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Les métiers du secteur des hôtels-restaurants en tension à la veille des JOP

Le baromètre de mars 2024 du cabinet de conseil et d’études KYU Associés fait état de tensions au recrutement dans l’hôtellerie et la restauration (HR), alors qu’une augmentation des besoins en personnel est attendue à l’aube des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), le 26 juillet prochain. Si restaurateurs et hôteliers se préparent, de nombreux facteurs de risque pèsent sur le secteur qui doit notamment faire face à de gros enjeux en termes d’attractivité.

(© Adobe Stock)
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Quelque 61 800 emplois. C’est ce que pourraient mobiliser l’accueil des Jeux Olympiques de Paris 2024 au sein du secteur touristique*. Dans le détail, 15 910 emplois concerneraient les métiers de la cuisine, 13 490 du service en restauration, 2 360 emplois les métiers de service à l’étage en hôtellerie et 1 440 les métiers du hall en hôtellerie. Avec 15 millions de repas servis pendant les JOP, selon France Stratégie et l’afflux de touristes nationaux et étrangers, les métiers de la restauration et les équipes des hôtels et centres d’hébergement vont ainsi être fortement mobilisés. Un pic de recrutements, et donc une hausse des tensions, est attendu à la fin de ce premier semestre 2024. Alors que 150 000 offres d’emploi devraient être publiées sur la période, selon le baromètre, il semble que les professionnels n’anticipent pas encore ces recrutements puisque cette hausse des besoins n’était pas encore visible dans le nombre d’offres publiées en début d’année.

Conditions de travail contraignantes

Face à ce besoin de massif de main d’œuvre nécessaire à l’accueil des Jeux, le manque d’attractivité des métiers du secteur constitue un facteur de risque important, selon le baromètre du cabinet de conseil et d’études KYU Associés, sur les tensions de recrutement sur le secteur des HR, de mars 2024**. Parmi les principaux freins à l’attractivité du secteur, des conditions de travail jugées contraignantes. Ainsi, l’hôtellerie-restauration est le premier secteur en tension en termes de conditions de travail, devant le bâtiment et les travaux publics. En cause notamment, les fortes contraintes horaires. Ainsi, les niveaux d’horaires atypiques sont extrêmement élevés dans l’HR : on compte deux à trois fois plus de travailleurs déclarant avoir des journées de travail morcelées (18%), travailler au moins dix dimanches (41%) ou cinquante nuits par an (10%) que dans l’ensemble des métiers***.

Et faibles rémunérations

Une situation qui s’accompagne d’une part élevée de travailleurs déclarant être mal payés compte tenu du travail effectué. Les niveaux de salaires seraient plus bas que dans les autres secteurs, et de surcroît évolueraient moins rapidement. Et ce même si, après la crise sanitaire, ils ont rattrapé le niveau des autres secteurs à partir de juin 2022, avec notamment un accord signé par les partenaires sociaux qui entérinait une rémunération minimum supérieure de 5% au Smic, soit une augmentation moyenne de 16% sur l’ensemble des métiers du secteur. Mais à partir de fin 2022, la dynamique des salaires a connu un nouvel infléchissement par rapport à celle des autres secteurs. Ainsi, au 1 er janvier 2024, le taux horaire brut minimum de la convention collective hôtels, cafés et restaurants (HCR) était fixé à 11,72 euros (salarié de niveau 1 et d’échelon 1), contre 11,65 euros pour le Smic. Le baromètre met en avant quelques chiffres significatifs sur le sujet : 1 550 euros net/mois de salaire moyen publié dans les offres d’emploi pour un serveur ; ou encore 11 233 euros de revenu salarial annuel net, soit près de 9 000 euros de moins que la moyenne des salariés.

Autre frein mis en avant, le fait que ces emplois soient « peu durables », avec des proportions importantes de salariés en CDD et temps partiel. Enfin, les perspectives de carrière dans le secteur semblent relativement défavorables, avec notamment de faibles chances de promotion ou d’amélioration des revenus pour les travailleurs ayant connu une mobilisation professionnelle, ainsi que des risques très élevés de transition vers le chômage et l’inactivité. Enfin, les salariés du secteur ont souvent peu accès à la formation professionnelle, avec un taux inférieur de moitié à celui de l’ensemble des salariés (7% contre près de 15%). Pour Thierry Marx, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), le « mécanisme du coût du travail dans l’hôtellerie et la restauration est un problème structurel et non conjoncturel ». Il a notamment déclaré sur France Info : « Nous allons aborder la question des Jeux Olympiques sans avoir résolu le problème de la ressource humaine ».

Neuf sites de compétition concernés

Pour l’UMIH, il manquerait quelque 200 000 travailleurs saisonniers pour la prochaine saison estivale. En cause là encore, des rémunérations moindres, des horaires surchargés, des heures supplémentaires souvent non rémunérées et la difficulté rencontrée par les saisonniers pour se loger. Des tensions qui s’expliquent également par l’augmentation des besoins en recrutement dans certaines régions, en prévision des JOP. L’Ile-de-France regrouperait ainsi 21% des offres d’emploi au second semestre 2023, contre 19% en 2022.

A l’occasion des JOP, ce sont plus de 13 millions de spectateurs, 15 000 athlètes accompagnés de leur entourage, des milliers de journalistes, ainsi que de nombreux prestataires de l’organisation que la France s’apprête à accueillir. Et au-delà de Paris et de la Région parisienne, c’est sur l’ensemble du territoire que les besoins vont se faire ressentir. Neuf sites de compétition sont répartis sur tout l’Hexagone, avec autant de besoins en hôtellerie et restauration, comme à Villeneuve-d’Ascq (Nord), Nantes, Bordeaux, Lyon , Saint-Etienne, Nice, Marseille et Châteauroux (Indre). Ces territoires ayant massivement recours au personnel saisonnier lors des pics d’activité, ils sont d’autant plus exposés aux tensions. Cela s’explique notamment par la baisse du nombre de saisonniers dans le secteur (- 500 000 personnes entre 2020 et 2022, selon le ministère du Travail).

Avis de recherche d’employés de restauration et de cuisiniers

Si les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes, certains métiers sont aujourd’hui particulièrement exposés aux tensions. Premier niveau de criticité, les métiers d’employés de restauration, dû essentiellement à un effet volume –près de 11 000 offres d’emploi au 2e semestre 2023, soit 10% des offres d’emploi publiées dans le secteur. Ou encore, les managers de l’hôtellerie, suite à un effet dynamique d’augmentation des besoins en recrutement (+10% entre le 2e semestre 2022 et la même période de 2023). Deuxième niveau de criticité, le métier de cuisinier, qui représente au second semestre 2023 près de 7% des offres d’emploi du secteur. D’autres métiers en tension, tels que les commis de cuisine, les seconds de cuisine ou les chefs de partie apparaissent moins exposés. A titre de comparaison, en 2022, les métiers les plus critiques étaient ceux de serveur, cuisinier, commis et de barman, plongeur et réceptionniste.

* Rapport de l’AFDAS et du Ministère du Travail

**Komète KUY Observatoire métiers tendances emplois

*** France Stratégie

Charlotte DE SAINTIGNON