Le Musée des Beaux-Arts de Dijon consacre une exposition majeure à la naissance de la mode au XVIIIe siècle
S’identifier aux élites, représentées dans leurs vêtements par les peintres, s’habiller en conséquence, auprès des premières vendeuses de mode, c’est à toute cette inflorescence artistique et artisanale que le Musée des Beaux-Arts de Dijon consacre sa grande exposition d’été, « À la mode, l’art du paraître au XVIIIe siècle ».
Avec cette sa grande exposition d’été, « À la mode, l’art du paraître au XVIIIe siècle », le Musée des Beaux-Arts de Dijon entend renouer avec une fréquentation d’avant Covid et jouer à plein son rôle de moteur de l’attractivité touristique de la ville. Il accueillait, en 2019, année de sa réouverture complète après rénovation, 310 000 visiteurs, près du double de l’année 2018.
Pour Frédérique Goerig-Hergott, la nouvelle directrice des musées de la métropole, recrutée en mai dernier, l’enjeu est également de taille. Elle plaide pour doter l’établissement culturel de vastes espaces dédiés aux grandes expositions provisoires, curieusement oubliées lors de la refonte du musée. L’exposition, qui se tient jusqu’au 20 août, occupe la quasi-intégralité du premier étage du musée dijonnais, totalement réaménagé pour l’occasion. Une gymnastique coûteuse qu’elle aimerait éviter à l’avenir.
Ministre des modes
En attendant, les visiteurs ont tout loisir de découvrir la naissance de la mode en France. Elle est apparue au XVIIIe siècle, un moment d’emballement de l’histoire, d’émergence d’idées neuves, de naissance de l’industrie. « La mode est née d’un mouvement d’appropriation vestimentaire au sein des élites, qui ont imité les robes et vêtements des puissants, représentés par les peintres », détaille Sandrine Champion-Balan, commissaire de l’exposition. Un tableau, tout particulièrement, dont une copie est présentée à l’exposition, « lance la mode » : le portrait de la reine Marie Leszczyńska, représentée par le peintre Jean-Marc Nattier dans une splendide robe de ville rouge, éloignée des habits de cour habituels.
À la faveur de la compétition du paraître qui s’engage entre nobles, et avec la haute bourgeoisie, naît toute une industrie, un artisanat extrêmement raffiné, et un commerce « de mode », tenu alors par des femmes, comme la célèbre « ministre des modes » de la reine Marie-Antoinette, Rose Bertin. Qu’il s’agisse d’imaginer les motifs, de fixer les silhouettes, les peintres sont évidemment convoqués au banquet de la haute couture naissante.
La révolution n’est pas loin, et l’idée de liberté se dessine aussi dans l’habillement. « D’abord, on cesse d’emmailloter les enfants, pour libérer leurs mouvements. Puis se développe la vogue grandissante du négligé, masculin ou féminin, dans lequel peintres et écrivains aiment à se faire représenter », note Sandrine Champion-Balan. Le corps y est libre, le tissu transparent laisse entrevoir les formes, la peinture se fait un peu érotique.
Des pièces rares
« À la mode, l’art du paraître au XVIIIe siècle » est monté en partenariat avec le musée des Beaux-Arts de Nantes et le Palais Galliera, musée de la mode de la ville de Paris. Celui-ci présente certaines pièces rares, dont une robe, restaurée pour l’occasion et exposée pour la première fois. À travers quelques pièces remarquables se révèle la transformation de l’apparence des femmes qui troquent au XVIIIe siècle, les anciennes robes « à la française », reconnaissable à leur forme de cloche, donnée par leur jupon baleiné, le panier, contre les nouvelles « robes à l’anglaise », moins corsetées mais pourvues souvent d’un « faux-cul », double coussin astucieusement positionné pour augmenter le derrière. Le chirurgien de Kim Kardashian n’a rien inventé. Richement scénographiée, l’exposition donne à comprendre, et à voir une partie des mouvements qui agitent ce XVIIIe siècle, dans leur traduction picturale, vestimentaire ou poétique.
Pour Aletheia Press, Arnaud Morel