Population

Les chiffres nuancés de la démographie française

Si la natalité est en baisse, et la mortalité en hausse pour cause d’arrivée des baby-boomers à des âges avancés, l’espérance de vie à la naissance connaît une forte progression, pour les hommes comme pour les femmes. La population française continue de croître, avec 68,4 millions d’habitants.

 La population française continue de croître, avec 68,4 millions d’habitants.
La population française continue de croître, avec 68,4 millions d’habitants.

Quand Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études et enquêtes démographiques à l’Insee, a pris la parole, le 16 janvier, pour détailler un « bilan démographique » de la France en 2023, elle devait se douter que le sujet serait commenté par la sphère politique. Elle ne savait sans doute pas, en revanche, que le président de la République se saisirait de l’affaire, plaidant le soir même pour un « réarmement démographique », dans la droite ligne des politiques natalistes de la première moitié du siècle dernier.

678 000 bébés sont nés en France en 2023, une baisse de 6,6% par rapport à l’année précédente. Selon l’Insee, l’indicateur conjoncturel de fécondité, qui « mesure le nombre d’enfants qu’aurait une femme tout au long de sa vie, si les taux de fécondité observés demeuraient inchangés », s’établit à 1,68 enfant par femme, alors qu’il était de 1,79 en 2022. Cet indicateur est en 2023 le troisième plus bas depuis la guerre, après 1993 et 1994, années de « crise économique », relève Sylvie Le Minez. Parallèlement, l’âge moyen au premier enfant continue de reculer. Il s’établit à 31 ans en 2023, contre 29,5 ans vingt ans plus tôt. Interrogée sur les causes de la baisse de la natalité, la spécialiste évoque « plusieurs facteurs », parmi lesquels il est difficile d’identifier les principaux. Outre les incertitudes économiques, internationales, environnementales, elle observe que « la vie familiale continue de reposer principalement sur les femmes », ce qui les détournerait de l’envie d’avoir autant d’enfants que dans les générations précédentes. La France faisait tout de même partie, en 2021 encore, des pays européens les plus féconds, avec la Tchéquie et la Roumanie. A l’opposé, Malte, l’Espagne et l’Italie affichaient les taux les plus bas, inférieurs à 1,3.

Parallèlement aux 678 000 naissances, 631 000 personnes sont décédées l’an dernier. L’écart entre ces deux chiffres, appelé solde naturel, est « le plus faible » depuis la Deuxième guerre mondiale, précise Sylvie Le Minez. Cette évolution s’explique non seulement par la baisse de la natalité depuis la fin des années 2010, mais aussi par l’arrivée des générations du baby-boom d’après-guerre « à des âges où la mortalité est plus élevée », indique la spécialiste. Les chiffres montrent que le nombre de décès a reculé par rapport aux trois années précédentes, marquées par l’épidémie de Covid. En revanche, la mortalité infantile, qui s’établit à 4 pour 1 000, connaît une légère hausse depuis une dizaine d’années, alors que ce taux avait baissé continuellement jusqu’en 2005.

5 millions d’habitants de plus qu’en 2003

La population française n’en continue pas moins de progresser, avec 68,4 millions d’habitants, soit 0,3% de plus que l’année précédente. Le pays compte 2 millions d’habitants de plus qu’il y a dix ans, et plus de 5 millions qu’il y a vingt ans. De même, l’espérance de vie n’a jamais été aussi élevée, à 85,7 ans pour les femmes à la naissance, et 80 ans, une première, pour les hommes. Par rapport à 2022, l’espérance de vie « est en hausse de 0,6 an pour les femmes et de 0,7 an pour les hommes », observe l’Insee, qui met en évidence une hausse plus forte en 2023 que dans les années 2000. L’espérance de vie à 60 ans « augmente fortement aussi entre 2022 et 2023 et retrouve un niveau supérieur à celui de 2019 » : 27,9 ans pour les femmes et 23,7 ans pour les hommes. La tendance à un rapprochement des espérances de vie des deux sexes, observée depuis les années 1990, se poursuit. Traditionnellement, explique Sylvie Le Minez, « l’activité professionnelle des hommes, leur consommation d’alcool ou de tabac » expliquait leur mortalité précoce par rapport aux femmes. En outre, celles-ci pratiquent un « suivi médical » plus régulier. Mais l’impact de la pénibilité au travail et des addictions se réduit. Ainsi, si les hommes fument encore davantage que les femmes, la part des fumeuses régulières ou occasionnelles est stable depuis 50 ans, tandis que la proportion des hommes fumeurs a été divisée par plus de deux durant la même période.

Ce tableau ne saurait être complet sans les statistiques concernant les mariages, dont le nombre reste stable à 242 000, après deux années, 2020 et 2021, en retrait pour cause d’épidémie. 7 000 mariages de même sexe ont été conclus, ainsi que 210 000 pactes civils de solidarité (Pacs), même sexe et sexes différents confondus.

En 2024, le recensement, qui a commencé le 18 janvier et s’étalera jusqu’en mars pour certains territoires, concernera 9 millions de personnes vivant dans 5 millions de foyers.

Olivier RAZEMON