à l’importance des difficultés à recruter, les entreprises avaient été amenées à revoir leur stratégie et processus de recrutement. La majorité d’entre elles avaient également été contraintes d’assouplir leurs critères de recrutement pour faire aboutir les embauches.

Cette détente des tensions, déjà amorcée en 2023, pourrait faire évoluer le rapport de force entre candidats et recruteurs au bénéfice de ces derniers. Les entreprises seraient désormais moins enclines à assouplir leurs critères de recrutement, notamment en matière de rémunération. Ainsi, en 2024, seules 41 % d’entre elles ont revu à la hausse leurs propositions salariales, soit une baisse de 15 points en deux ans. « Cette rigidité pourrait compliquer l’accès à des postes correspondant aux aspirations des cadres, en particulier pour les seniors demandeurs d’emploi », note l’Apec.

Charlotte DE SAINTIGNON