L’entreprise et les salariés

Revue de récentes décisions de justice en matière de droit du travail.

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Contrats de travail

Le contentieux concernait une salariée qui, en plus de ses diverses missions, effectuait un nombre aléatoire d’heures de travail, en dehors des horaires prévus au contrat de travail, correspondant parfois à une durée de travail à temps plein. L’employeur n’étant pas en mesure de contrôler l’ampleur de ses heures de travail, de déterminer un seuil de déclenchement des heures complémentaires et la salariée se trouvant dans l’impossibilité de s’organiser, afin de pouvoir compléter son temps partiel, son contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat à temps complet. (Rennes, 11 juillet 2024, RG n° 21/03163)

Le contrat de professionnalisation étant un contrat de travail à durée déterminée, il doit recevoir application des dispositions des articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du Code du travail. Ainsi, sauf accord des parties, un CDD ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. En l'espèce, le contrat de professionnalisation avait été rompu de manière anticipée par l'employeur pour des motifs économiques. Or, ce motif ne fait pas partie de ceux susceptibles de permettre la rupture anticipée d'un CDD. (Lyon, 3 mai 2024, RG n° 21/04588)

La période d'essai, qui a pour but de permettre aux parties au contrat d'apprécier la pertinence de leur collaboration, doit avoir pour point de départ le jour du début effectif de l'activité du salarié. (Paris, 2 mai 2024, RG n° 21/04511)

Licenciement

Le manquement d’un salarié à son obligation contractuelle de consacrer l’intégralité de son temps de travail à l’exécution de la prestation attendue par l’employeur, telle que définie par la clause d’exclusivité insérée au contrat de travail, réitéré à de nombreuses reprises et de façon récurrente dans le temps, caractérise à lui seul une faute grave. (Paris, 5 juin 2024, RG n° 21/07015)

Ruptures conventionnelles

La salariée qui veut voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle qu’elle a signée pour vice du consentement doit rapporter la preuve d’un tel vice. Les enregistrements clandestins des différents entretiens qu’elle a eus avec son employeur, qui représentent pour elle les seuls moyens d’exercer son droit à la preuve, ne portent qu’une atteinte mesurée et proportionnée au droit à la vie privée de l’employeur, dans la mesure où ils ont été effectués au temps et au lieu du travail et n’ont eu que des objets professionnels. Le fait de pleurer lors des entretiens n’établit pas que la salariée a été contrainte et menacée, mais signifie que, comme pour tout salarié, voir remettre en cause par son employeur la qualité de son travail ou se voir proposer un départ négocié de l’entreprise, n’est pas facile à entendre et ne peut générer que de l’émotion. En conséquence, à défaut d’établir que son consentement a été vicié comme elle le prétend, elle doit être déboutée de ses demandes d’annulation de la rupture conventionnelle signée et d’indemnités subséquentes. (CA, Poitiers, 11 juillet 2024, RG n° 22/00866)

En l’espèce, après l'incendie des locaux de son entreprise, l'employeur organise deux rendez-vous, afin de conclure avec un salarié une convention de rupture, le second tenu dans un café, en raison de l'incendie, pour finaliser l'accord signé le même jour. Le salarié conteste la validité de cette convention, qui n'a été encadrée par aucun formalisme. Pourtant la cour d'appel estime la convention valablement conclue : aucune disposition légale ne prévoit l'obligation pour l’employeur de convoquer par écrit le salarié aux entretiens préalables à la signature d'une convention de rupture, de l’informer sur ses possibilités d'assistance lors de l'entretien, et aucun formalisme particulier pour la tenue de ces entretiens n'étant non plus imposée. (Versailles, 30 mai 2024, RG n° 22/01257)