L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de la Cour de cassation, en matière de droit du travail.
Accord collectif : contrats de travail
Sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut suspendre les clauses des contrats de travail qui lui seraient contraires et prévoir que le licenciement des salariés ayant refusé l’application de cet accord, entraînant une modification de leur contrat de travail, reposerait sur un motif de licenciement et serait prononcé, indépendamment du nombre de salariés concernés, selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique. (Cass soc., 16 février 2022, pourvoi n° 20-17644)
Licenciements économiques : ordre
L’inobservation des règles de l'ordre des licenciements, qui n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte de son emploi, sans cumul possible avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou avec l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du Code du travail. (Cass soc., 16 février 2022, pourvoi n° 20-1496
CDD : requalification
Dans ce litige, la cour d’appel a, à bon droit, rappelé qu’il incombe à l’employeur de démontrer le bien-fondé du recours à un contrat à durée déterminée (CDD) et estimé, au regard des documents versés aux débats, que l’activité de la société ne peut être regardée comme saisonnière. En effet, selon le document publicitaire produit par la salariée, embauchée en CDD comme ouvrière saisonnière dans une chocolaterie, la production de l’entreprise était constante et importante, en particulier à destination de l’étranger et elle se caractérisait plus par des accroissements temporaires d’activité que par des cycles saisonniers. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a pu en déduire que le CDD saisonnier de la salariée n’entrait pas dans les prévisions légales et que, dès lors, il devait être requalifié. (Cass soc., 9 février 2022, pourvoi n° 20-19496)
Dès lors que le salarié avait été exclusivement affecté à la protection d’un chef d’entreprise d’un grand groupe, entre le 20 mai 2013 et le 14 février 2016, et qu’il avait signé 41 CDD libellés « surcroît temporaire d’activité », ayant tous pour objet une « mission ponctuelle visant à assurer la protection rapprochée d’une personnalité », la cour d’appel a pu en déduire que la mission faisait partie du cœur de métier de l’entreprise et que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée. (Cass soc., 9 février 2022, pourvoi n° 20-14880)
Santé au travail : obligation de sécurité
L’employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Celui-ci ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Or, en l‘espèce, l'employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié : il avait manqué à son obligation de sécurité. (Cass soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16683)
Congés payés : modification
Selon l'article L. 3141-16 du Code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclus en application de l'article L. 3141-15, l'employeur ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue. Il résulte de ce texte qu'aucune distinction n'est faite entre les quatre premières semaines et la cinquième semaine de congés. Sauf disposition contraire, la même règle s'applique aux congés d'origine conventionnelle. (Cass soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-22261)