L’Insee se laisser aller à un optimisme inédit
Alors que la quatrième vague épidémique semble s’éloigner, l’Insee constate qu’elle n’a que modérément impacté la consommation et donc l’activité économique. Pour 2021, l’institut prévoit une croissance de 6%, après une récession de 8% en 2020.
Ca va mieux. Si l’on se fie aux indicateurs de l’Insee, et pas seulement aux données épidémiques, la quatrième vague du covid appartient au passé. Cet été, « pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, l’intensification de la circulation du virus n’a pas provoqué de recul marqué de l’activité économique », écrit l’Insee en préambule de sa dernière note de conjoncture, publiée le 7 septembre. En juillet et en août, l’activité n’a pas régressé, au contraire, puisqu’elle atteint pratiquement le « niveau d’avant-crise, entre 1 et 0,5 point de moins qu’au quatrième trimestre 2019 ». Lors des vagues épidémiques précédentes, l’économie avait plongé de respectivement 30% (avril 2020), 7% (novembre 2021) et 6% (avril 2021). Ce rebond doit beaucoup à la vaccination et à sa déclinaison, le pass sanitaire, qui ont permis de limiter la saturation des services hospitaliers, et donc d’éviter un confinement ou des couvre-feux.
Le climat des affaires, mesuré par une série de sondages auprès des décideurs, se situe au-dessus de la moyenne dans tous les secteurs. Quant aux consommateurs, ils ont pratiquement retrouvé une vie normale. Si on se fie aux recherches sur Internet, la demande en restaurants, en cinéma ou en hôtellerie n’a jamais été aussi élevée depuis mars 2020.
Les secteurs d’activité ont toutefois connu diverses destinées au cours du printemps et de l’été, liées à leur statut durant les deuxième et troisième vagues du covid. Le commerce, affecté par les restrictions du troisième confinement, au printemps 2021, a nettement chuté en avril avant de se reprendre en mai et juin. Les services subissant les mesures les plus drastiques depuis l’automne 2020, comme les loisirs, la culture ou les transports, ont connu un net rebond. Les autres services, non touchés par les restrictions, tels que l’information, la communication, l’immobilier ou la finance, ont également enregistré une progression, jusqu’à retrouver leur niveau de début 2020. Enfin, l’agroalimentaire se maintenait déjà, depuis le début de l’année, à un niveau supérieur à celui de 2019.
Impact limité du pass sanitaire sur les affaires
Au cours de l’été qui se termine, les consommateurs ont appris à dégainer leur pass sanitaire, imposé à l’entrée des cinémas, des restaurants et d’autres lieux dévolus aux loisirs. On a beaucoup entendu, en août, certains restaurateurs et gérants des salles de cinéma regretter cette mesure, qui affecterait leur chiffre d’affaires. En pratique, les transactions par carte bancaire font certes « apparaître un fléchissement des montants payés au moment de l’instauration du pass », observe l’Insee. Mais l’effet de cette obligation semble temporaire, puisque les transactions se redressent dès le début du mois d’août pour les lieux soumis au pass à partir du 20 juillet, et de la mi-août pour les cinémas. Dans la restauration, « cette baisse reste très faible en comparaison des pertes de consommation connues au moment du troisième confinement ».
Le rebond permet aux conjoncturistes de parier sur une croissance de 2,7% au troisième trimestre et de 6% pour l’ensemble de 2021, après une récession de 8% en 2020. Mais les redressements rapides, comme les corrections soudaines, comportent leur lot d’aléas. Ainsi, la reprise mondiale s’accompagne, dans de nombreux secteurs, de tensions sur l’approvisionnement. Dès le printemps, la fabrication de biens d’équipement et de matériel de transports subissaient une pénurie de composants électroniques venus d’Asie. L’industrie automobile, mais aussi les fabricants de vélos, qui enregistrent par ailleurs une demande en forte hausse, ont dû limiter la production. Selon les enquêtes de conjoncture, « la part d’entreprises qui se déclarent limitées par les difficultés d’approvisionnement a marqué en juillet un point haut par rapport aux années précédentes ». La succession des vagues épidémiques, des confinements et des rebonds, dans des pays différents, rend la conjoncture peu lisible pour les industriels, qui testent parfois de nouveaux fournisseurs à l’aveugle. Au même moment, logiquement, le cours des matières premières remonte, tout comme le prix du transport maritime. Et en conséquence de ces tensions, l’Insee décèle un certain risque inflationniste.
Difficultés de recrutement
Le rebond se traduit concrètement pour les salariés. Entre fin mars et fin juin, l’emploi salarié privé a augmenté de 1,2%, soit « environ 240 000 créations nettes d’emplois », nettement plus que ce qu’avaient imaginé les conjoncturistes début juillet, reconnaissent-ils. Dès lors, au deuxième trimestre de 2021, « l’emploi salarié privé a retrouvé son niveau d’avant-crise ». Mais les entreprises font désormais face à des difficultés de recrutement. En juillet, « environ 15% des entreprises de l’industrie et des services et 40% de celles du bâtiment se déclaraient limitées dans leur production par l’insuffisance de personnel », précise l’Insee.
Les autres pays occidentaux, où un niveau de vaccination élevé a permis de résister à la quatrième vague, connaissent une situation similaire à celle de la France. Partout, la consommation des ménages a servi de moteur. L’activité « dépasse même son niveau d’avant-crise aux Etats-Unis », observe l’Insee.
Ces nouvelles réconfortantes pour les acteurs de l’économie sont toutefois soumises à deux incertitudes majeures. La première d’entre elles concerne la situation sanitaire, aussi bien en Europe qu’ailleurs, surtout si la couverture vaccinale ne progresse plus. La seconde porte sur les approvisionnements, qui pourraient affecter la production. Mais l’Insee n’hésite pas à se montrer optimiste. « Il n’est pas exclu que l’activité progresse plus vite que prévu si la situation sanitaire ne se dégrade pas à nouveau et si la dynamique de dépense se maintient », affirment les conjoncturistes.