Actualité

Le malaise des artisans d'art

Les artisans d'art sont suspendus à la décision du gouvernement de rétablir ou pas le seuil de franchise de la TVA à 85 000 euros de chiffre d'affaires. Mais leur malaise ne s'arrête pas à cette disposition fiscale.


© Adobe Stock
© Adobe Stock

Cela devrait être une fête, mais le cœur y sera-t-il ? Du 31 mars au 6 avril 2025 se déroule la 19 ème édition des Journées européennes des Métiers d’art, un peu partout en France. Soutenu par plusieurs ministères, l'événement vise à faire mieux connaître le secteur. Mais chez les artisans d'art, l'heure est plutôt à l'inquiétude ; l'échéance du 1er juin mobilise. Le gouvernement devra se prononcer sur une mesure pour l'instant suspendue : la baisse du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel, contre 85 000 actuellement (pour les micro-entreprises), prévue dans le cadre de la loi de Finances 2025. « Cette mesure met en péril la pérennité de nombreux artisans d'art. C'est le cas, par exemple, de ceux qui n'ont pas les reins assez solides financièrement, comme ceux qui ont démarré leur activité depuis deux ou trois ans. Mais cela va aussi mettre en difficulté ceux qui travaillent avec le grand public », explique Stéphane Galerneau, président d'Ateliers d'art de France, qui représente plus de 6 000 artisans d'art.

Certains d'entre eux se sont mobilisés directement, à l'image du Collectif français des artisans créateurs et du sur-mesure qui réunit des créatrices de robes de mariée sur mesure. Le 11 février, il a mis en ligne une pétition qui a recueilli 447 signatures, en quelques jours seulement. « À partir de 2025, nous allons devoir facturer 20 % de TVA à nos clientes, alors que la plupart d’entre elles ont signé leur devis en 2024. Cette mesure nous met dans une situation intenable : devons-nous leur annoncer qu’elles doivent payer plusieurs centaines d’euros supplémentaires ? Ou devons-nous absorber cette charge, au risque de voir nos marges déjà réduites disparaître complètement ? (..) nous ne pourrons pas récupérer la TVA sur nos matières premières, car elles ont déjà été acquises avant cette réforme », décrit le collectif.

Un statut spécifique ?

Dans le projet de loi de Finances 2025, une autre mesure– finalement abandonnée - avait suscité l'inquiétude : la suppression des moyens attribués à la gestion et à la promotion du label EVP, Entreprises du Patrimoine Vivant, qui distingue les entreprises françaises détenant des savoir-faire industriels et artisanaux d'excellence... Partant, dans le texte accompagnant leur pétition, les créatrices de robes de mariée dénoncent un « problème plus profond » que celui de la réforme de la TVA et en appellent à la création d' un « statut spécifique » pour les artisans d'art. « Ateliers d'art de France porte cette idée depuis de nombreuses années. Ce sont des métiers spécifiques, avec une formation longue, des savoir-faire durs à acquérir. Et ce sont aussi des petites entreprises avec des charges très lourdes », confirme Stéphane Galerneau.

Le fait qu'aucune spécificité ne soit reconnue aux métiers d'art les positionne dans des branches d'activité qui ne leur correspondent pas, selon Ateliers d'art de France. Par exemple, « des artisans qui réalisent quelques pièces par an sont logés à la même enseigne que des faiseurs industriels, ils se voient imposer les mêmes contraintes », poursuit Stéphane Galerneau. Lui-même est fondeur. Il crée et fabrique des objets de décoration en étain doré. Et il partage son code APE avec Arcelor Mittal...

Au total, les 281 métiers d'art recensés regroupent 234 000 entreprises, 500 000 actifs et ils réalisent un chiffre d'affaires de 68 milliards d'euros, selon une étude publiée en novembre 2024 par l'Institut pour les savoir-faire français et la fondation Bettancourt-Schueller.